Ecologie
Développement durable : ces PME qui ont réussi leur virage
Le développement durable peut-il constituer un objectif « business » profitable pour les entreprises ? Beaucoup de PME misent sur des alternatives « pro-environnement ». Leurs témoignages montrent qu’il s’agit d’un engagement tout à fait réaliste et économiquement viable.

En introduction d’une table ronde organisée récemment par l’AJPME, Association des journalistes spécialisés dans les PME, une étude de Bpifrance a révélé que 82 % des dirigeants d’entreprises de plus de 10 salariés en France ont fait du climat une « question stratégique ». Mais tous n’ont pas, pour autant, la capacité de réorienter totalement leur activité. Le défi reste la volonté et la faisabilité. Beaucoup d’entreprises expriment le besoin d’accompagnement dans ce domaine. « En partenariat avec l’Ademe, nous proposons des diagnostics », a fait savoir Isabelle Albertalli, directrice Climat de Bpifrance. Etablir son bilan carbone n’est plus un problème. En revanche, repenser et réorienter son modèle économique exige un engagement fort dans la durée, avec des étapes transitoires.
Ainsi, dans le secteur du bâtiment, beaucoup de professionnels se considèrent au milieu du gué. « On a fait une transition énergétique pour les riches », a déploré Antony Hadjipanayotou, président de l’Union générale CAPEB Ile-de-France, organisation patronale de l’artisanat du bâtiment. Le label RGE (Reconnu garant de l’environnement) n’est plus suffisamment soutenu. Faute d’aides financières suffisantes, le marché des pompes à chaleur aurait reculé de 40% en 2024, laissant le champ libre aux chaudières à gaz. Puisque le « basculement intégral » n’est pas toujours réaliste, il faut « instituer des étapes de transition et une véritable assiette fiscale en faveur du ‘durable’ avec des aides ciblées ». « Nous, artisans, nous pouvons nous adapter, il le faut. Mais les clients restent souvent circonspects. La ‘majorité nationale’ n’est pas toujours la ‘majorité électorale’. Les élus n’écoutent pas suffisamment ; et ils ne nous consultent pas. On constate une certaine incapacité à faire. Il manque une vision systémique de l’écologie», regrette ce responsable de la CAPEB francilienne.
Recyclage et ‘made in France’
Deux autres chefs d’entreprise ont témoigné de leur engagement porteur d’activités rentables, conformes à la transition écologique. Olivier Remoissonnet, dg repreneur, en 2012, de La Brosserie Française (Bioseptyl), basée à Beauvais (Oise) a expliqué : « Nous avons fait le pari de garder un savoir-faire historique - depuis 1845 - en remettant en cause le reste ». Pour fabriquer les brosses à dents, des plastiques recyclés sont utilisés et, pour les manches en bois, des déchets de la filière ameublement. La rentabilité reste une priorité : « Le Made in France est rentable si l’on fait du volume », affirme ce dg qui a signé avec la grande distribution - Auchan, Carrefour, Edouard Leclerc… Il a rejoint le réseau d’entrepreneurs FFI (Forces Françaises de l’Industrie) et le programme environnemental EnVol. L’entreprise, alimentée à 100% en énergie électrique verte, recycle près de 200 000 brosses usagées par an. Soutenue par l’Ademe et les Hauts-de-France (programme Rev3), elle continue de réduire sa consommation de gaz (de -30% à -40%). Dans son périmètre, elle abrite des ruches d’abeilles en gérant un paysage adapté à la biodiversité. Son chiffre d’affaires est passé de 4 à 6 M€.
Autre témoignage, celui Christophe Bachmann, dg de Noremat, une PME créée en 1981 et basée à Ludres, près de Nancy. Soutenue, elle aussi, par l’Ademe, elle commercialise des solutions pour la sécurité des routes, l’entretien du paysage et la valorisation des déchets verts. Son engagement : « Ramener l’économie circulaire au niveau des territoires ». Militant également « pour une approche plus inclusive », ce dirigeant considère qu’il faut « enclencher l’éco-innovation ». Vice-président de l’association Des Hommes et des Arbres (valorisation du patrimoine forestier), il est membre des organisations professionnelles Evolis (biens d’équipement) et Orée. En 2020, il a créé à Toul, Maneko, une société soeur dédiée au reconditionnement de machines d’entretien permettant de réduire de 80% l’usage de matières premières et les émissions de CO₂. L’entreprise est partenaire du réseau Envie et des lycées techniques Greta.
Tous les domaines d’activité sont éligibles
Appartenant à ce cercle des « entrepreneurs du durable » en France, on peut aussi citer Bernhardt, PME d’une centaine de salariés (après acquisition de Deltasacs), spécialiste des emballages souples, basé à Wimille (Pas-de-Calais) et membre de la communauté Coq Vert de Bpifrance. En pays de Loire, à Avrillé (périphérie d’Angers), Expliseat réussit fort bien, parvenue à concevoir, pour Airbus et Boeing, un siège de 5 kg environ, 50% plus léger que la norme. Soutenue par la région et Bpifrance, cette PME prévoit une production de 37 000 sièges en 2026, avec près de 200 salariés.
Enfin, parmi d’autres PME engagées dans le « durable », citons Silvadec (Morbihan) fabricant de lames de terrasse, de clôtures et bardages en bois composite. Ou encore, Spareka à Montreuil (93), réparateur et fournisseur de pièces d’électroménager ; ou Galloo Plastics ( Hauts-de-France), spécialisé dans le recyclage de plastiques, ainsi que le réseau Cycle Up qui réemploie des matériaux du bâtiment. Autant de PME qui démontrent que durable peut rimer avec rentable.