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Aux 4.000 de La Courneuve, une collecte de mémoires pour clore 40 ans de rénovation urbaine

La Courneuve, sa cité des 4.000 et son "dernier des géants". Vouée à une démolition prochaine qui va clore 40 ans de rénovation urbaine, l'ultime longue barre de logements a fait l'objet d'un projet mémoriel pour...

Démolition à l'explosif de l'immeuble "Debussy", une barre HLM de la cité des 4.000 à La Courneuve, le 18 février 1986 en Seine-Saint-Denis © PHILIPPE BOUCHON
Démolition à l'explosif de l'immeuble "Debussy", une barre HLM de la cité des 4.000 à La Courneuve, le 18 février 1986 en Seine-Saint-Denis © PHILIPPE BOUCHON

La Courneuve, sa cité des 4.000 et son "dernier des géants". Vouée à une démolition prochaine qui va clore 40 ans de rénovation urbaine, l'ultime longue barre de logements a fait l'objet d'un projet mémoriel pour faire entrer la parole des habitants dans l'histoire.

Ils s'appellent André Zeitoun, Juliette Nikonoff et Aly Diouara. Respectivement entraîneur de boxe thaïe, militante communiste et député de Seine-Saint-Denis, ils ont pour point commun d'avoir habité au Mail de Fontenay, longue barre de 15 étages emblématique de la cité des 4.000 à La Courneuve.

Si elle trône encore fièrement au coeur du quartier profondément transformé depuis sa construction dans les années 1960, sa destruction est prévue en 2028. 

Avec douze autres habitants, représentatifs de différentes générations, ils ont participé au projet "4.000 vies", une série d'entretiens filmés menés par des historiens de l'Amulop, l'Association pour un musée du logement populaire.

Les capsules vidéos ont été diffusées samedi au cinéma L'Etoile, en présence de certains participants. 

A l'écran, le visage souriant de Samira Alitouche apparaît. Pendant plusieurs minutes, elle raconte son enfance dans la cité des 4.000 Sud, son installation dans une autre cité de La Courneuve et son envie irrépressible de revenir aux 4.000. 

"Y'a un truc, c'est bizarre ce lien qu'on a avec ce bâtiment", explique-t-elle.

"Je ne vais pas quitter les 4.000 (...) Pour aller où ?", "Je suis attachée à cette cité, c'est toute ma vie", lance celle qui y habite toujours. 

A la fin de la projection, le micro circule parmi la cinquantaine de spectateurs, jusqu'à arriver dans les mains de Samira Alitouche.

"C'est important qu'on laisse une trace", affirme la mère de famille qui se dit "contente d'avoir fait ce témoignage pour rendre hommage à mes parents".

"On est dans la micro-histoire. On part des histoires singulières des habitants qu'on va replacer dans une histoire plus globale", explique à l'AFP Sébastien Radouan, historien de l'architecture et membre de l'Amulop, convaincu que "les 4.000 sont un lieu de mémoire de l'Histoire de France".

Une partie des vidéos - des montages d'environ sept minutes enrichis d'archives photos - est déjà disponible sur la chaîne Youtube de l'Amulop. L'intégralité des entretiens a été déposée aux archives de la ville, commanditaire du projet. 

"C'est une trace matérielle, la trace de l'habitant, pas de l'institution", se réjouit Mikaël Petitjean, responsable de l'unité développement culturel et patrimonial de la municipalité.

- 40 ans de démolition - 

Depuis 40 ans, le quartier des 4.000 est englué dans un long processus de rénovation urbaine, entamé avec l'explosion de la barre Debussy en 1986, inédite à l'époque.

Dans les années 1980, la doctrine prescrivait la réhabilitation des grands ensembles, dont les 4.000 est l'un des plus symboliques de France, plutôt que la démolition.

La destruction du Mail de Fontenay "vient clore cette histoire de démolition 40 ans après", selon Sébastien Radouan qui regrette la disparition du "dernier élément tangible des 4.000". 

Debussy, Renoir, Ravel, Presov, Balzac... au gré des démolitions, la ville de La Courneuve a pris l'habitude de les accompagner, le plus souvent avec des créations artistiques, comme en 2004 avec "Le Chant des 4000. Ravel et Présov", un CD de chansons composées avec les habitants. 

"On a constaté sur tous ces projets-là que des artistes arrivent et travaillent avec une matière mémorielle mais on déplorait qu'il n'en reste rien pour les historiens", décrypte Claire Andrieu, directrice du service culture de La Courneuve. 

Dans la commande de la ville à l'Amulop, figurait, outre le recueil des mémoires, la production d'un rapport sur la cité des 4.000.

Sur 80 pages, les historiens Muriel Cohen et Sébastien Radouan retracent toute l'histoire urbaine et sociale du quartier, en l'enrichissant des entretiens avec les habitants lors de ce projet de trois ans.

"Pour la première fois, on a une synthèse historique globale suffisamment développée pour qu'on y apprenne de vraies choses" et pour "donner un matériau aux artistes qui interviennent qui soit fiable", salue Mikaël Petitjean.

Ce rapport a d'ailleurs été très utile à la compagnie La Zankà, en résidence au Mail de Fontenay depuis janvier. 

Dans le prolongement de la démarche mémorielle et jusqu'au printemps 2026, les artistes animeront des ateliers avec les habitants dans le cadre de leur projet intitulé "Les doux déplacements du dernier des géants".

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