Escroquerie aux manuscrits anciens: cinq ans de prison pour le fondateur de la société Aristophil
Près d'un milliard d'euros envolés et des milliers d'épargnants ruinés: le fondateur de la société de placement de manuscrits anciens Aristophil, Gérard Lhéritier, a été condamné jeudi par le tribunal de Paris à cinq de prison avec...
Près d'un milliard d'euros envolés et des milliers d'épargnants ruinés: le fondateur de la société de placement de manuscrits anciens Aristophil, Gérard Lhéritier, a été condamné jeudi par le tribunal de Paris à cinq de prison avec mandat de dépôt à effet différé pour escroquerie.
Sa société a commercialisé, entre 2009 et 2014, par l'intermédiaire de courtiers et de gestionnaires de patrimoine, des manuscrits, livres précieux, autographes et lettres originales signés Boris Vian, Albert Einstein, Romain Gary ou encore Simone de Beauvoir.
Selon le président du tribunal correctionnel Guillaume Daieff, Gérard Lhéritier, 77 ans, absent de l'audience pour raison de santé, a "mis en place un système de cavalerie" - plus connu sous le nom de pyramide de Ponzi - et un véritable "piège pour les consommateurs".
Son avocat, Me Benoît Verger, "choqué" par la décision, a immédiatement annoncé faire appel.
Le parquet avait requis à l'encontre de Gérard Lhéritier une peine de six ans de prison, assortie d'un mandat de dépôt, estimant le septuagénaire responsable "de l'une des plus grosses escroquerie en bande organisée jamais jugées" au vu du nombre de victimes.
"C'est une décision sévère, mais qui reconnaît enfin l'escroquerie", s'est félicité auprès de l'AFP Me François de Cambiaire, avocat de 80 parties civiles.
L'expert comptable de la société, Denis Potier, a été condamné a deux ans d'emprisonnement dont un an assorti d'un sursis probatoire.
Cinq autres personnes, parmi lesquelles un notaire, un professeur de droit et des gestionnaires de patrimoine, ont été condamnées à des peines de un à deux ans de prison avec sursis probatoire pour pratiques commerciales trompeuses.
Les faits d'escroquerie en bande organisée n'ont finalement pas été retenus.
Tous devront indemniser les victimes.
Seul Jean-Claude Vrain, libraire-antiquaire, a été relaxé, conformément aux réquisitions du parquet.
- 1/100e d'un écrit de Flaubert -
La collection d'Aristophil, mondialement reconnue, mêlait de véritables trésors - comme un manuscrit d'Einstein ou le rouleau du marquis de Sade - à des pièces de bien moindre valeur, revendues en moyenne deux fois plus cher que leur coût d'achat.
Les ventes des produits Aristophil se faisaient la plupart du temps en indivision. Ainsi, un épargnant pouvait acquérir 1/100e d'un écrit de Gustave Flaubert.
Ces placements étaient adossés à de véritables objets précieux dont certains sont exposés au Musée des lettres et manuscrits, aujourd'hui fermé, dans le 7e arrondissement de Paris.
Sur les 18.000 clients de la société, près de 8.000 se sont constituées parties civiles au procès qui s'est tenu du 8 septembre au 2 octobre dernier.
Tous ont raconté avoir été bernés par les conseillers de gestion en patrimoine chargés de vendre les produits Aristophil qui promettaient des plus-values mirobolantes autour de 8% annuel.
Ces manuscrits étaient des "objets tangibles", "palpables" et "valorisants pour la culture française", a expliqué lors des débats une professeure de littérature qui a perdu plus de 500.000 euros.
Une autre épargnante était persuadée de pouvoir revendre les oeuvres de Charles de Gaulle achetées en indivision, avec une plus-value annoncée de 40%.
Car Aristophil proposait de racheter les œuvres au bout de 5 ans. La preuve, selon le parquet, d'un "fonctionnement en circuit fermé", "non viable" où l'argent des nouveaux investisseurs est utilisé pour rémunérer les anciens.
Après avoir fait naître une bulle spéculative, Aristophil avait échappé une première fois à la faillite en 2012 lorsque Gérard Lhéritier avait remporté 170 millions d'euros à l'EuroMillions.
Il avait alors injecté une partie de ses gains dans la société: "Malgré ses difficultés, je voulais qu'Aristophil perdure, donc j'ai mis 40 millions de ma poche", avait-il déclaré lors de son dernier interrogatoire devant le tribunal.
Le septuagénaire qui avait promis des révélations pendant l'audience se sera finalement contenté de rejeter la faute sur les courtiers, allant même jusqu'à réaffirmer "l'excellence" de son modèle économique.
En tout, Aristophil a fait perdre près d'un milliard d'euros à ses clients lors de sa faillite en 2016.
La gigantesque vente aux enchères des manuscrits organisée sur plusieurs années n'a permis aux épargnants de récupérer qu'environ 7% de leurs investissements.
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