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À Metz, France Industrie Grand Est envoie un message clair
Lancée il y a quelques mois, l’entité France Industrie Grand Est a présenté les grandes lignes d’une action qui se veut offensive et monte en puissance face aux défis de notre temps, dans un contexte économique hexagonal incertain.

«Nous ne ferons pas le travail des filières mais un important lobbying et ne tomberons pas dans une suite de réunions improductives. Il faut agir». Le message martelé par Arnaud Bernier et Sébastien Renault, chefs de file de France Industrie Grand Est, est limpide et témoigne d’un véritable volontarisme. Le premier est administrateur UIMM Champagne-Ardenne et directeur général de la Fonte Ardennaise, le second président de Polyvia Grand Est et directeur des opérations Europe Albea. Ce sont donc deux parcours d’expertise, l’un dans la métallurgie, l’autre dans la plasturgie, qui pilotent France Industrie Grand Est, entité lancée en janvier dernier. «Nous sommes une équipe restreinte, avec peu de moyens, mais avec une forte volonté», ajoute le duo. Aux côtés des deux hommes, les délégués des organisations professionnelles : Marie Olivier (Polyvia Grand Est) et Sébastien Guenet (UIMM). En présentant la structure à la Maison des Industries Technologiques (MIT) à Metz, Arnaud Bernier et Sébastien Renault ont décrypté la philosophie et le plan d’action qu’ils essaiment depuis plusieurs mois et qui est appelé à monter en puissance.
Réindustrialiser concrètement...
On rappellera quelques bases, les fondations. France Industrie est l’organisation regroupant les fédérations industrielles et les grandes entreprises hexagonales pour représenter, promouvoir et défendre l’industrie des pouvoirs publics et de la société. Elle est présidée par Alexandre Saubot. Un rôle prépondérant quand on sait le flou politique dans lequel notre pays est tombé et toutes les incertitudes socio-économiques en découlant, impactant directement le tissu entrepreneurial. Un effet systémique négatif dont on ne mesure pas encore la profondeur à plus ou moins long terme. Le 17 juillet 2019, à l’initiative de France Industrie, le Comité régional Interindustrie (CRI) Grand Est s’est créé, piloté depuis sa genèse par Hervé Bauduin, en sa qualité de président de l’UIMM Lorraine. Ainsi mise sur orbite, France Industrie Grand Est tend à valoriser les métiers de l’industrie, ses savoir-faire, à défendre les intérêts des entreprises de la branche dans leur diversité auprès de leur écosystème polico-économique. On trouve là fédérés dans ce but les secteurs de la métallurgie, de la plasturgie, de la chimie, de l’agroalimentaire, du textile, de la pharmaceutique… Arnaud Bernier et Sébastien Renault ont rappelé les axes de France Industrie Grand Est : «Représenter et influencer les politiques publiques pour soutenir la compétitivité industrielle, accompagner la transformation des entreprises quant à la décarbonatation, la transition numérique, la RSE, l’innovation, l’Intelligence Artificielle (IA), les compétences, le recrutement, la formation…, valoriser les métiers afin d’attirer de nouveaux talents et de les fidéliser vers les carrières industrielles, favoriser la coopération entre les acteurs économiques, institutionnels et académiques.» En somme, donner une forme concrète à cette ambition de réindustrialisation dans une région au fort héritage industriel et regardant vers l’avenir. Le défi est d’importance, à bien des titres.
