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Territoires

Anticiper les tensions sur la ressource en eau en France à l’horizon 2050

Un rapport initié par France Stratégie évalue les évolutions possibles de la demande en eau en France d’ici 2050, en fonction de différents scénarios climatiques et choix politiques. Objectif : anticiper les tensions qui pourraient survenir entre les différents usages de l’eau.


© Adobe Stock.
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Quelle pourrait être la demande en eau pour les activités humaines en France en 2050 ? Quels choix de société pourraient avoir des effets déterminants sur cette demande, afin d’éviter la survenue de tensions ? Telles sont les questions auxquelles répond le rapport de France Stratégie intitulé « La demande en eau - prospective territorialisée à l’horizon 2050 », publié début 2025, réactualisé en juin dernier et publié par le Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan. « Le cycle de l’eau sera de plus en plus affecté par le changement climatique, ce qui risque d’accroître les conflits d’usage dans les territoires », rappellent les auteurs du rapport, Hélène Arambourou et Simon Ferrière.

Trois scénarios prospectifs

L’évolution de la demande en eau dans les territoires est évaluée selon trois scénarios prospectifs : un scénario « tendanciel » qui prolonge les tendances passées, un scénario « politiques publiques » qui simule la mise en place de politiques récemment annoncées, et un scénario « de rupture » qui impose un usage sobre de l’eau (inspiré du scénario « coopérations territoriales » élaboré par l’Ademe, Agence de la transition écologique ). Et pour chaque scénario, la demande en eau pour l’irrigation agricole est estimée selon deux projections climatiques et deux conditions météorologiques : un printemps-été sec et un printemps-été humide. L’année de référence est 2020.

L’évaluation des prélèvements et des consommations concerne sept secteurs - l’irrigation, l’élevage, l’énergie, l’industrie, le tertiaire, le résidentiel et les canaux de navigation - et ne tient pas compte de la disponibilité réelle de la ressource en eau ni d’éventuelles contraintes réglementaires. Une prochaine publication évaluera les tensions entre la ressource en eau potentiellement disponible en 2050 et cette demande.

Le poids des centrales nucléaires et de l’irrigation

Entre 2020 et 2050, dans la configuration climatique la plus défavorable étudiée, « les prélèvements annuels en eau pourraient se stabiliser (scénario tendanciel) ou diminuer (scénarios politiques publiques ou de rupture), en raison de l’arrêt des centrales nucléaires les plus anciennes et de la modernisation des circuits de refroidissement des centrales encore en activité », conclut le rapport.

« Cette diminution des prélèvements sera toutefois très concentrée dans la vallée du Rhône. Dans le reste du territoire, quelle que soit la projection climatique utilisée, dans le cas d’un printemps-été sec, les prélèvements devraient augmenter pour satisfaire la demande en irrigation », en particulier l’été « lorsque la ressource en eau est au plus bas dans les nappes alluviales et les rivières ». Ces résultats « augurent de potentiels conflits d’usage dans certains bassins versants, notamment en période estivale. »

Alors que le secteur de l’énergie était le premier « préleveur d’eau » en 2020 en France, c’est l’agriculture qui va devenir premier préleveur en 2050, et ce, quel que soit le scénario retenu. Or, contrairement à la production énergétique, « l’irrigation consomme la majorité de l’eau prélevée en raison de l’évapotranspiration des plantes », souligne le rapport. Le développement de pratiques agroécologiques et la régulation des surfaces irriguées permettraient toutefois de « limiter » cette croissance de la demande dans la configuration climatique la plus défavorable (printemps-été sec).

Printemps-été sec : des consommations variables selon les territoires

L’évolution des consommations d’eau entre 2020 et 2050 est très variable selon les bassins versants (zone de collecte des eaux pluviales de ruissellement ou d’infiltration par un cours d’eau et ses affluents, ou par une étendue d’eau) et selon les scénarios. Dans le cas d’un printemps-été sec et dans le scénario « tendanciel », les consommations liées à la demande pour l’irrigation « augmentent drastiquement » dans les bassins versants de l’Escaut (irrigation de la pomme de terre et des légumes d’industrie) dans le Nord-Pas-de-Calais, et dans le bassin de l’Adour (irrigation du maïs et du soja), dans les Landes et les Pyrénées- Atlantiques. Dans la même hypothèse climatique et dans le scénario « politiques publiques », l’augmentation de la demande en eau est moindre, excepté dans les bassins versants du Rhône amont (pour la production nucléaire), et ceux de la Durance et de la Corse (cultures maraîchères et fruitières). Enfin, toujours en cas de printemps-été sec et dans le scénario « de rupture », qui repose sur une demande en irrigation contenue et une production nucléaire moindre, les consommations diminuent dans certains bassins versants, notamment dans la vallée du Rhône (baisse de la production nucléaire) et dans les bassins versants des fleuves côtiers bretons, des fleuves côtiers normands et de la Vilaine, en Bretagne (baisse de l’élevage et de la demande du secteur résidentiel).