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Alfred Dreyfus en passe d'être élevé au grade de général de brigade par le Parlement

Un acte de "réparation" et de "reconnaissance": le Parlement s'apprête à élever Alfred Dreyfus au rang de général de brigade, à travers l'adoption définitive d'une loi de réhabilitation examinée jeudi au Sénat, malgré...

Photo d'archive non datée du capitaine Alfred Dreyfus en uniforme, prise dans un endroit inconnu après sa réhabilitation © -
Photo d'archive non datée du capitaine Alfred Dreyfus en uniforme, prise dans un endroit inconnu après sa réhabilitation © -

Un acte de "réparation" et de "reconnaissance": le Parlement s'apprête à élever Alfred Dreyfus au rang de général de brigade, à travers l'adoption définitive d'une loi de réhabilitation examinée jeudi au Sénat, malgré certaines réserves à droite et au centre.

"La Nation française élève, à titre posthume, Alfred Dreyfus au grade de général de brigade". Hautement symbolique, la proposition de loi de l'ancien Premier ministre Gabriel Attal tient en une phrase.

"Ce texte permet à la République de reconnaître son erreur, de reconnaître qu'un homme a été humilié", souligne le patron des sénateurs socialistes Patrick Kanner. Au Sénat, c'est lui qui a porté ce texte en choisissant d'inscrire l'initiative des députés macronistes à l'ordre du jour de l'espace parlementaire réservé au PS.

Cela permettra au Parlement d'adopter définitivement ce texte, déjà voté à l'unanimité en juin à l'Assemblée nationale. A condition toutefois que le Sénat l'approuve à l'identique dans la soirée, ce qui semble acquis.

Cette loi d'élévation vient s'ajouter à l'instauration d'une journée nationale de commémoration pour la reconnaissance de son innocence, chaque 12 juillet, annoncée cet été par Emmanuel Macron.

Double peine

En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus est condamné pour trahison et contraint à l'exil sur l'île du Diable en Guyane, sur la base de fausses accusations alimentées par un antisémitisme très ancré dans la société française de la fin du XIXe siècle.

Après une décennie durant laquelle l'affaire connaît un retentissement immense dans le pays et même à l'international, un arrêt de la Cour de cassation l'innocente le 12 juillet 1906, entraînant ipso facto sa réintégration dans l'armée. 

Dans la foulée, une loi le nomme chef d'escadron, un grade qui omet la prise en compte de ses cinq années d'emprisonnement, qui auraient dû lui permettre de prétendre à un échelon supérieur.

Une "injustice" en forme de "double peine, en plus de son emprisonnement dans des conditions de détention atroces", s'émeut auprès de l'AFP Michel Dreyfus, arrière-petit-fils du "capitaine Dreyfus".

Alfred Dreyfus demandera lui-même à voir sa carrière revalorisée, sans obtenir gain de cause, et quittera l'armée en 1907 - avant de servir à nouveau pendant la Première Guerre mondiale. 

Malgré le soutien très large qu'elle rassemble, cette proposition de loi a suscité des réserves sur certains bancs depuis le début de son examen, dans un contexte de progression des actes antisémites sur le territoire. 

Les députés MoDem avaient ainsi craint une "instrumentalisation" de l'affaire à des fins politiques, ne souhaitant pas donner le "sentiment fallacieux" que la classe politique serait "réellement unie pour faire face à l'antisémitisme d'aujourd'hui ou de demain". 

Ces objections sont partagées au Sénat dans les rangs des Républicains et des centristes, dont certains ont fait part de leur intention de s'abstenir, ou de ne pas participer au vote.

Réparer une erreur manifeste

Le président LR de la commission des Forces armées, Cédric Perrin, s'est notamment dit "profondément gêné" par "l'opportunité" que ce texte représente pour "certaines formations politiques de s'acheter +à bon compte+ une virginité de façade en matière d'antisémitisme", a-t-il indiqué à l'AFP.

Emmanuel Macron lui-même avait émis quelques doutes face à l'initiative, en juillet, estimant que "la promotion dans les grades militaires" procédait de "circonstances avérées du temps présent", et que seul le président de la République était le "garant de l'application de cette règle". Tout en concédant que le Parlement serait "souverain".

"Nous réparons au contraire une erreur manifeste qu'avait commise le Parlement lui-même en 1906", rétorque le socialiste Rachid Temal, rapporteur sur ce texte. 

"Il est absurde, parce qu'on craindrait de voir certains se servir de cette loi pour montrer qu'ils ne sont pas antisémites, d'abandonner le combat contre l'antisémitisme", ajoute-t-il auprès de l'AFP.

Les descendants d'Alfred Dreyfus accueillent de leur côté très positivement cette loi. "C'est une reconnaissance de la valeur du soldat qu'il était, dans la continuité des travaux qui l'ont réhabilité non pas comme victime passive, mais comme héros", pointe Michel Dreyfus.

"C'est un hommage vertueux, nécessaire mais probablement pas suffisant", appuie Anne-Cécile Lévy, arrière-petite-fille d'Alfred Dreyfus, qui continue d'espérer "une panthéonisation, en reconnaissance de toutes les valeurs qu'il incarne".

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