Carrefour: pour Alexandre Bompard, bientôt l'heure de faire les comptes
Arrivé en 2017 à la tête de Carrefour, Alexandre Bompard a redressé ses comptes et imprimé sa marque mais le cours de Bourse n'a pas suivi, pour un groupe devancé par Leclerc et confronté à de nombreux défis...

Arrivé en 2017 à la tête de Carrefour, Alexandre Bompard a redressé ses comptes et imprimé sa marque mais le cours de Bourse n'a pas suivi, pour un groupe devancé par Leclerc et confronté à de nombreux défis à l'approche de sa fin de mandat, mi-2026.
Le grand fan de sport, notamment du tennis de Roger Federer, disait à son arrivée en 2017 aimer les défis, et redresser Carrefour en était un de taille.
Auréolé par une fusion opérée juste avant entre Fnac et Darty, après un passage en cabinet ministériel (celui de François Fillon aux affaires sociales et au travail) et des expériences dans l'audiovisuel (Canal Plus et Europe 1), le dirigeant semblait en mesure de relever le gant.
A l'époque, le géant vacille dans son pays d'origine sous la pression d'enseignes au modèle moins coûteux, E.Leclerc en tête, pendant qu'il a l'esprit occupé par une croissance internationale tous azimuts.
En huit ans, les deux mandats du dirigeant de 52 ans n'ont pas été un long fleuve tranquille.
L'énarque (promotion Cyrano-de-Bergerac) et inspecteur des finances, qui expliquait en 2018 vouloir positionner Carrefour sur le segment du "mieux consommer", a dû manoeuvrer son paquebot entre épidémie de Covid-19, puis poussée inédite de l'inflation.
Résultat, les consommateurs ont donné la priorité au prix, ce qui a profité aux enseignes jugées mieux-disantes en la matière, E.Leclerc au premier chef.
Esprit olympique
"Cultivez vos forces plutôt que d'essayer de corriger vos faiblesses", répondait Alexandre Bompard au magazine Le Point en 2024 à la question de savoir quel conseil il donnerait à un débutant.
Huit ans après son arrivée, sa stratégie de tout axer sur un développement des magasins en franchise, mode d'exploitation plus rentable pour le distributeur, a permis de dégager des bénéfices confortables, et de rémunérer les actionnaires.
Carrefour a aussi réussi plusieurs acquisitions qui lui ont permis de devenir leader au Brésil (rachat de Grupo Big) ou de rester numéro 2 en France (rachat de Cora, Match ou Bio C'Bon), et rationalisé ses implantations en sortant d'Asie notamment.
Longtemps présenté comme le Emmanuel Macron de son secteur, le dirigeant est parvenu à faire de Carrefour un sponsor enthousiaste des Jeux olympiques et paralympiques de Paris.
Mais côté face, le cours en Bourse du groupe reste sévèrement déprimé, autour de 14,50 euros, quand il évoluait à l'arrivée de M. Bompard autour des 20 euros.
Et les tentatives de fusion, avec le concurrent Auchan ou le Canadien Couche-Tard, ont vite achoppé, privant le dirigeant d'un des dossiers de "fusacq" (fusion-acquisition, NDLR) dont il raffole.
Franchise contestée
Un syndicaliste de la CFDT, qui a assigné Carrefour en justice, le décrit comme un homme "sympathique et agréable", mais un dirigeant "soupe au lait", avec une tendance "à tout prendre un peu pour lui" et convaincu "d'avoir toujours raison".
Au point, selon le même syndicaliste, de cultiver une forme de "déni" sur la situation du groupe: "tous les problèmes que rencontrent Carrefour aujourd'hui ont été mis à un moment donné sur la table, il a refusé de les traiter".
Ces dernières années, les procédures judiciaires se sont accumulées contre son recours à la franchise, jugé abusif par les syndicats qui y voient des restructurations à bas bruit et bas coût.
Certains de ses franchisés lui reprochent aussi devant la justice des relations trop déséquilibrées. Ils ont enregistré le soutien du ministère de l'Economie, qui a préconisé d'infliger à Carrefour une amende de 200 millions d'euros.
Ce contexte incertain rend certains analystes financiers très critiques, d'autant que, dans le même temps, le leader français E.Leclerc caracole en tête du marché et que le numéro trois Intermarché, fort du rachat de nombreux points de vente anciennement Casino, ne cache pas ses ambitions.
Père de trois filles et marié à l'ancienne ministre Charlotte Caubel, M. Bompard n'a pas encore fait connaître officiellement sa volonté de poursuivre l'aventure chez Carrefour.
Son nom est régulièrement avancé pour diriger d'autres grandes entreprises françaises, même s'il est récemment devenu patron de la fédération patronale de la grande distribution, la FCD, où ses homologues sont plutôt laudateurs sur son action.
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