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Ex-fleuron de l'innovation, Carmat et son coeur artificiel en cessation de paiements

Ex-symbole de l'innovation médicale française, le fabricant français d'un coeur artificiel, Carmat, a annoncé lundi être en cessation des paiements, à court d'argent faute de n'avoir pu rassembler...

Créée en 2008, Carmat avait expliqué devoir rassembler au moins 3,5 millions d'euros d'ici au 30 juin © BERTRAND GUAY
Créée en 2008, Carmat avait expliqué devoir rassembler au moins 3,5 millions d'euros d'ici au 30 juin © BERTRAND GUAY

Ex-symbole de l'innovation médicale française, le fabricant français d'un coeur artificiel, Carmat, a annoncé lundi être en cessation des paiements, à court d'argent faute de n'avoir pu rassembler des fonds pour payer ses créanciers.

L'entreprise, qui avait alerté  il y a dix jours avoir un besoin urgent de se refinancer d'ici au 30 juin, va "solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire auprès du Tribunal des Affaires Economiques de Versailles", selon un communiqué.

Dans l’attente de la décision du tribunal, qui devrait intervenir "dans les tout prochains jours", la cotation de l’action Carmat a été suspendue.

Le cours de l'action évoluait dernièrement autour de 30 cents, alors qu'il dépassait 100 euros voici une dizaine d'années.

Créée en 2008 et entrée en Bourse en 2010, la société avait expliqué devoir rassembler au moins 3,5 millions d'euros d'ici au 30 juin, ainsi qu'environ 20 millions d'euros d'ici la fin de l'année. Elle avait lancé le 20 juin une campagne de dons pour assurer la poursuite de ses activités.

Son directeur général Stéphane Piat avait tenté dans un dernier élan la semaine dernière de mobiliser les investisseurs et même l'Elysée, pointant la difficulté d'accès aux capitaux pour financer l'innovation en France et évoquant le "crève-coeur" de voir possiblement disparaître une technologie française "iconique".

Il estimait que Carmat était sur "une rampe de lancement" après 42 implantations réalisées en 2024, un chiffre d'affaires de 7 millions l'an dernier et une rentabilité attendue d'ici "4 à 5 ans".

Mais après 30 ans de recherche, 550 millions d'investissements et 122 patients traités avec son coeur artificiel temporaire, inventé par le professeur Alain Carpentier, Carmat "n’est pas parvenue à ce stade à sécuriser un tel complément de trésorerie ni de nouveaux financements".

L'entreprise qui compte 180 collaborateurs entre son siège de Vélizy-Villacoublay et son site de production à Bois-d'Arcy, dans les Yvelines, "continue d’explorer toutes les options qui permettraient la poursuite de ses activités".

L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire constituerait, selon elle, "le cadre le plus approprié pour faciliter cette poursuite".

Pour la suite, "les deux options les plus plausibles" sont "le rachat par un industriel du secteur" ou "un partenaire financier robuste qui viendrait soutenir les actionnaires historiques de Carmat jusqu’à atteindre la rentabilité", estime Mohamed Kaabouni, analyste du courtier Portzamparc

"Au regard du caractère stratégique de la technologie, l’intervention de l’État français n’est pas à exclure mais cela semble peu probable", souligne-t-il dans une note.

Coeur définitif

Le coeur artificiel Aeson de Carmat est destiné aux patients qui souffrent d’insuffisance cardiaque terminale dans l'attente d'un coeur humain disponible pour une transplantation. 

Il comprend une prothèse reproduisant la forme et la fonction d'un cœur naturel et d'une tablette pour régler les paramètres.

Depuis sa première implantation sur un patient en 2014, l'appareil a subi de nombreuses évolutions, Carmat rêvant d'un "coeur définitif", qui remplacerait le coeur malade.

La société avait notamment suspendu volontairement les implantations entre fin 2021 et octobre 2022 pour apporter des améliorations au dispositif à la suite de dysfonctionnements qui avaient coûté la vie à deux patients.

"L'insuffisance cardiaque, c'est une maladie qui tue plus que le cancer" et qui ne touche pas seulement des personnes âgées mais des adultes "autour de 54 ans", avait souligné il y a quelques jours Anne-Céline Martin, de l'unité médico-chirurgicale d'insuffisance cardiaque sévère à l'Hôpital Européen Georges Pompidou qui a soutenu le projet Carmat dès le début.

"Le seul vrai traitement de l'insuffisance cardiaque terminale, c'est la transplantation. Sauf que l’accès à la transplantation est limitée: on a toujours deux receveurs pour un donneur", a illustré le professeur André Vincentelli, chirurgien cardio-vasculaire et thoracique au CHU de Lille.

"Ne plus avoir le Carmat, c'est revenir à d'autres dispositifs d'une autre époque", avait-il indiqué.

Le concepteur du coeur artificiel total assure qu'il ne laissera pas tomber ses patients sous prothèses Aeson, et ce, "quelle que soit la décision du tribunal".

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