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Actu de l’été/ Opinion

Droits de douane : la capitulation de l’Union européenne !

L’accord conclu entre les États-Unis et l’Union européenne, le 28 juillet dernier, fixe un taux général de droits de douane à 15 % et bouleverse la production européenne. Il entérine surtout la capitulation de l’UE pour tenter d’éviter une guerre commerciale.


© Jim WATSON
© Jim WATSON

« Tout le monde va gagner beaucoup d’argent, cela va développer notre sentiment d’amitié ». C’est par ces quelques mots lunaires que Donald Trump a annoncé le 28 juillet dernier la conclusion d’un accord commercial entre les États-Unis et l’UE, dont les détails ont été précisés dans un communiqué commun le 21 août. Les États-Unis se garantissent dès lors des débouchés en Europe et vont capter son épargne, le tout sans autre contrepartie que d’éviter le courroux du maître des deals américain. En d’autres temps, cela s’appelait du rançonnage.

Un accord très déséquilibré

Comme l’a déclaré le président du Medef, Patrick Martin, « fondamentalement ce n’est pas — c’est le moins qu’on puisse dire — l’expression d’un rapport de force équilibré entre l’Europe et les États-Unis. Il y a des filières qui s’en sortent convenablement quand d’autres sont menacées ». En l’occurrence, sous couvert d’avoir évité des droits de douane généralisés de 30 % sur toutes les exportations européennes, c’est un taux de 15 % (tout compris) qui a été retenu, contre 4,8 % en moyenne auparavant.

Parmi les moins perdants se trouvent donc l’aéronautique, les médicaments génériques, certains produits chimiques et ressources naturelles, qui profiteront à partir de ce 1er septembre de la « clause de la nation la plus favorisée », i.e. de droits de douane très faibles ou nuls. La sidérurgie, quant à elle, devrait voir sa facture se réduire, dans la mesure où des droits plus faibles seraient appliqués sur des quotas d’acier et d’aluminium, même si aucun calendrier n’a encore été fixé. Quant au secteur de l’automobile, les taxes baisseront de 27,5 % à 15 % — avec une possible application rétroactive au 1er août —, mais uniquement « lorsque l’Union européenne présentera officiellement la proposition législative nécessaire pour mettre en œuvre les réductions tarifaires prévues à la section 1 du présent accord-cadre ». Bref, l’UE doit d’abord capituler officiellement, en particulier sur les importations agricoles américaines et les normes sanitaires ou sécuritaires, avant de bénéficier d’un coup de bâton moins fort ! Quant aux vins et spiritueux, ils ne bénéficieront d’aucune exemption à ce stade et se verront donc appliquer le nouveau taux général de 15 %.

Avec cet accord, les Européens se sont engagés à acheter outre « pour au moins 40 milliards de dollars de puces IA américaines pour ses centres de calcul », du « gaz naturel liquéfié, du pétrole et des produits dérivés de l’énergie nucléaire » aux États-Unis, à hauteur de 750 milliards de dollars sur trois ans. C’est un véritable non-sens économique et industriel, qui reviendrait à multiplier par presque quatre les importations énergétiques, nécessitant une montée en puissance phénoménale de la production énergétique américaine, très polluante. Chemin faisant, le Pacte vert européen serait définitivement enterré et la dépendance au GNL américain se substituerait à la dépendance au gaz russe !

Vassalisation de l’UE

Faisant cavalier seul, Ursula von der Leyen ne s’est pas embarrassée des voix discordantes, venant notamment de la France, qui réclamaient de tenir la dragée haute aux États-Unis. Il est vrai que l’Italie et l’Allemagne soutenaient déjà ouvertement cet arrangement susceptible de secourir leurs propres exportateurs… Ce faisant, l’UE a signé un véritable accord de vassalisation militaire et technologique avec les États-Unis, alors qu’il n’a jamais été autant question de bâtir la souveraineté européenne et de montrer que l’UE a vocation à devenir une puissance politique, technologique et militaire. En outre, en cédant aux injonctions du maître de la Maison-Blanche, qui a bien saisi l’empressement des États européens à creuser leur déficit public pour se réarmer, l’UE se condamne à demeurer un nain au sein de l’OTAN. C’est du reste le triste spectacle offert par la délégation européenne, contrainte de faire de la figuration lors de la rencontre Trump-Zelensky…

Quant à l’engagement européen d’investir 600 milliards de dollars supplémentaires dans des secteurs stratégiques aux États-Unis d’ici 2028, il est sans substance dans la mesure où cela n’a aucun sens d’additionner des volumes de projets nationaux dans une UE non fédérale. Il constitue, surtout, une faute morale au vu du sous-investissement chronique au sein de l’UE. Avec cet accord, l’épargne de l’UE est donc appelée à financer les investissements des États-Unis et leur croissance. À terme, le risque est alors grand de voir les entreprises européennes délocaliser leur production aux États-Unis pour plus de facilité.

La Commission européenne a ainsi cru bon d’acheter la stabilité commerciale en cédant d’emblée aux exigences démesurées des États-Unis. Mais, cela ne sera que temporaire, car l’objectif avoué de Trump est de supprimer toute concurrence, quitte pour cela à en demander toujours plus pour affaiblir totalement l’UE, par ailleurs empêtrée dans une relation commerciale compliquée avec la Chine. N’est-ce pas la définition d’une guerre commerciale ?