Alerte rouge sur l’absentéisme dans les entreprises françaises
En 2024, l’absentéisme a atteint un niveau inédit dans les entreprises françaises. Ce ne sont plus seulement les arrêts ponctuels qui pèsent, mais la montée en puissance des arrêts longs, véritables révélateurs d’un mal-être persistant au travail. Les résultats du dernier baromètre WTW, mené auprès de près de 2 000 entreprises et 430 000 salariés, sonnent comme un avertissement : les organisations n’ont plus le choix, elles doivent investir massivement dans la prévention.

Plus d’un tiers (35 %) des salariés du privé ont été en arrêt maladie au moins une fois dans l’année 2024. Le taux d’absentéisme en 2024 a atteint 5,1%, soit une hausse de 3 % en un an. Derrière ce pourcentage, une réalité inquiétante : si les arrêts sont un peu moins fréquents, leur durée moyenne s’étire, pour atteindre 24,1 jours, contre 23,3 jours en 2023. Près de 6 % dépassent même trois mois. Les arrêts de longue durée représentent ainsi aujourd’hui 57 % de l’absentéisme, contre 48 % il y a cinq ans. Le facteur psychologique reste en première ligne. 36 % des arrêts longs sont dus à des risques psychosociaux : burn-out, stress chronique, dépressions. C’est ce que révèle la 7ème édition du baromètre de l’absentéisme dans le secteur privé* du cabinet de conseil spécialisé en gestion des risques, assurances, ressources humaines et actuariat WTW.
Des disparités criantes
Pour Noémie Marciano, directrice de l’activité Assurance de personnes chez WTW, l’absentéisme frappe « toutes les générations, tous les secteurs et tous les niveaux hiérarchiques ». Ainsi, toutes les catégories sont concernées : jeunes, seniors, ouvriers, cadres, secteurs pénibles, comme métiers tertiaires. Mais ce sont les jeunes actifs de 20 à 30 ans et les cadres qui enregistrent le plus grand nombre d’arrêts. Ces derniers, longtemps considérés comme relativement épargnés, affichent la progression la plus marquée, avec une durée moyenne d’absence qui dépasse désormais 20 jours. Les femmes, davantage présentes dans les secteurs exposés comme la santé, la restauration ou le social, affichent un taux d’absentéisme supérieur (6,1 %, contre 4,5 % pour les hommes). Les ouvriers (7,37 %) et les employés (6,79 %) restent les plus touchés, tandis que les CDD, souvent exclus des dispositifs de protection sociale, présentent, paradoxalement, un taux deux fois moindre que les contrats à durée indéterminée.
Le top 3 des secteurs d’activité avec le taux d’absentéisme le plus élevé reste, comme l’an passé, la santé et l’action sociale (8,5%), l’hébergement et la restauration (8%), et le transport et l’entreposage (6,8%). Côté territoires, les Hauts-de-France détiennent le triste record national, avec un taux de 6,56 % et des arrêts qui durent en moyenne près de 28 jours. Vient, en deuxième position, le Grand-Est, avec un taux d’absentéisme de 6,42%.
Une addition colossale
Un phénomène social qui a un coût économique conséquent : plus de 120 milliards d’euros par an. Cela inclut à la fois les dépenses directes (maintien de salaire, indemnités journalières de la Sécurité sociale, prestations de prévoyance) et les coûts cachés, plus difficiles à mesurer mais tout aussi réels : désorganisation des équipes, perte de productivité, surcharge de travail pour ceux qui restent, et, in fine, la dégradation de la marque employeur. La réforme entrée en vigueur en avril 2025, qui plafonne les indemnités journalières à 1,4 Smic, transfère une partie de cette charge supplémentaire vers les entreprises et les assureurs.
Quand la prévention paie
Face à cette spirale, certaines entreprises réagissent. Télétravail, droit à la déconnexion, accompagnement psychologique ou encore ergonomie des postes ne sont plus perçus comme de simples « avantages », mais comme des leviers de résilience collective. Dans la construction, secteur historiquement à risque, la mise en place d’une politique active de prévention (formation renforcée, modernisation des équipements, référents sécurité) a permis de ramener le taux d’absentéisme à 4,2 %, soit bien en dessous de la moyenne nationale. Un bon exemple qui montre l’intérêt d’investir dans la qualité de vie au travail pour les entreprises. « La hausse de l’absentéisme est bien plus qu’un indicateur social, c’est un signal d’alarme, rappelle Noémie Marciano. [Cela] révèle un besoin urgent de repenser l’organisation du travail, d’écouter les salariés et d’investir durablement dans la prévention et la qualité de vie au travail ». Ainsi, les entreprises doivent s’interroger sur leur organisation du travail, le management et la place laissée à la prévention. Cette dernière ne devant plus être vue comme une dépense, mais comme un investissement stratégique.
* Etude menée auprès de 431 981 salariés issus de 1 952 entreprises du secteur privé sur une période de cins ans, à travers les données issues des Déclarations Sociales Nominatives (DSN)