Initiatives
Culture : l'immersion se décline à l'export
Écouter de la musique dans le noir, se balader dans les rues de Pompéi (au cœur de Paris)... Les dispositifs immersifs se multiplient dans le monde culturel. Avec des modèles économiques qui s'inventent. Témoignages, lors de Big, rassemblement d'entrepreneurs.

Les initiatives se multiplient. Le 23 septembre, à Paris, dans le cadre de Big, le « grand rassemblement des entrepreneurs de France », organisé par Bpifrance, la banque publique d'investissement, une table ronde était consacré à « comment l'immersion collective réinvente l'expérience culturelle » ? Deux intervenantes ont illustré la diversité des initiatives qui se développent. Sophie Chrétien-Kimmel a fondé Sonorium, il y a six ans avec une associée sur leurs fonds propres. « Nous voulons recréer l'expérience d'une visite guidée du musée, mais pour la musique. Le concept, ce sont des cessions d'écoutes d'un album. Il s'agit de prendre le temps d'écouter la musique ensemble, ainsi qu'un récit autour des œuvres », explique-t-elle. Concrètement, l'écoute – en très haute qualité sonore- se déroule dans le noir, et elle est augmentée d'échanges et rencontres. Un pas de côté dans un contexte d'écoute « fragmentée » et « distraite » d'une musique devenue si accessible que l'on n’accorde plus l'attention qu'elle mérite – et dont on ne perçoit plus la richesse. « Le partage est une dimension importante qui décuple les émotions. Il se crée une parenthèse qui réunit les gens autour d'une passion », précise Sophie Chrétien-Kimmel.
A côté d'elle, Delphine de Canecaude dirige le Grand Palais Immersif, à Paris. Ce lieu culturel a été fondé en 2022, notamment par le GrandPalaisRmn, pour héberger des expositions immersives artistiques et culturelles ( la Joconde, Pompéi) qui combinent art et technologie. Au programme : projections en très haute définition qui envahissent l'espace, univers musical et olfactif, dispositifs interactifs... Depuis 2024, Chargeurs Museum Studio (140 millions de chiffre d'affaires), spécialiste mondial de l’ingénierie et de la production culturelle, est devenu actionnaire majoritaire du Grand Palais Immersif.
Impératif de la diffusion hors les murs
Bousculant les pratiques culturelles existantes, ces dispositifs nouveaux correspondent aussi à des modèles économiques qui s'inventent. Avec en commun, pour ces deux cas, des sources de revenus diversifiées et la nécessité de disposer d'un lieu physique permanent. Sonorium et en train de préparer l'ouverture d'un lieu dédié à l'audio immersif à Paris.
« C' est indispensable, car créer une expérience immersive demande une installation importante qui ne peut être rentabilisée en une seule fois », commente Sophie Chrétien-Kimmel. « Disposer d'un lieu permanent constitue une chance, mais (…) à Paris, opérer un lieu avec une telle concurrence est aussi un challenge », analyse Delphine de Canecaude. Par ailleurs, chaque lieu appelle un modèle économique spécifique. Ainsi, la stratégie sera différente pour le Chaplin’s World, musée dédié à Charlie Chaplin acteur et réalisateur, dont Chargeurs Museum Studio s'apprête à reprendre la gestion à Corsier-sur-Vevey , dans la campagne suisse. Au Grand Palais Immersif, le modèle économique combine les billets des visiteurs des expositions, ressource « clé », et la privatisation de l'espace. L'exportation du catalogue des expositions constitue une autre source de revenus stratégique. Toutefois, « il faut avoir des partenaires qui disposent de salles adéquates (... ). Nous avons des bureaux dans 15 pays, dans le monde. En général, lorsque nous arrivons dans un nouveau pays, nous fondons une société avec des personnes locales pour accélérer le développement », prévient Delphine de Canecaude. Chez Sonorium, Sophie Chrétien-Kimmel suit aussi une logique de diffusion : « Il s'agit dans un premier temps de créer une salle à Paris, puis d'autres dans le monde, mais aussi de s'appuyer aussi sur d'autres salles. (…) C'est un enjeu économique et également, de faire rayonner la culture ».