Cannes: la Palme d'or et le cri de liberté du dissident iranien Jafar Panahi

Le dissident iranien Jafar Panahi a reçu la Palme d'or au Festival de Cannes samedi pour son film "Un simple accident", brûlot politique tourné clandestinement, envoyant à ses...

Le réalisateur et scénariste iranien Jafar Panahi, Palme d'Or du Festival de Cannes pour son film "Un simple accident", le 24 mai 2025 © Antonin THUILLIER
Le réalisateur et scénariste iranien Jafar Panahi, Palme d'Or du Festival de Cannes pour son film "Un simple accident", le 24 mai 2025 © Antonin THUILLIER

Le dissident iranien Jafar Panahi a reçu la Palme d'or au Festival de Cannes samedi pour son film "Un simple accident", brûlot politique tourné clandestinement, envoyant à ses compatriotes un message pour "la liberté".

"Mettons tous les problèmes, toutes les différences de côté", a lancé aux Iraniens le cinéaste de 64 ans, qui a pu se rendre à Cannes pour la première fois depuis 15 ans.

"Le plus important en ce moment, c'est notre pays et c'est la liberté de notre pays", a-t-il ajouté après avoir reçu son trophée, remis par l'actrice australo-américaine Cate Blanchett et la présidente du jury, la comédienne française Juliette Binoche.

Thriller moral auscultant le dilemme d'anciens détenus tentés de se venger de leur tortionnaire, "Un simple accident" s'en prend aux forces de sécurité iraniennes. 

Panahi, qui a connu la prison à deux reprises en Iran, pays dont il ne pouvait pas sortir jusqu'à récemment, a-t-il peur d'y retourner dimanche, alors que son sort est incertain ? "Pas du tout", a-t-il répondu à l'AFP.

Son film a été réalisé clandestinement, le cinéaste étant sous le coup d'une interdiction de tournage. Au mépris des lois de la République islamique, plusieurs de ses actrices apparaissent sans voile.

L'agence de presse officielle iranienne Irna l'a toutefois salué samedi soir pour avoir "apporté la Palme d'or au cinéma iranien", 28 ans après Abbas Kiarostami.

L'an dernier, la récompense avait échappé à un autre Iranien dissident, Mohammad Rasoulof, qui avait dû se contenter d'un prix spécial et est resté ensuite en exil. 

Marges et jeunes talents

La Palme d'or était allée à "Anora", de l'Américain Sean Baker.

Cette année, lepalmarèsne compte aucun film américain. Les grosses productions comme "Eddington" d'Ari Aster avec Joaquin Phoenix ou "Die, My Love" de Lynne Ramsay avec Jennifer Lawrence repartent les mains vides. 

Le jury, qui comptait dans ses rangs les acteurs américains Halle Berry et Jeremy Strong, a privilégié des films en marge des grands circuits de l'industrie, ainsi que les jeunes talents.

Parmi eux, une révélation,Nadia Melliti. L'actrice française reçoit le prix d'interprétation à 23 ans, et pour son premier rôle au cinéma dans "La petite dernière" de sa compatriote Hafsia Herzi. 

Etudiante en sport repérée dans un casting sauvage, elle a dit s'être "beaucoup identifiée" à son personnage de Fatima, 17 ans, une jeune femme musulmane qui découvre son homosexualité.

"L'Agent secret" du Brésilien Kleber Mendonça Filho, 56 ans, repart avec deux prix: la mise en scène et l'interprétation masculine pour Wagner Moura, 48 ans, connu pour avoir interprété Pablo Escobar dans la série "Narcos". 

Le Grand Prix a été remporté par le Norvégien Joachim Trier pour le mélodrame "Valeur sentimentale".

Une seule réalisatrice primée

Le jury a créé un prix spécial pour "Résurrection", film-poème du Chinois Bi Gan, 35 ans. Un "ovni d'une grande invention", selon Juliette Binoche.

Le Franco-Espagnol Oliver Laxe, 43 ans, a reçu ex-aequo le prix du jury pour "Sirat", plongée dans une rave-party hallucinatoire et apocalyptique, avec Sergi Lopez. Il le partage avec la réalisatrice allemande Mascha Schilinski, qui explore cent ans de traumas féminins dans "Sound of Falling".

Parmi les sept réalisatrices en compétition (sur 22 films), cette cinéaste de 41 ans est la seule à avoir été primée. 

Réalisateurs parmi les plus récompensés de l'histoire de Cannes, avec deux Palmes d'or, les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne, septuagénaires, sont repartis avec le prix du scénario pour "Jeunes Mères".

Ils obtiennent ce prix pour un nouveau film social, sur un foyer de mères adolescentes en situation de précarité, au terme d'une 78e édition à la tonalité engagée.

Le festival a fait écho aux conflits au Proche-Orient et en Ukraine et a été marqué par des déclarations engagées, à commencer par la charge de l'acteur américain Robert De Niro contre le président de son pays, Donald Trump, lors de la cérémonie d'ouverture.

Côté paillettes, la quinzaine a connu ses défilés de stars, de Denzel Washington à Tom Cruise, venu présenter le dernier "Mission: Impossible", en passant par Scarlett Johansson, pour son premier film de réalisatrice, et Nicole Kidman.

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