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Entreprises

Export : le « Liberation day » rebat les cartes du commerce mondial

Les pertes mondiales à l'export devraient atteindre 305 milliards de dollars en 2025, selon l'étude annuel d'Allianz Trade. Le « liberation day » de Donald Trump a fortement impacté le commerce international. Ses routes se redessinent, éloignant Chine et États-Unis, tandis que les regards des exportateurs se tournent vers l'Amérique Latine.

(c) Adobe stock
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Il y a un avant et un après le « Liberation day ». Le 20 mai, lors d'une conférence de presse à Paris, Allianz Trade, spécialiste de l'assurance-crédit commercial, a dévoilé les résultats de son enquête annuelle « Allianz Trade Global Survey », réalisée auprès de 4 500 entreprises exportatrices, dans neuf pays des principales économies mondiales (parmi lesquelles Chine, États-Unis, France et Allemagne). L'étude a été réalisée avant et après le 2 avril, date à laquelle Donald Trump, président des États-Unis, a annoncé de nouveaux droits de douane. Elle montre la brutalité de leur impact sur l'évolution quantitative du commerce mondial, la perception des risques par les entreprises, les stratégies qu'elles mettent en place qui redessinent les routes de l'export.

En dépit des divers accords commerciaux noués entre les États-Unis et des pays tiers après le 2 avril, les exportateurs continuent de se méfier. Résultat : les pertes mondiales à l'export devraient atteindre 305 milliards de dollars en 2025. Car 60% des entreprises interrogées s'attendent à conséquences négatives sur leurs échanges. 45% d'entre elles estiment que leur chiffre d'affaires va diminuer. Depuis le 2 avril, le changement est radical : elles sont 42% à penser que leur chiffre d'affaires va diminuer entre -2 et -10%, contre 5% avant cette date ! Pour les entreprises françaises,- globalement un peu plus optimistes que la moyenne- le taux de celles qui s'attendent à une augmentation de leur chiffre d'affaires est passée de 84 à 48%, après les premières annonces de Donald Trump.

Autre inquiétude qui monte, celle qui concerne les délais et manquements de paiement : après le « Liberation Day » près de la moitié des exportateurs (48%) s'attendent à une augmentation du risque de non-paiement. Là aussi, les exportateurs français sont un peu moins pessimistes (34%) que les autres. Impact potentiel plus radical encore : plus d'un exportateur interrogé sur quatre envisage d'interrompre temporairement sa production en raison de la combinaison des droits de douane et de la volatilité des devises. La tendance est particulièrement marquée dans les secteurs dépendants des biens intermédiaires importés.

L'Océan Pacifique s'élargit

Résultante des stratégies mises en place par les entreprises en réaction au « jour de la libération », les routes de l'export promettent d'évoluer profondément, d'après l'étude. En particulier, à moyen terme, le « découplage » entre Chine et États-Unis devrait se renforcer, en dépit des rapprochements officiels entre les deux pays. En effet, 3% seulement des entreprises chinoises pensent exporter vers les États-Unis (contre 15% avant le « Liberation day »). Celles qui disposent de chaînes d'approvisionnement en Amérique du Nord déclarent vouloir les délocaliser, prioritairement vers l'Asie-Pacifique. En sens inverse, 10% seulement des entreprises américaines envisage d'exporter vers la Chine, contre 21% avant le 2 avril. Et parmi les Américaines, celles qui produisent en Chine sont elles aussi à la recherche d'alternatives, vers l'Europe (le quart environ), l'Amérique Latine (9%), et l'Asie Pacifique (34%). Le découplage sino-américain engendre aussi un regain d'intérêt de la Chine pour l'Europe : environ le quart des entreprises chinoises ayant des chaînes d'approvisionnement en Amérique du Nord désigne l'Europe comme présentant de grandes opportunités d'export (contre environ 15 % auparavant).

De leur côté, les entreprises européennes, elles aussi concernées par les hausses de droits de douane américains, se tournent davantage vers la Chine et l'Asie. Leurs intentions d'exportations ont augmenté, passant de 30 à 36% avant et après le 2 avril. Autre effet encore des annonces brutales de Donald Trump : l'Amérique latine devient un centre d'intérêt pour le monde entier. Les entreprises chinoises sont de plus en plus nombreuses à s'y intéresser ( de 5 à 15% après le « Liberation day »). En effet, la région permet d'accéder au marché nord-américain avec des tarifs douaniers avantageux. De fait, 35% des entreprises chinoises qui avaient déjà commencé à y installer une partie au moins de leur chaîne d'approvisionnement indiquent vouloir y rester, contre 24 % auparavant. Et les entreprises européennes aussi s'intéressent plus à cette destination : 10% d'entre elles considèrent que la région représente une opportunité à l'export, contre 4% auparavant.

Anne DAUBREE