Attaque au couteau dans la Drôme en 2020: ouverture du procès de l'assaillant devant les assises
Le procès d'un réfugié soudanais souffrant de troubles psychiatriques, Abdallah Osman Ahmed, s'est ouvert lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris, plus de cinq ans après une attaque au couteau qui avait fait deux...
Le procès d'un réfugié soudanais souffrant de troubles psychiatriques, Abdallah Osman Ahmed, s'est ouvert lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris, plus de cinq ans après une attaque au couteau qui avait fait deux morts et cinq blessés à Romans-sur-Isère (Drôme).
L'accusé doit répondre d'assassinats et tentatives d'assassinats terroristes, des infractions pour lesquelles il comparaît devant une juridiction criminelle "spécialement composée", c'est-à-dire sans jurés populaires. Le procès doit durer jusqu'au 7 novembre.
Interrogé à l'ouverture de l'audience quant à sa reconnaissance des faits, l'accusé a assuré qu'il n'était "pas conscient" lors de leur commission.
"Je ne confirme pas et je n'infirme pas. On m'avait dit que j'avais commis ces faits et on me l'a appris après. Je n'ai aucun souvenir de cela", a-t-il ajouté en arabe, traduit par un interprète.
Dans la matinée du 4 avril 2020, l'assaillant avait tué à l'arme blanche Thierry N., client d'une boucherie âgé de 54 ans, et Julien V., un commerçant de 43 ans. Il avait également blessé cinq personnes dans le centre de Romans-sur-Isère.
Selon les témoins de l'attaque, il avait agi sans prononcer "la moindre parole", "le regard vide" et avait "l'air hypnotisé" et "possédé", restant "très calme".
Au cœur du procès, l'état psychique de l'accusé lors des faits: une première expertise psychiatrique réalisée en 2020 avait conclu à "l'altération" du discernement de l'assaillant - si elle est reconnue, la peine encourue n'est plus la perpétuité mais trente ans de réclusion criminelle.
Mais, en novembre 2022, un deuxième collège de psychiatres avait au contraire établi "l'abolition" du discernement d'Abdallah Osman Ahmed - c'est-à-dire une irresponsabilité pénale - car il "présentait, depuis des semaines avant les faits, un tableau psychiatrique associant des symptômes délirants de persécutions, une anxiété massive, un sentiment dépressif".
Une troisième expertise avait finalement penché pour la seule "altération", emportant la conviction des juges d'instruction de le renvoyer devant la cour d'assises spéciale, relevant qu'il n'était pas "avéré" que le trouble mental "ait été le seul élément à l'origine du déclenchement du passage à l'acte".
"Ce trouble associé au déracinement et à l'isolement dont souffrait M. Osman Ahmed accentué par le début du premier confinement sanitaire ont fait partie des éléments déclencheurs du périple", avaient-ils ajouté dans leur ordonnance de mise en accusation, relevant que la veille des faits, l'assaillant avait "posté des écrits en lien avec l'idéologie de l'islam radical et justifié ainsi l'acte qu'il s'apprêtait à commettre".
Des fichiers et des images de propagande en lien avec l'idéologie jihadiste avaient notamment été retrouvés dans son téléphone portable.
À l'ouverture des débats, lundi matin, la présidente de la cour a prévenu que "compte tenu de l'enjeu de ces expertises psychiatriques et de leurs conclusions contradictoires", l'ensemble des experts seront entendus au même moment, le 5 novembre.
Diplômé en droit
Lors de l'instruction, au fil de ses interrogatoires, M. Osman Ahmed avait indiqué ne pas avoir conservé de souvenirs du déroulé des faits. Il a évoqué avoir agi en réponse à "des voix qui lui enjoignaient de se délivrer".
Diplômé en droit et cultivateur, il avait quitté son pays pour raisons économiques et obtenu en France le statut de réfugié le 29 juin 2017. Sa femme, elle, était restée au Soudan.
Il n'était pas connu pour appartenir à une organisation terroriste. Et, avaient relevé les juges d'instruction, Abdallah Osman Ahmed a "toujours vécu selon les +préceptes de l'islam+ sans jamais pour autant se situer dans une démarche islamiste".
Mais "son mode de vie a été profondément bouleversé par l'immigration et le confinement a renforcé son sentiment d'isolement par contraste avec l'environnement dans lequel il avait grandi et évolué avant son arrivée en Europe", avaient-ils poursuivi.
Le déracinement, la solitude, l'absence de spiritualité sont "des éléments (qui) ont pu constituer le terreau sur lequel s'est attaché le mobile terroriste islamique auquel Abdallah Osman Ahmed a adhéré", avaient encore souligné les magistrats lors de l'instruction.
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