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Filière automobile : l'heure est à la mobilisation collective...
La situation de la filière automobile française est dans un état critique. Avec des répercussions au niveau local. À Metz, Jean-Louis Pech, président de la Fédération des Industries des Équipements pour Véhicules (FIEV) et Nathalie Vaxelaire, présidente de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), ont dressé un état des lieux sans concession. Sont dressées de vraies pistes et mesures afin d’influencer les orientations futures de la branche.

Teinté d’un réalisme brut témoignant des difficultés récurrentes de la filière automobile, le point conjoncturel donné par Jean-Louis Pech, président de la Fédération des Industries des Équipements pour Véhicules (FEIV), et Nathalie Vaxelaire, présidente de l’UIMM Lorraine, n’a rien édulcoré de la situation préoccupante d’une branche qui demeure un pilier de notre économie. L’état des lieux ne prête guère à l’optimisme mais des solutions existent pour enrayer cette spirale négative. Si la production automobile mondiale estimée en 2024 a retrouvé son niveau 2019, avec 90 millions de véhicules légers, la situation en France est alarmante. En effet, la production nationale de véhicules légers a chuté de 1,5 million en 2023 à 1,36 million en 2024, soit un effondrement de 63 % depuis 2002 et 38 % depuis 2020. Depuis plusieurs années maintenant, la filière automobile hexagonale décroche. Ceci tient autant pour la production que pour la branche «équipements pour automobiles». La Lorraine n’échappe pas à ce marasme.
Des freins majeurs
Jean-Louis Pech et Nathalie Vaxelaire l’ont réaffirmé : «Le secteur automobile est le seul qui ne se relève pas depuis la Covid. Il est concurrencé, chaque jour davantage, de plein fouet par la Chine.» Ainsi, le solde commercial de la branche «équipements pour automobiles» est passé en 10 ans de + 1,5 Mds€ à - 6,1 Mds€. L’an passé, ses effectifs se sont réduits à 56 000 emplois, soit une chute de 17 % par rapport à 2019 et une division par deux depuis 2007. Au niveau européen, 42 % des fournisseurs prévoient d’être non rentables en 2025. Les menaces qui pèsent se retrouvent tant au niveau européen que français et lorrain : productions et sites menacés, risques de délocalisations. Les causes essentielles ont été rappelées : «L’instauration de 25 % de droits de douane supplémentaires sur les véhicules importés aux États-Unis, la période inflationniste de 2022 à 2024 a frappé l’Europe et décuplé le décalage compétitif majeur avec l’Asie.» Autre facteur déterminant comme l’ont assuré Jean-Louis Pech et Nathalie Vaxelaire : «Les équipementiers, contraints par la réglementation européenne imposant la fin des véhicules thermiques neufs d’ici 2035, ont très fortement investi pour transformer leur outil industriel. Ces investissements représentent une charge financière considérable au regard de volumes totalement insuffisants alors qu'il faut continuer d’investir pour 2025.»
Simplifier... enfin ?
Pourtant, l’industrie automobile européenne et française gardent bien des atouts. Elle demeure un modèle d’excellence et d’innovation. En Europe, 60 Mds€ sont investis par an en matière de R&D et 6 Mds€ en France. Elle est nécessaire pour la souveraineté, y compris pour l’industrie de défense, à l’heure des incertitudes futures quant au conflit russo-ukrainien et aux menaces pour le territoire européen. Les conséquences de la crise automobile menacent emplois, compétences, équilibres industriels, attractivité des territoires. Jean-Louis Pech et Nathalie Vaxelaire l’ont affirmé : «Le Plan d’Action sur l’avenir de l’industrie automobile présenté par la Commission européenne ne répond pas concrètement à l’urgence de la situation.» Ils ont présenté des mesures qui apparaissent de bon sens : «instaurer un seuil minimal de contenu local de 75 % à 80 % et définir «le fabriqué en Europe» à l’aide de règles européennes lesquelles cadreraient ce qu’est un VP/VUL ou une pièce «fabriqué en Europe» et pourraient être utilisées dans les marchés publics, les programmes de décarbonatation des flottes d’entreprises, dans les politiques d’incitation, de stimulation de la demande de véhicules à zéro émission, critères d’éligibilité au bonus écologique, à la prime à la conversion, aux aides pour les entreprises, sur les investissements directs étrangers, décarboner la transport routier dans une approche globale, restaurer la compétitivité de l’industrie automobile en France et en Europe dans le contexte de la transition vers l’électrique, via la mise en œuvre d’un plan d’investissement européen inspiré de l’IRA américain, la réduction du prix de l’énergie, l’allègement en France des prélèvements obligatoires sur les salaires et les impôts de production, la simplification de l’accès aux financements, en particulier pour les PME.» L’enjeu dépasse la seule production : la délocalisation des sites industriels entraîne invariablement celles des centres d’ingénierie et de R&D. Il s’agit également de parvenir à une réelle simplification quand on sait que d’ici 2030, le secteur automobile va devoir ingurgiter… 108 nouvelles réglementations. Elles sont déjà 400 000 applicables en France aux entreprises.
Retrouver le sens d'une stratégie nationale
«Notre
société a perdu le sens de ce qu’est entreprendre et celui de
l’industrie, celui d’une vraie stratégie efficiente»,
observent Jean-Louis Pech et Nathalie Vaxelaire. Assurant : «Nos
attentes à l’horizon 2030, 2035 et au-delà sont de mettre en
œuvre le principe de neutralité technologique, d’ouvrir à toutes
les chaînes de traction performante en empreinte carbone, sur le
cycle de vie pour les hybrides rechargeables, range extenders, à
tous les carburants bas carbone comme les e-fuels, les biocarburants
2e génération, l’hydrogène. Soutenir la fabrication de
batteries en Europe. Revenir dans la moyenne européenne en termes
d’impôts de production. Améliorer les dispositifs de recherche et
d’innovation comme le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) et le
Crédit d’Impôt Innovation (CII). De trouver un mécanisme qui
permettrait aux entreprises de disposer d’un prix de l’électricité
stable et compétitif. Faciliter le financement des PME et
ETI.» Jean-Louis
Pech et Nathalie Vaxelaire ont tiré ce signal d’alarme : «Autour
de nous, le monde bouge. Nous, on ne bouge pas. Il faut que les
décideurs politiques se dotent d’une stratégie industrielle
claire, une vision à long terme. Sans cela, l’industrie automobile
risque de tout perdre… Notre filière se mobilise, va encore se
mobiliser pour éviter un chaos.»