Diffusion d'images pédopornographiques: pas de procès à Nanterre pour Bastien Vivès
Le tribunal correctionnel de Nanterre s'est déclaré mardi territorialement incompétent pour juger l'auteur de bande dessinée Bastien Vivès, accusé par plusieurs associations d'avoir réalisé des dessins à caractère pornographique de...

Le tribunal correctionnel de Nanterre s'est déclaré mardi territorialement incompétent pour juger l'auteur de bande dessinée Bastien Vivès, accusé par plusieurs associations d'avoir réalisé des dessins à caractère pornographique de mineurs dans deux de ses albums.
"Aucune pièce du dossier ne permet de dire" que les faits poursuivis "se sont tenus dans les Hauts-de-Seine", a relevé la présidente Céline Ballerini. Le tribunal de Nanterre, qui était saisi d'une demande en ce sens de la défense, se déclare donc "incompétent" et "renvoie l'affaire au parquet", a ajouté la magistrate.
"C'est la fin provisoire d'un procès en sorcellerie", s'est félicité devant la presse l'avocat du dessinateur, Me Richard Malka, se disant "extrêmement satisfait de cette décision".
Bastien Vivès, 41 ans, devait comparaître à Nanterre mardi et mercredi pour "fixation et transmission en vue de la diffusion d'images à caractère pédopornographique", un délit passible de cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende.
Les éditions Les Requins Marteaux et Glénat, qui ont publié les deux albums incriminés, comparaissaient elles pour diffusion de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique.
Lors de l'audience, Me Malka a longuement insisté sur "le vide abyssal" de ce dossier, dans lequel "aucune pièce" ne permettait "de caractériser l'infraction dans les Hauts-de-Seine", qu'il s'agisse de Bastien Vivès ou de ses maisons d'édition.
"Aujourd'hui, il n'y a plus aucune affaire Vivès", a-t-il même soutenu.
En janvier 2023, une enquête avait été ouverte à la suite d'une plainte de plusieurs associations de protection de l'enfance.
Elle visait trois ouvrages de Bastien Vivès: "Les Melons de la colère" (paru en 2011), "La Décharge mentale" (2018) et "Petit Paul" (2018). Ce sont ces deux derniers albums qui devaient être au cœur des débats.
"Petit Paul", objet déjà de deux signalements en 2018 et 2020 classés sans suite par le parquet de Nanterre, met en scène un enfant au pénis démesuré ayant des relations sexuelles avec des femmes majeures.
"La Décharge mentale" évoque un homme ayant des relations sexuelles avec de jeunes filles mineures.
Dans sa plainte, l'association Fondation pour l'enfance dénonçait des "représentations de mineurs dans des situations sexuellement explicites, présentant indubitablement un caractère pornographique", ce que la défense n'a cessé de démentir.
- Pas "d'incitation" ou "d'apologie"-
Resté silencieux avant l'audience, Bastien Vivès s'est finalement exprimé devant la presse à la sortie, réaffirmant n'avoir jamais, dans ses ouvrages, fait "d'incitation" ou "d'apologie" de la pédocriminalité, mais avoir rédigé des albums inscrits "dans la tradition de la BD humoristique".
"Je suis un artiste. Je suis là pour interroger des zones grises, donner à réfléchir, je ne suis pas militant", a-t-il ajouté, très ému.
Lors de l'audience, Me Cécile Astolfe, qui défend la Fondation pour l'enfance, avait insisté sur l'importance de la préservation de la liberté d'expression avec "un contrôle de proportionnalité", estimant que les images peuvent constituer "des tremplins au passage à l'acte".
"L'art n'est pas au-dessus des lois", avait-elle également rappelé.
Trois autres associations, L'enfant bleu, Innocence en danger et Face à l'inceste, s'étaient également constituées partie civile dans l'affaire.
Une dizaine de témoins étaient attendus parmi lesquels, côté défense, l'ancienne ministre de la Culture Françoise Nyssen (2017-2018) et le directeur de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, Riss.
En 2018, après la parution de "Petit Paul", les éditions Glénat avaient affirmé que cet album n'avait "jamais" eu "pour vocation de dédramatiser, favoriser ou légitimer l'abus de mineur de quelque manière que ce soit".
Dans un entretien avec l'AFP, la directrice de la maison d'édition, Marion Glénat-Corveler, a assuré qu'elle défendrait la liberté d'expression à l'audience, "une des valeurs fondamentales de (son) métier d'éditeur".
Plusieurs autres œuvres du dessinateur, à l'instar des "Melons de la colère", vague parodie des "Raisins de la colère" où plusieurs hommes violent une adolescente paysanne, avaient suscité l'indignation d'associations et de militants.
Le Festival international de la BD d'Angoulême avait d'ailleurs déprogrammé une exposition consacrée à Bastien Vivès prévue lors de son édition 2023, en raison de "menaces physiques" proférées contre lui.
En juin 2024, cinq personnes ont été condamnées à Paris à des peines de prison avec sursis pour menaces de mort ou violence sur l'auteur.
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