Quand l'international impacte le local
À partir de ce postulat de départ, France Industrie Grand Est va s’animer. «Il ne s’agit pas de faire les mêmes constats que l’on connaît, mais d’avancer, vraiment, en partant des réalités des territoires», poursuivent les chefs de file. Cela dans un contexte où l’économie française s’enferre dans un ralentissement, avec une croissance fragilisée et un marché du travail en repli, tandis que l’emploi industriel et la production manufacturière montrent des signes de faiblesse. L’investissement industriel s’essouffle, les ouvertures d’usines reculent depuis l’an passé. Les projets de loi de finances et un texte sur la diversification des activités européennes, centré sur la cybersécurité, la transition énergétique et l’économie circulaire, sont observés par les acteurs industriels, lesquels doivent également composer avec la hausse des redevances eau et des difficultés croissantes d’assurance. C’est ce qui a incité France Industrie à demander un «bouclier fiscal» et à examiner d’autres solutions de couverture. Si les prix du gaz demeurent plus élevés en Europe qu’aux États-Unis et en Chine, la France bénéficie d’une tendance baissière de ses prix de l’électricité, pendant qu’un accord avec Bruxelles a ouvert la voie à de nouveaux investissements dans l’hydroélectricité. Ce panorama hexagonal s’inscrit dans un environnement économique mondial tendu par les politiques tarifaires américaines et la compétitivité chinoise. On notera qu’en Grand Est, l’industrie pèse 304 000 emplois. Une relative atonie dans les embauches se dessine depuis plusieurs mois, même si les besoins en main-d’œuvre existent. Aéronautique et énergie conservent une activité dynamique quand les secteurs automobile, agricole, l’équipement du bâtiment décrochent. Le nombre de créations d’entreprises dans l’industrie en région progresse, alors qu’augmente celui des entreprises en difficultés, quand d’autres cherchent des compétences. L’enjeu est là : conserver ces compétences en Grand Est. Pas simple quand les investissements voient leur rythme diminuer. Arnaud Bernier et Sébastien Renault l’ont souligné : «Nous sommes inquiets par le ralentissement constaté sur l’apprentissage et la capacité du territoire à pouvoir répondre aux besoins des entreprises. » Selon l’Observatoire Régional Emploi Formation Grand Est (OREF), 138 000 offres sont à pourvoir dans l’industrie du Grand Est et plus d’un recrutement sur deux est jugé difficile. L’OREF indique «que l’on peut à horizon 2030 craindre une augmentation de la tension sur certaines professions - maintenance et industrie mécaniques, postes qualifiés cadres et ingénieurs».
Des taxes qui plombent la compétitivité
Arnaud Bernier et Sébastien Renault ont mis en avant «cette accumulation de taxes et de contributions spécifiques venant alourdir leurs charges d’exploitation. C’est le cas de la taxe transport et du versement mobilité. Ces prélèvements obligatoires qui financent les infrastructures et services de transport collectif. Ils impactent directement les coûts des entreprises, sans que leur efficacité soit toujours avérée, sans toujours offrir une contrepartie adaptée aux besoins des zones industrielles. Les taxes supportées par les entreprises industrielles sont aussi liées à l’énergie, à l’environnement, à la formation. Le cumul nous fragilise face à la concurrence internationale qui n’est pas soumise aux mêmes contraintes». Les chefs de file de France Industrie Grand Est ont enfin dépeint la réalité de ces nouvelles réglementations européennes, souvent lourdes, venant s’ajouter à la fiscalité, comme le MACF (Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières) ou le PFAS (polluants éternels). Un labyrinthe, obligeant à modifier les conditions d’exercice de l’activité industrielle, caractérisé par son manque de clarté et ses charges massives imposées aux entreprises. Face à ces enjeux multiples, à son échelle, France Industrie Grand Est entend «agir vite et se montrer», comme l’a indiqué le duo à sa tête. Cela passera par un activisme sur les territoires et des observatoires locaux quant aux réalités précises de l’outil industriel, dans ses potentialités et ses freins. C’est par et pour ses acteurs que France Industrie Grand Est s’ébroue. Le début d’une mobilisation. Elle est vitale pour leur avenir. Ici, l'intelligence collective est de mise.
Rendez-vous à venir
. Du 17 au 23 novembre, la 14e Semaine de l'industrie ( www.semaine-industrie.gouv.fr).
. Les 28 et 29 avril 2026, la première édition de Business Industries Reims, au parc des Expositions de Reims.