À son procès à Paris, le Martiniquais Serge Letchimy défend les conditions de son départ à la retraite
La figure politique martiniquaise Serge Letchimy a défendu lundi sa "probité" à l'ouverture de son procès à Paris sur les conditions de son départ à la retraite début 2016 en tant que fonctionnaire territorial de...
La figure politique martiniquaise Serge Letchimy a défendu lundi sa "probité" à l'ouverture de son procès à Paris sur les conditions de son départ à la retraite début 2016 en tant que fonctionnaire territorial de Fort-de-France, en parallèle de son mandat de député.
Héritier politique d'Aimé Césaire, Serge Letchimy, 72 ans, est poursuivi pour recel de détournement de fonds publics aux côtés du maire de Fort-de-France Didier Laguerre, de son premier adjoint Yvon Pacquit et l'ancien directeur général des services de la collectivité. Le procès est prévu jusqu'à jeudi.
"Depuis ma rencontre avec Aimé Césaire et après 40 ans de vie politique et 33 ans en tant qu'élu, à aucun moment ma probité n'a été remise en cause. J'ai toujours eu la volonté d'une grande transparence et l'exigence d'une intégrité dans toutes mes fonctions politiques, tant au niveau national qu'au niveau local", déclare à la barre celui qui est l'un des visages les plus connus de la vie publique martiniquaise et des outre-mer français.
Le parquet national financier (PNF), basé à Paris, reproche à Serge Letchimy d'avoir été réintégré au premier trimestre 2016 dans ses fonctions d'ingénieur territorial pour la mairie de Fort-de-France pour faire valoir ses droits à la retraite anticipée, tandis qu'il exerçait le mandat de député de la 3e circonscription de Martinique.
Dans cette "violation du principe de séparation des pouvoirs et de non-cumul des emplois", la justice lui reproche d'avoir coûté à la mairie de Fort-de-France 34.000 euros de salaires et charges pendant les trois mois de sa réintégration dans l'administration locale. Serge Letchimy est également accusé d'avoir indûment perçu 67.000 euros d'incitation financière au départ à la retraite et 97.000 euros de pensions de retraite entre avril 2016 et mars 2019.
Convoqué à la barre pour son interrogatoire de personnalité en ce premier jour d'audience, Serge Letchimy remet en contexte son départ à la retraite. Après sa défaite au second tour des régionales de 2015, il dit avoir envisagé un temps d'abandonner la politique et de partir dans le secteur privé.
Personnage de roman
"Je n'ai jamais demandé à être réintégré au sein de la municipalité pour occuper une fonction. J'ai seulement demandé la possibilité d'exercer mon droit de départ à la retraite. Ensuite, j'ai suivi la procédure qui m'a été indiquée", affirme-t-il.
L'ex-député au casier judiciaire vierge se défend d'avoir exercé la moindre activité à cette occasion, ni même d'avoir demandé paiement de son salaire durant les trois mois de sa réintégration dans la fonction publique territoriale.
"C'est une réintégration administrative et tout de suite mise en congés. Lorsque j'ai reçu un premier virement, j'ai tout de suite appelé (le directeur général des services) et j'ai dit +qu'est-ce que c'est que ça ?+. On m'a répondu que c'était obligatoire."
Adoubé très tôt par Aimé Césaire, le père de la "négritude", Serge Letchimy a connu une trajectoire constamment ascendante: maire de la "capitale" martiniquaise de 2001 à 2010, député de 2007 à 2021, président de la Région en 2010 puis, en 2021, président de la toute jeune Collectivité territoriale de Martinique.
A l'Assemblée, ce bon orateur s'était fait un nom à travers plusieurs séquences politiques marquantes. En 2012, son interpellation très vive du ministre de l'Intérieur Claude Guéant après des propos sur la hiérarchie supposée des civilisations avait provoqué la sortie de l'hémicycle du gouvernement Fillon et de l'ensemble de la majorité, un épisode rarissime sous la Ve République.
En 2011, il avait été le rapporteur d'une loi sur l'habitat indigne en outre-mer. Rien de surprenant pour cet urbaniste de formation qui a contribué à la réhabilitation de l'emblématique quartier Texaco à Fort-de-France, un ancien bidonville squatté par des familles pauvres d'origine rurale.
Un épisode de l'histoire de la Martinique rendu célèbre par le roman "Texaco" de Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992, dans lequel Serge Letchimy était mis en scène dans le rôle - réel - d'un urbaniste accueilli très froidement par les habitants.
Le calendrier judiciaire tombe en outre au plus mal pour Serge Letchimy qui risque l'inéligibilité, alors que l'élu est en plein chantier pour préparer les évolutions institutionnelles de l'île.
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