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Les Îles Cook, l'archipel du Pacifique qui aide Russie et Iran à écouler leur pétrole malgré les sanctions

Des pétroliers soupçonnés d'être impliqués dans la contrebande de pétrole brut pour la Russie et l'Iran utilisent un bureau bordant une plage des Îles Cook pour brouiller les pistes, a constaté l'AFP au travers...

Vue aérienne de l'île de Rarotonga, la plus importante des Îles Cook, le 30 août 2012 © Marty Melville
Vue aérienne de l'île de Rarotonga, la plus importante des Îles Cook, le 30 août 2012 © Marty Melville

Des pétroliers soupçonnés d'être impliqués dans la contrebande de pétrole brut pour la Russie et l'Iran utilisent un bureau bordant une plage des Îles Cook pour brouiller les pistes, a constaté l'AFP au travers d'une analyse de données relatives aux sanctions.

Niché à côté d'une pizzeria dans cet archipel isolé de l'océan Pacifique se trouve le modeste siège social de Maritime Cook Islands, l'un des registres maritimes qui connaît la plus forte croissance au monde.

Les armateurs étrangers peuvent payer l'entreprise pour naviguer sous le pavillon étoilé de cet archipel polynésien dans lequel ils n'ont jamais mis les pieds.

Les données relatives aux sanctions américaines identifient 20 pétroliers immatriculés aux Îles Cook comme étant soupçonnés d'avoir fait de la contrebande de carburant russe et iranien entre 2024 et 2025.

Quatorze autres pétroliers battant pavillon des Îles Cook figurent sur la liste noire d'une autre base de données britannique répertoriant les sanctions pour la même période.

La Nouvelle-Zélande, de loin le partenaire diplomatique le plus proche des Îles Cook, a déclaré qu'il était "alarmant et exaspérant" de voir les efforts de sanctions compromis.

"La Nouvelle-Zélande continue d'être très préoccupée par la manière dont les Îles Cook gèrent leur registre maritime, ce qu'elle a exprimé à plusieurs reprises au gouvernement des Îles Cook depuis de nombreuses années", a déclaré un porte-parole du ministre des Affaires étrangères Winston Peters.

Les Îles Cook, qui jouissent d'une autonomie administrative, restent en "libre association" avec la Nouvelle-Zélande, ancienne puissance coloniale, qui continue d'intervenir dans des domaines tels que la défense et les affaires étrangères.

Croissance la plus rapide" au monde

Maritime Cook Islands, une entreprise privée "sous délégation de pouvoir" du gouvernement local et supervisée par l'autorité nationale de régulation des transports, se charge de la tenue et de la gestion du registre maritime du micro-État.

Les recettes publiques provenant des droits de navigation ont bondi de plus de 400% au cours des cinq dernières années, selon les documents budgétaires des Îles Cook, et atteignent l'équivalent de plus de 151.000 euros au cours du dernier exercice financier.

Le journal maritime Lloyd's List a couronné l'année dernière la Maritime Cook Islands comme entreprise avec le "registre à la croissance la plus rapide" au monde.

Cette activité lucrative, bien que permettant de renflouer les caisses de l’État, présente des failles.

Le Royal United Services Institute, un groupe de réflexion britannique, estime que l'Iran et la Corée du Nord exploitent depuis des années les registres maritimes de petits pays du Pacifique Sud tels que les Palaos, Niue ou Tuvalu.

Flotte fantôme russe

Selon un briefing du Parlement européen datant de 2024, les Îles Cook figurent parmi les "principaux pays dont les pavillons sont utilisés par les pétroliers fantômes transportant du pétrole brut russe".

En avril, une compagnie maritime basée aux Émirats arabes unis a été accusée d'avoir fait passer en contrebande "des millions de dollars" de carburant pour le compte de l'armée iranienne dans le golfe Persique.

L'entreprise disposait, selon les États-Unis, de pétroliers battant pavillon de la Barbade, de la Gambie, du Panama et des Îles Cook.

"Plusieurs navires battant pavillon des Îles Cook ont été identifiés comme faisant partie de la flotte fantôme" russe, selon le professeur de l'Université nationale australienne Anton Moiseienko, spécialisé en sanctions et criminalité financière.

Les sanctions occidentales visent à empêcher l'Iran et la Russie de tirer profit de leurs ventes de pétrole, afin de limiter le financement du programme nucléaire de Téhéran ou de l'invasion de l'Ukraine par Moscou.

Pas de mécanisme international

Le capitaine et deux officiers d'un pétrolier immatriculé aux Îles Cook soupçonné d'appartenir à cette flotte, l'Eagle S, sont accusés d'avoir volontairement sectionné des câbles en mer Baltique fin 2024.

Le tribunal finlandais où ils ont été jugés en août et septembre dernier s'est déclaré incompétent en octobre, au motif que "ce sont les tribunaux de l'État du pavillon du navire ou de l'État d'origine des prévenus qui avaient compétence pénale en la matière".

En ce qui concerne les États du pavillon, "il n'existe pas vraiment de mécanisme international pour faire respecter leurs obligations", déplore M. Moiseienko.

"Le registre des Îles Cook n'a jamais accueilli de navires sanctionnés" et "dispose de plateformes qui permettent une surveillance et une détection efficaces des activités illicites", se défend Maritime Cook Islands.

La société affirme "ne pas avoir connaissance" des préoccupations relatives au non-respect des sanctions ou de tout cas d'abus.

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