Dette publique : la France au bord du précipice ?
La décision de François Bayrou d’engager la responsabilité de son gouvernement devant l’Assemblée nationale, le 8 septembre, pour valider son plan d’austérité a replacé la dette publique au coeur des débats. Eclairage

« Notre pays est en danger parce que nous sommes au bord du surendettement ». C’est par ces mots inquiétants, prononcés lors d’une conférence de presse, lundi 25 août, que François Bayrou a fait réémerger la dette publique dans le débat. Mais, encore faut-il s’entendre sur les tenants et aboutissants d’une notion sociale devenue un véritable marqueur politique... à l’approche des élections présidentielles de 2027.
De manière simple, la dette publique correspond à l’ensemble des emprunts contractés par les administrations publiques : l’État, la Sécurité sociale, les organismes divers d’administration centrale (ODAC) et les collectivités locales. Elle est généralement calculée brute, ce qui signifie que les actifs financiers des administrations publiques (participations, titres…) ne sont pas soustraits aux éléments de passifs, non plus que les actifs non financiers (immobilier, infrastructures…), alors même que la valeur globale de toutes ces formes d’actifs excède largement le montant du passif.
3 345 milliards d’euros de dette publique
La dette publique française est essentiellement émise sous forme d’obligations (OAT), de plus ou moins long terme, détenues très souvent par des investisseurs institutionnels (fonds de pension, assureurs, banques…) — pas forcément français, mais souvent européens — à la recherche d’un placement sûr. Et pour l’heure, l’Agence France Trésor n’a aucune difficulté à placer des titres sur le marché obligataire, quand bien même la dette publique au sens de Maastricht s’établit à 3 345 milliards d’euros, soit 114,1 % du PIB. Et dans un État jacobin, il n’est pas surprenant que plus des trois quarts de l’endettement soit contracté par l’État central.
Certes, un ratio de 114,1 % est très élevé par rapport à la moyenne de 88 % dans la zone euro, la France appartenant même au trio de tête des États les plus endettés avec la Grèce (152,5 %) et l’Italie (137,9 %), bien loin de l’Allemagne (62,3 %). Mais, plus ennuyeux, la France fait aussi partie des pays dont le ratio a beaucoup augmenté sur un an glissant. Cependant, déclarer, comme l’a fait le Premier ministre, que « la charge de la dette va devenir cette année le budget le plus important de la nation » n’a aucun sens, dans la mesure où cette dette a servi à financer des dépenses et investissements publics. La question serait plutôt de savoir lesquels ? Et avec quel retour espéré sur le taux de croissance ?
Tensions sur la dette publique, mais pas de crise imminente
Le plus important est donc de connaître la dynamique de la dette publique, qui dépend principalement de son niveau et du différentiel entre taux de croissance du PIB en valeur et taux d’intérêt apparent sur la dette. Ainsi, même si les taux d’intérêt sur les OAT augmentent, comme c’est le cas actuellement, l’impact sur le taux d’intérêt apparent, et in fine sur la charge d’intérêt de la dette publique, sera quant à lui progressif. Ce d’autant plus qu’il faut tenir compte de l’inflation qui, ces dernières années, à jouer en faveur des débiteurs, dont l’État… Il n’y a donc pas de danger imminent de surendettement, qui conduirait le pays sous la tutelle du FMI, et pas davantage de risque avéré d’une attaque spéculative sur la dette publique française, d’autant que l’UE s’est dotée d’instruments adéquats. Mais, la situation actuelle constitue tout de même une sérieuse alerte à agir intelligemment durant les deux années à venir, quelle que soit l’issue politique après le 8 septembre.
Pour rassurer la Commission européenne, les marchés financiers et les agences de notation, la France a surtout besoin de démontrer que sa dette publique est soutenable, i.e. que les administrations publiques sont en mesure d’assurer à tout instant le service de la dette accumulée. Cela passe souvent par un objectif de stabilisation du taux d’endettement public, que la France s’est sans cesse fixé sans jamais l’atteindre… Il est vrai que durant le long épisode d’assouplissement quantitatif, entre 2015 et 2021, les achats de titres de dette publique par la Banque centrale européenne (BCE) suffisaient à rendre l’endettement supportable même lorsque le déficit se creusait.
Mais, depuis la fin de la pandémie, les conditions ont radicalement changé. Dorénavant, à défaut de croissance et avec des taux d’intérêt réels en hausse, il faudra bien que la France propose une trajectoire de réduction crédible de son déficit public. Cela suppose de s’attaquer aux écuries d’Augias, non pas en coupant 43,8 milliards d’euros à la hache au risque de plonger l’économie en récession, mais en remettant à plat tout le système public depuis les dépenses jusqu’aux recettes. Plutôt que de monter les retraités contre les salariés et de s’indigner que la France soit devenue « le pays du monde qui dépense le plus d’argent public », pourquoi ne pas débattre collectivement du périmètre de l’action publique, des moyens à lui allouer et de son efficacité ? Tout un programme sur deux ans, qui permettrait de rallier l’opinion publique et les investisseurs !