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Au procès des membres d'un groupe d'ultradroite anti-musulman, le "patriote" qui se rêvait agent secret

"J'avais l'impression d'être un agent secret": au procès de 16 militants du groupe d'ultradroite Action des forces opérationnelles (AFO), soupçonnés d'avoir planifié des actions violentes visant des musulmans, l'un des prévenus interrogé mercredi à Paris...

Un hall du tribunal de Paris, le 29 décembre 2024 © Thomas SAMSON
Un hall du tribunal de Paris, le 29 décembre 2024 © Thomas SAMSON

"J'avais l'impression d'être un agent secret": au procès de 16 militants du groupe d'ultradroite Action des forces opérationnelles (AFO), soupçonnés d'avoir planifié des actions violentes visant des musulmans, l'un des prévenus interrogé mercredi à Paris s'est dépeint comme un "patriote" engagé mais inoffensif.

Nom de code: Achille. Spécialité: le tir sportif. Motivation: "servir la France". 

Costume noir trop large pour ses épaules, le crâne légèrement dégarni, Philippe C., 61 ans, suscite des gloussements discrets dans la salle quand il avoue à la barre du tribunal correctionnel s'être senti comme "un agent secret". 

Accusé comme ses coprévenus d'association de malfaiteurs terroriste, ce père de famille, ancien téléopérateur de nuit pour une société de taxi, raconte avoir cherché le frisson en rejoignant le groupe d'ultradroite. 

"Ça avait un côté excitant: le pseudo, flirter avec l'illégalité. J'avais l'impression d'être un agent secret", explique-t-il naïvement à la barre.

"Mais vous n'avez pas 15 ans! Ce n'est pas un jeu de rôle que vous avez fait! Et les forces de l'ordre ne vous ont rien demandé", s'indigne la présidente du tribunal.

Le groupe AFO, constitué en 2017, était composé d'une cinquantaine de personnes réparties à travers la France. Il s'agissait d'une structure "hiérarchisée et structurée" planifiant des "actions violentes concrètes dans des lieux symboliques" de l'islam, selon l'ordonnance dont l'AFP a eu connaissance.

Pour Philippe C. comme pour la plupart des membres d'AFO, les attentats de 2015 et 2016 en France ont été l'étincelle. "Chacun d'entre nous avons réagi différemment", explique-t-il à la barre. "Moi j'ai voulu servir mon pays, défendre ma famille. J'avais peur", reconnait le prévenu.  

L'enquête a révélé que l'objectif revendiqué du groupe était de "faire prendre conscience (...) du risque de pénétration islamiste", dans le but de "rétablir pour nos enfants et nos petits-enfants l'héritage bâti par nos ancêtres".

Interpellé en juin 2018 en possession d'une bombe lacrymogène, d'un couteau et de plusieurs téléphones, Philippe C. a été décrit par l'agent de la DGSI infiltré dans le groupe comme l'un des membres les plus radicaux.

Il a notamment participé aux réunions évoquant le projet de tuer "200 imams radicalisés" et de faire exploser la porte de la mosquée de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine).

-"Ce n'était que des mots!"-

C'est lui qui a rédigé le document détaillant l'"opération halal", prévoyant de dissimuler les femmes d'AFO sous des niqab pour empoisonner de la nourriture dans les rayons halal de supermarchés avec du cyanure ou de la mort aux rats.

"J'étais révolté par la place que prenait le halal au détriment des produits du terroir", dit le prévenu. 

"Mais tout ça ce n'était que des mots! C'était un défouloir ces réunions (...). Il n'y a jamais eu le début du commencement d'exécution de ces plans", se défend Philippe C. alias Achille. "Jamais je n'aurais commis un attentat, aucun de nous. On était peut-être des excités mais pas des gens dangereux". 

Interrogé sur la violence des opérations envisagées, le prévenu admet avoir "participé à des actes répréhensibles, des actes terroristes". Mais, nuance-t-il tout de suite: "je n'avais pas conscience à l'époque de la gravité des choses". 

"Pour moi c'était une accroche" pour motiver le groupe et surtout "ceux qui trouvaient qu'il n'y avait pas assez d'action", explique le détenteur d'un BTS publicité. 

La présidente du tribunal lui rappelle les stages survivalistes auxquels il a participé avec plusieurs autres membres, la formation à la confection d'explosifs, la virée en Belgique dans une bourse aux armes. 

"J'étais hypocrite. Je voulais être bien vu par le groupe. Je ne sais pas si les gens en face de moi croyaient à tout ça".

Le procès doit se poursuivre avec les interrogatoires des 15 autres prévenus. 

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