Economie
Déficit public : « le moment de vérité » ?
François Bayrou a présenté une série de mesures très contestées pour certaines, afin de réduire le déficit public à 4,6 % du PIB en 2026 à la faveur d’un effort budgétaire de 43,8 milliards d’euros. Ce plan ne règle cependant pas le problème…

Mardi 15 juillet, François Bayrou a présenté son très attendu plan pluriannuel de redressement des finances publiques. Après un long prologue sur la situation économique de la Grèce au début des années 2010, il est devenu clair que la préconisation principale pouvait se résumer à « agir vite et agir fort, mais il faut agir avec justesse et justice », d’où un effort budgétaire global de 43,8 milliards d’euros en 2026. Et c’est là que le bât blesse, car même si son plan « stop à la dette » s’accompagne d’un volet « en avant la production ! », nombreux sont ceux qui contestent le manque d’équité des mesures annoncées et même leur efficacité.
« Stop à la dette » : un quart de hausses d’impôts pour trois-quarts de baisses de dépenses
François Bayrou a égrené patiemment une liste à la Prévert de mesures pour réduire, en 2029, le déficit public à 2,8 % et stabiliser le taux d’endettement public à 117,2 % du PIB. Il a ainsi annoncé une « année blanche », i.e. un gel du barème des impôts, des dépenses de l’État, des prestations sociales et des retraites en 2026, afin d’économiser 7 milliards d’euros. Les collectivités territoriales seront mises à contribution à hauteur de 5,3 milliards d’euros, tandis que « nous devons collectivement réaliser un effort de l’ordre de 5 milliards d’euros » sur le système de santé. Quant à la vieille lune de « l’allocation sociale unifiée », elle soulève à ce stade plus de questions qu’elle n’apporte de solutions ou d’économies : quelles allocations seront fusionnées ? Son montant sera-t-il plafonné ? Bien entendu, il est de bon ton d’annoncer aussi « le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite » et la suppression de 3 000 emplois publics en 2026, afin de gagner les esprits, à défaut de gagner vraiment de l’argent. Et dans l’espoir d’arrondir la note, une société foncière sera créée pour réduire « le patrimoine improductif de l’État ».
Pour tenter alors de donner un sentiment d’équité à cet assommoir, le Premier ministre a demandé « un effort particulier à ceux qui ont la capacité de contribuer davantage, soit parce qu’ils bénéficient d’un certain nombre d’avantages fiscaux, soit parce que leur capacité leur permettrait de prendre une plus grande part de la solidarité ». D’où, une « contribution de solidarité » pour les plus fortunés dont il s’est bien gardé de préciser les contours et, bien plus décrié, le remplacement pour les retraités de l’abattement de 10 % sur le calcul de l’impôt sur le revenu par un forfait annuel de 2 000 euros. Et comme cela ne mange pas de pain et flatte le sentiment de justice sociale, il est question d’accentuer la lutte contre la fraude fiscale et sociale pour récupérer 2,3 milliards d’euros.
« En avant la production ! »
Le second volet du plan Bayrou est fondé sur le constat d’une croissance atone et d’un taux d’emploi plus faible en France qu’en Allemagne : « Il faut travailler plus, il faut que toute la nation travaille plus pour produire […] ». Les observateurs avisés auront remarqué que le constat et les recommandations afférentes ont un air de déjà-vu, commun à tous les plans depuis 30 ans…
D’où la suppression de deux jours fériés, annonce qui a écrasé médiatiquement toutes les autres propositions comme la simplification de la vie des entreprises ou l’investissement dans l’intelligence artificielle. Et à l’instar de ses prédécesseurs, François Bayrou a décidé de s’attaquer à l’assurance chômage et au droit du travail accusés d’être responsables de l’absence de reprise d’emploi par les chômeurs. Effroi chez les syndicats de salariés. Puis la ministre du Travail est venu ajouter à la confusion en évoquant l’idée de monétiser la 5eme semaine de congés payés…
Quoi qu’il en soit, à l’image de tous les plans précédents, celui de François Bayrou surévalue le potentiel de croissance de l’économie française ainsi que le lien entre taux d’emploi et productivité. Tant que les gains de productivité demeureront faibles, la croissance de l’économie restera en berne d’autant que la démographie est mal orientée, ce qui pèsera en fin de compte sur les augmentations de salaire et les créations d’emplois. Mais où trouver des gains de productivité lorsque l’industrie est en perte de vitesse et que la formation professionnelle pour monter en compétences reste plus un enjeu qu’une réalité ?
Un choc négatif sur l’économie
Certes, la politique de l’offre en faveur des entreprises est assez largement conservée, ce qui explique certainement le satisfecit partagé des organisations patronales (Medef, CPME et U2P), malgré les flous artistiques qui demeurent et l’absence d’une réforme du financement de la protection sociale, la TVA sociale n’étant visiblement plus de mise.
Mais, à bien y regarder, les deux volets de ce plan sont en partie contradictoires, car c’est l’augmentation de la croissance qui contribue à réduire le déficit public et non l’inverse. Or, l’ampleur et la durée de la consolidation budgétaire prévues par ce plan vont créer un choc défavorable de demande sur l’économie, au moins à court terme, avec des hausses d’impôts (IR, CSG…) conjuguées à des réductions de transferts publics, qui amputeront encore plus le pouvoir d’achat des ménages, et donc la demande adressée aux entreprises. Ce, au plus mauvais moment, puisque les droits de douane imposés par Trump vont bientôt affecter la demande extérieure des entreprises françaises.
Si le « moment de vérité » sur le déficit public est arrivé, alors il faut aussi rappeler, comme l’a fait la Cour des comptes, que son creusement les dernières années résulte avant tout d’une baisse des recettes fiscales. Dès lors, les plans de coupes budgétaires menés dans l’urgence et sans réelle visibilité sont révolus, d’autant qu’ils charrient avec eux leur triste cortège d’incompréhensions, de résistances déterminées et de divisions profondes, susceptibles de conduire à une nouvelle crise politique en cas de censure du gouvernement. Plutôt que de s’indigner que la France soit devenue « le pays du monde qui dépense le plus d’argent public », pourquoi ne pas débattre collectivement du périmètre de l’action publique, des moyens à lui allouer et de son efficacité ? Tout un programme !