Darmanin annonce la création d'un 3e quartier pénitentiaire de haute sécurité en Guyane, colère des élus locaux

L'annonce de la création d'un quartier de haute sécurité dans une nouvelle prison à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, a provoqué de vives critiques dimanche dans ce territoire gangréné par le narcotrafic, élus locaux mais aussi personnalités politiques de gauche dans l'Hexagone fustigeant...

Un douanier français scanne le bagage d'un passager se rendant à Paris à l'aéroport international Félix-Eboué de Cayenne, le 24 mars 2024 © Ludovic MARIN
Un douanier français scanne le bagage d'un passager se rendant à Paris à l'aéroport international Félix-Eboué de Cayenne, le 24 mars 2024 © Ludovic MARIN

L'annonce de la création d'un quartier de haute sécurité dans une nouvelle prison à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, a provoqué de vives critiques dimanche dans ce territoire gangréné par le narcotrafic, élus locaux mais aussi personnalités politiques de gauche dans l'Hexagone fustigeant un projet rappelant selon eux l'époque du bagne. 

En déplacement en Guyane, le garde des Sceaux Gérald Darmanin a confirmé la création de ce quartier au sein de la prison de 500 places attendue dans la deuxième ville la plus peuplée de la collectivité territoriale ultramarine pour lutter contre le narcotrafic et la surpopulation carcérale.   

Le ministre a justifié un quartier réservé à environ 60 personnes, en mentionnant la présence, en Guyane, Guadeloupe et Martinique, de "49 narco-bandits" considérés comme "extrêmement dangereux". "Il faut que les citoyens ultramarins aient la même sécurité que les citoyens hexagonaux", a-t-il argué, sans préciser si des détenus venus de métropole y seraient transférés.    

"Quinze places" seront également "dédiées aux islamistes/radicalisés" condamnés pour terrorisme jihadiste, selon son cabinet.

- "Passé douloureux" - 

Mais cette annonce a entraîné une levée de boucliers dans ce territoire français situé au nord-est de l'Amérique du Sud, près des pays producteurs de cocaïne. 

"La Guyane n'a pas vocation à accueillir les criminels et terroristes de la France hexagonale", a dénoncé dans un communiqué la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), assurant que M. Darmanin ne l'avait évoqué "à aucun moment" lors de leur rencontre samedi.

"La CTG s’oppose fermement à un projet carcéral qui consisterait à recevoir les détenus les plus dangereux de France, dans une reconstitution du bagne de très mauvais goût", a cinglé le pouvoir local.

Saint-Laurent du Maroni, devenue la plaque tournante du trafic de drogue en Guyane, fut en effet l'ancien port d'entrée du bagne où débarquaient les forçats venus de métropole, de 1850 à 1938.

"Ce projet nous ramène malheureusement à un passé douloureux: pendant près d'un siècle, la France a exilé en Guyane des milliers d'hommes, condamnés pour les crimes les plus sordides, afin qu'ils purgent leurs peines loin de la société dite civilisée", a dénoncé la sénatrice PS de Guyane Marie-Laure Phinera-Horth, assurant que les élus locaux n'avaient pas été consultés et appelant M. Darmanin à renoncer à ce projet.

"Cette page de l'Histoire est tournée et j'espère qu'elle ne reviendra pas", a asséné de son côté Sophie Charles, maire sans étiquette de Saint-Laurent du Maroni, dans un discours prononcé devant le ministre.

Interrogé sur ce point par la presse, celui-ci s'est agacé, appelant à "éviter les comparaisons qui sont une insulte à la République".

Surproduction de la cocaïne

Ce nouveau centre pénitentiaire, qui vise à répondre à la surpopulation de la prison de Rémire-Montjoly, près de Cayenne, s'inscrit dans le cadre du projet de cité judiciaire prévu par le plan d'urgence des accords de Guyane signés en avril 2017.

Ce quartier de haute sécurité devrait être le troisième à ouvrir après ceux des centres pénitentiaires de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) et Condé-sur-Sarthe (Orne). Gérald Darmanin souhaite y isoler d'ici à l'été les "cent plus gros narcotrafiquants" afin de les empêcher de poursuivre leur activité criminelle depuis leur cellule.

"La surproduction de la cocaïne notamment fait que le prix s'est effondré et que l'exportation de cocaïne, avec des moyens extrêmement importants pour les trafiquants, devient extrêmement dangereuse pour la Guyane, pour l'Amérique du Sud et bien sûr pour l'Europe, et nous devons réagir", a justifié M. Darmanin.

Chaque année, des centaines de mules sont arrêtées à l'aéroport de Cayenne, les bagages ou l'estomac lestés de cocaïne sud-américaine. 

Si le Haut-commissaire au Plan Clément Beaune, ancien ministre du gouvernement Borne, a approuvé ce projet au micro de Franceinfo, le maire PS de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, "pas du tout hostile sur le principe", émet des réserves. "Est-ce que ce sera suffisant pour résoudre le phénomène et la gangrène du narcotrafic? Absolument pas", a-t-il estimé sur France 3. 

A gauche, ce projet a déclenché de nombreuses critiques.  

Le leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon s'est dit "solidaire avec la collectivité locale de Guyane pour refuser le projet de nouveau bagne pour criminels endurcis inventé par Gérald Darmanin". 

La Guyane enregistre une forte surpopulation carcérale, avec une densité de 134,7%, selon les chiffres du ministère de la Justice au 1er juin 2024.

M. Darmanin a par ailleurs évoqué la possibilité de créer d'autres quartiers de haute sécurité, notamment dans le sud de la France. 

Il a aussi fait part de "renforts de magistrats et d'assistants de justice extrêmement importants" en Guyane, qu'il doit annoncer lundi à Cayenne.

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