Fiscalité : qu'est-ce que le pacte Dutreil ?
Vous êtes actionnaire ou associé d’une société et vous envisagez la transmission de votre vivant ou par décès de vos titres mais êtes effrayé par la fiscalité y étant attachée : le pacte Dutreil pourrait être la solution.

L’engagement de conservation, plus communément appelé Pacte Dutreil, est une mesure fiscale qui, sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions, permet de transmettre des titres de société en bénéficiant d’un abattement de 75% sur l’assiette taxable aux droits de mutation à titre gratuit (donation/succession) et au surplus d’une réduction de 50% des droits dans l’hypothèse où les titres transmis le sont en pleine propriété et le donateur est âgé de moins de 70 ans.
En pratique, et sauf le cas particulier de l’engagement réputé acquis, il doit être régularisé tout d’abord un engagement collectif de conservation portant sur les titres de la société qui exerce l’activité éligible ou en cas de holding sur les titres de la société holding si celle-ci est animatrice du groupe. Cet engagement collectif est d’une durée minimale de deux ans, durant laquelle les transmissions à titre gratuit entre vifs ou par décès pourront intervenir en bénéficiant des avantages visés ci-dessus. Il est à noter que si au jour du décès aucun pacte n’avait été signé il est possible d’en régulariser un dans les six mois du décès.
A la fin de l’engagement collectif s’ouvre une seconde phase dite d’engagement individuel d’une durée de quatre ans, durant laquelle les bénéficiaires des transmissions s’engagent à conserver les titres transmis.
Nous voyons ici que l’avantage fiscal est indéniable et mérite donc que l’on se penche quelques instants sur les conditions permettant d’en bénéficier.
Les conditions
Celles-ci sont visées à l’article 787B du Code Général des Impôts, et on retiendra notamment que, savoir :
⁃ L’engagement de conservation doit porter sur les titres d’une société dont l'activité principale est industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ; attention n’est pas considérée comme telle l’activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ; si vous envisagiez de transmettre ainsi les titres de votre société pratiquant de la location meublée ou non, il faudra oublier l’idée !
⁃ L’engagement collectif de conservation doit porter, lors de la signature du pacte et pendant toute la phase d’engagement collectif, sur au moins 17% des droits financiers et 34% des droits de vote, pour les sociétés non côtées ;
⁃ Chaque héritier, donataire ou légataire doit prendre l’engagement dans l’acte de donation ou dans la déclaration de succession selon le cas, de conserver les titres transmis pendant le reste de l’engagement collectif ainsi que pendant une durée de quatre ans à l’expiration de ce dernier. De même ledit engagement devra être appuyé des attestations prévues par la loi et émise par les sociétés concernées.
⁃ L’un des signataires du pacte ou l’un de ses héritiers, donataires ou légataires bénéficiant d’une transmission pactée doit exercer pendant toute la durée de l’engagement collectif et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission l’une des fonctions de direction énumérées à l’article 975 III 1 1° du Code Général des Impôts.
⁃ Les statuts de la société dont les titres sont transmis doivent limiter le droit de vote de l’usufruitier à l’affectation des bénéfices et uniquement à cela et ce préalablement à toute transmission ; (si vous souhaitiez transmettre tout en conservant le contrôle du droit de vote il faudra choisir une autre option) ;
⁃ L’engagement collectif de conservation doit avoir date certaine, c’est-à-dire qu’il ait été enregistré ou reçu par acte notarié avant la première donation ; à défaut celle-ci ne pourra en bénéficier.
⁃ Il est à noter que la transmission peut porter sur des titres de société holding et ce jusqu’à deux niveaux d’interposition ;
⁃ Dans ce cas le bénéfice du pacte porte sur la totalité de la valeur des titres de la holding impactés si celle-ci est animatrice du groupe (dans ce cas l’engagement collectif de conservation est signé sur les titres de la holding) ou si tel n’est pas le cas (le pacte est alors signé sur les titres de la société d’exploitation) l’exonération des 75% portera sur la quote-part des titres de la holding représentative de la valeur des titres de la société d’exploitation avec une limite de deux niveaux d’interposition. Etant ici précisé que dans cette dernière hypothèse, la détention des titres devra demeurer inchangée à chaque niveau d’interposition tant pendant la phase d’engagement collectif qu’individuel.
La question de la remise en cause
Comme nous avons pu le voir ci-dessus, les conditions sont nombreuses. Il est donc facile d’en omettre une. Dans ce cas la sanction est particulièrement dissuasive tant pour les personnes concernées par les transmissions réalisées que potentiellement pour les autres signataires du pacte Dutreil.
Ainsi en phase d’engagement collectif de conservation, si l’un des signataires cède tout ou partie de ses titres avant toute transmission, il ne pourra plus bénéficier des dispositions du pacte déjà signé pour le reste des titres qu’il détient.
Pire si pendant l’engagement collectif ou l’engagement individuel, un bénéficiaire d’une transmission ne respecte pas son engagement de conservation, il perd le bénéfice de l’avantage fiscal dont il a bénéficié ce qui entraîne de facto l’exigibilité des droits dus au taux plein (adieu les 75% d’abattement) ainsi que bien évidemment l’application des intérêts de retard.
Et si au surplus le non-respect de l’engagement collectif de conservation entraîne une remise en cause des seuils de détention (qui deviendraient inférieurs à 17% des droits financiers et 34% des droits de vote), dans ce cas c’est la totalité du pacte qui tombe…en ce compris pour les transmissions déjà réalisées entraînant de ce fait les sanctions ci-dessus visées et assurément une ambiance particulière à l’assemblée générale des associés qui s’en suivrait…
De l’importance d’être bien accompagné
Nous l’avons vu ici, le pacte Dutreil présente des avantages indéniables mais nécessite une attention de chaque instant tant dans sa préparation que dans sa gestion à long terme. Nous ne pouvons dès lors que vous conseiller de vous faire assister de votre notaire pour la mise en place d’une telle opération.
Guillaume Lamotte-Moulart, notaire, membre de l'Atelier Entreprises et Sociétés-Chambre notaires Nord-Pas de Calais