À la "chasse" à la sardine au large de la pointe bretonne
"Y a le feu à la mer!", crie Ludo Garrec, 44 ans, depuis le cockpit du bolincheur Stereden Ar Moor. Les yeux rivés sur son sonar, le patron du navire...

"Y a le feu à la mer!", crie Ludo Garrec, 44 ans, depuis le cockpit du bolincheur Stereden Ar Moor. Les yeux rivés sur son sonar, le patron du navire vient de repérer un banc de sardines.
Aussitôt, les matelots enfilent leurs cirés et sortent se préparer à lancer le filet à l'eau. À tribord, un autre bolincheur (ou sardinier) a déjà encerclé le poisson avec sa senne.
La nuit vient tout juste de tomber sur une mer calme, au large de la Pointe Saint-Mathieu (Finistère), où une douzaine de navires "chassent" le petit poisson prisé des conserveries bretonnes.
En cette soirée de juillet, le Stereden a navigué pendant deux heures et demie pour rallier la chaussée des Pierres noires, où la sardine est plus grosse et plus abondante que d'habitude.
"Ça fait, franchement, une dizaine d'années, voire 12 ans, qu'on n'a pas vu aussi gros", calcule Ludo, qui pêche la sardine depuis 2010. "Donc ça fait plaisir avec les années difficiles qu'on a eues."
La taille de la sardine s'est en effet réduite de 50% en 15 ans, à âge égal, sans doute sous l'effet du réchauffement climatique, selon l'Ifremer. Un problème de taille et d'abondance qui a posé problème aux conserveries bretonnes ces dernières années.
- sardine "électrique"-
Dès son arrivée sur la zone de pêche, Ludo voit la proie sur son écran. Mais "elle est pas pêchable, elle est trop électrique", dit-il. "Le poisson tient pas, il va dans tous les sens".
Boucle d'oreille et tee-shirt "BZH", le patron de pêche dit "adorer" ce métier, plus stimulant que la pêche au chalut. "Tu vas à la chasse de la sardine, quoi, tu vas essayer de la chercher, de la pêcher. C'est pas du tout la même motivation", dit-il.
Quelques minutes passent et le banc se fait plus dense. Une lumière rouge a envahi le pont où les matelots attendent pour passer à l'action. "Laisse aller!", hurle Ludo à Léo Beriet, matelot de 25 ans, qui dénoue une corde retenant la senne.
Le long filet de 350 mètres, monté sur des flotteurs, se déroule à toute vitesse pour entourer le banc de poissons, avant d'être refermé par le bas afin de former une poche. Les matelots tirent alors sur la senne pour rétrécir la poche et la ramener le long du bateau.
Des trombes d'eau s'abattent sur l'équipage quand Ludo vide la poche à l'aide d'une grande épuisette (la salabarde) montée sur une grue, qui déverse les sardines dans les cuves du bateau.
"Tu la vois la mouette? Tu la vois ou pas?!", lance-t-il à Dominique Palut, 57 ans, qui attrape l'oiseau pris dans l'épuisette et l'envoie rejoindre les dizaines de goélands qui encerclent le bateau.
- "Libre sur l'eau"-
Le premier coup de filet est un succès, avec près de six tonnes de poissons remontés avant minuit.
Le deuxième coup sera moins réussi. "Ah, la, la, merde, j'ai déconné, j'aurais dû prendre mon temps. J'ai fait n'importe quoi, y a rien dedans", râle Ludo, le filet à peine refermé.
Un troisième coup porte la pêche de la nuit à 12 tonnes de poisson au total, alors que les conserveries en ont commandé sept tonnes.
À bord, l’odeur du petit poisson a imprégné chaque recoin ; des écailles s'accrochent à la peau et aux vêtements.
Mais les marins n'y prêtent garde, faisant une sieste, cassant la croûte, ou buvant une bière en attendant le port.
Une fois arrivés à Douarnenez, à 05h00 du matin, il faudra encore 3 heures pour décharger la marchandise.
"En saison, y a beaucoup d'heures de travail et peu d'heures de repos", commente Titouan Preunel, matelot de 21 ans. "Tu pars le soir, en fin d'après-midi, et tu rentres des fois à midi-13h à la maison, pour repartir à 17h".
"Donc, ça fait court. Mais sinon, c'est plaisant comme métier", dit-il. "T'es libre sur l'eau quoi, c'est ça qu'est bien."
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