Merville : la ferme Delassus transforme le miscanthus en isolant biosourcé

Pour son projet de production de blocs d’isolation en miscanthus, l’exploitation familiale nordiste est l’une des huit lauréates régionales du programme Territoires d’industrie en transition écologique du Fonds Vert. Reportage.

À la tête de la ferme Delassus à Merville, Florence Douchez et son frère Bruno Delassus ont fait le pari de se lancer dans production de blocs d’isolation biosourcés en miscanthus.
À la tête de la ferme Delassus à Merville, Florence Douchez et son frère Bruno Delassus ont fait le pari de se lancer dans production de blocs d’isolation biosourcés en miscanthus.

À Merville, la ferme Delassus incarne une transformation agricole audacieuse et visionnaire à l’heure de la nécessaire transition écologique et économique. À sa tête, Florence Douchez et son frère Bruno Delassus, qui ont fait le pari de prendre un virage à 180 degrés.

Une production de 3 000 tonnes annuelles

L’histoire de l’exploitation familiale, comme il en existe beaucoup sur la région et qui s’est naturellement transmise de génération en génération, est marquée par des choix déterminants. Longtemps consacrée à l’élevage laitier, aux pommes de terre, aux céréales ou encore aux oignons, l’exploitation a progressivement abandonné ses métiers traditionnels, l’élevage laitier dès 2015 puis les productions végétales en 2023, pour ouvrir une nouveau chapitre. «Les normes étaient devenues trop contraignantes, notamment pour la pomme de terre», confie Florence Douchez. «Et lorsqu’on nous a présenté les nombreux avantages de se lancer dans la production de miscanthus et ses débouchés, mon frère et moi avons décidé de nous lancer dans cette nouvelle aventure».

Souvent méconnu, le miscanthus pousse sans engrais ni traitement chimique, se régénère pendant environ 20 ans et capte par ailleurs jusqu’à 29 tonnes de CO2 par hectare et par an. «Dès 2022, nous avons passé les 180 hectares de l’exploitation sur ce nouveau projet et la production devraient atteindre les 3 000 tonnes annuelles, une fois le plein rendement atteint en 2026». La récolte de 2024, d’ores et déjà prometteuse avec 2 200 tonnes, a principalement été destinée aux chaudières biomasse, les autres débouchés identifiés étant la litière animale et le paillage horticole. «Une fois récolté, le miscanthus est simplement broyé puis dépoussiéré, sauf s’il est utilisé en tant que combustible et stocké dans un nouveau hangar monté de toutes pièces par mon frère… il a des mains en or» glisse-t-elle, admirative.

D’ici 2026, la production devraient atteindre les 3 000 tonnes annuelles de miscanthus pour 180 hectares de surface.

Des blocs d’isolation biosourcés en miscanthus

Mais c’est une autre application du miscanthus qui a convaincu l’État et l’ADEME : son potentiel en tant que matériau isolant. En effet, après une phase de R&D menée en partenariat avec le laboratoire d’un cimentier industriel, la ferme Delassus a mis au point un prototype de blocs d’isolation biosourcés. «Le miscanthus possède des propriétés thermiques remarquables puisque la chaleur et le froid mettent 12 heures à traverser nos blocs, contre environ trois heures pour la laine de verre», explique Florence Douchez. «En plus d’être performant, c’est un matériau perméable à l’humidité qui améliore significativement le confort intérieur et contribue à réduire les consommations énergétiques des bâtiments».

Et de poursuivre : «Notre projet porte sur l’ouverture d’une ligne de production d’ici 2026, sur un nouveau bâtiment de la ferme, pour un investissement global qui avoisinera les quatre millions d’euros. Ce soutien financier de 1,2 million d’euros nous apporte de la crédibilité, notamment pour mobiliser les financements bancaires complémentaires, et nous permet d’envisager l’avenir avec davantage de sérénité». Florence Douchez et son frère Bruno Delassus sont désormais en quête d’un partenaire pour assurer la commercialisation des blocs, et pourront compter sur le dynamisme initié par les équipes du CD2E pour faire du miscanthus un matériau biosourcé bientôt incontournable dans le monde du bâtiment. 

Souvent méconnu, le miscanthus pousse sans engrais ni traitement chimique, se régénère pendant environ 20 ans et capte par ailleurs jusqu’à 29 tonnes de CO2 par hectare et par an.

Territoires d’industrie en transition écologique

Bertrand Gaume, préfet des Hauts-de-France, a dévoilé les 8 premiers lauréats du fonds Territoires d’industrie en transition écologique du Fonds Vert, déployé en 2024 afin d’accompagner et accélérer la transition écologique et repenser les modes de production.

Ce dispositif vise à soutenir des projets d’investissements industriels structurants et ambitieux sur le plan environnemental, situés dans le périmètre géographique d’un Territoire d’industrie et soutenus par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) du fait de leur cohérence avec la stratégie industrielle du territoire.

Huit projets ont été retenus dans les Hauts-de-France représentant un soutien de l’Etat de 5,4 millions d’euros pour un investissement total de 60,5 millions d’euros.