Domaine W : une bulle d'élégance

A la genèse, l'histoire traditionnelle belge de la famille Wautier, propriétaire de cette ferme au carré typiquement brabançonne de 1856. Après l'élevage de bétail puis les grandes cultures, la ferme, trop petite pour être rentable, est laissée à l'abandon, sans pour autant être oubliée par Sophie Wautier – la sixième génération – qui décide de s'y marier en 2012. «Même si c'était en mauvais état ! Mais il était impossible de laisser ce patrimoine à l'abandon», se rappelle Dimitri Vander Heyden.

C'est lors d'une mutation à Vienne pour le travail de Dimitri – alors directeur général de la zone Autriche & Slovénie chez Danone – que le couple s'essaie à la viticulture : «On avait déjà remarqué que les premiers projets viticoles belges commençaient à se faire remarquer. La vigne ne pourrait-elle pas être une solution pour réhabiliter la ferme familiale ? Alors, on a acheté un petit vignoble en Autriche et on a commencé à construire notre projet de vie», explique-t-il. Un projet mais surtout la vision d'un écosystème qui sort de l'ordinaire : un vignoble participatif, sans pesticides, et dont les productions sont écoulées de façon plutôt confidentielles aux membres ainsi que dans les plus beaux restaurants gastronomiques de Belgique. Après une campagne de crowdfunding en 2016 – qui a recueilli près de deux millions d'euros, un exploit ! – , le Domaine est officiellement lancé, avec une première cuvée de 2 000 bouteilles, sorties fin 2020.

Rendre la viticulture plus durable

«Une bouteille de vin peut contenir jusqu'à 50 pesticides différents. La viticulture est une monoculture qui tasse les sols. Il y a un peu une vision 'naïve' de la viticulture, alors qu'elle est écologiquement néfaste. Nous voulions prouver qu'une viticulture durable était possible» poursuit-il. Ici à Tubize, le domaine s'étend sur 40 hectares, dont huit sont dédiés à la vigne (soit 35 000 pieds) et cultivés en biodynamie, un cahier des charges ultra strict.

«Nous sommes les seuls en Belgique à être certifiés en biodynamie»

Du raisin jusqu'à l'étiquetage, tout est réalisé dans les installations du Domaine. Et quelles installations ! La plupart viennent de Champagne, dont cet illustre pressoir traditionnel champenois, installé dans l'ancienne grange, «la Rolls Royce des pressoirs», s'amuse Dimitri. «Nous vendangeons mi-septembre, car notre climat est plus nordique que la Champagne. Chez nous, ce sont les membres qui viennent bénévolement pour vendanger – à raison de 100 kilos par vendangeur contre une tonne dans les vendanges, ndlr – et après le barbecue qu'on leur offre le midi, ce sont eux qui font le pressurage, cette étape très délicate où le raisin est retourné manuellement.» Au total, ils sont près de 1 800 membres à avoir été séduits par le projet de Dimitri et de Sophie ; au-delà de leur investissement financier, ils sont devenus de réels ambassadeurs des cuvées.

Une immersion totale dans la fabrication des futures cuvées «Brut de Brabant» que le Domaine W propose aussi à un public de professionnels, qui viennent en masse profiter de la sublime terrasse aménagée au-dessus de la grange, avec vue sur les vignes d'un côté et les cultures arboricoles à perte de vue de l'autre ; adossée à un espace de réception plein de charme, qui peut accueillir des événements entre 10 et 150 personnes. Plus de 200 entreprises – dont une partie de françaises ! – sont déjà venues prendre un bon bol de fraîcheur au Domaine.

Cave privée pour grands amateurs

Cerise sur le gâteau : la «Wine Bank», une cave privée confidentielle et intimiste, où les membres peuvent réserver un emplacement afin d'y conserver leurs vins dans les meilleures conditions, accessible en toute autonomie. «Quelques contrats se sont signés ici» sourit Dimitri Vander Heyden.

Au Domaine W, on cultive partout l'exception : la méthode traditionnelle associe les trois cépages champenois emblématiques (Chardonnay, Pinot noir, Meunier) ; les cuvées bénéficient d'un élevage en barriques et d'un long temps de repos sur lattes en cave dans quatre fûts réalisés sur mesure, issus de la tonnellerie Vicard, à Cognac. Au total, trois cépages disponibles : le Blanc de Blanc, le Rosé et la cuvée Signature (avec l'assemblage des trois cépages vieillis durant un an). «Nous sommes suivis par des oenologues champenois pour l'élaboration des recettes. L'idée, ce n'est pas de copier la Champagne pour sa viticulture car ici, nous sommes guidés par l'écologie. En Belgique, on part d'une page blanche, nous n'avons pas l'historique des appellations comme en France. Tout est à construire et d'ailleurs, des vignerons français viennent s'inspirer de notre modèle et ça, c'est formidable pour nous».

Objectif : 50 000 bouteilles par an

Ce modèle hors du commun s'accompagne d'une distribution ultra confidentielle : les 30 000 bouteilles annuelles partent pour moitié auprès des membres et pour l'autre, dans les restaurants gastronomiques et étoilés de Belgique. Aucune bouteille n'est vendue chez des grossistes ou des caviste. «On est sur des cuvées rares, nous sommes les seuls en Belgique à être certifiés en biodynamie. L'idée est de rester exclusifs. Mais nous ne sommes pas dans l'ostentatoire alors qu'on est sur des produits haut de gamme.»

«Nous regardons de très près le Nord de la France, on y est plus proches que du Sud de la Belgique ! On aimerait beaucoup se développer à Lille et on connaît les très bonnes tables des Hauts-de-France. Après des années de travaux et beaucoup d'investissement, notre fierté est d'avoir réussi à créer huit emplois. C'est notre vision : être écologique, sans oublier l'aspect social et économique. En partant de rien, on a su réinventer un modèle viticole et financier totalement inédit.» C'est d'ailleurs ce qui fait le charme incontestable du Domaine W : un savoureux mélange d'exclusivité et d'authenticité avec la caractéristique typique de nos voisins belges, la simplicité.