Frédéric Leturque, président de l'AMF62 : «Ce congrès est devenu un temps de respiration et de cohésion pour les élus»
À l'occasion du dixième congrès de l'Association des maires et présidents d'intercommunalité du Pas-de-Calais (AMF 62), rencontre avec Frédéric Leturque, son président.

Ce dixième congrès de l’AMF62 marque une décennie de rencontres et de débats. Quelle est, selon vous, la force de ce rendez-vous devenu incontournable pour les élu(e)s du Pas-de-Calais ?
FL. Ce congrès est bien plus qu’un simple rendez-vous institutionnel : il est devenu un moment attendu, un temps de respiration et de cohésion pour l’ensemble des élus du département. Depuis dix ans, il s’impose comme l’espace où l’on prend le temps de se poser, d’échanger en dehors de l’urgence du quotidien et de réfléchir collectivement à l’avenir de nos communes. Sa force est d’offrir à tous les élus, qu’ils viennent d’un petit village rural ou d’une grande ville urbaine, un lieu de dialogue. On y partage des réussites, on y exprime des difficultés, et surtout, on repart avec des pistes concrètes et des solutions pratiques.
C’est également un rendez-vous qui fédère largement. Au-delà des élus, il associe les partenaires institutionnels, l’État, les entreprises et les acteurs associatifs. Cela illustre bien ce que nous défendons : la coopération territoriale. Cette force du collectif est précieuse : elle nous permet d’affronter ensemble les difficultés du quotidien.
Le thème de cette année est «Agir localement pour demain». En quoi les communes sont-elles toujours ce socle de solutions dans un contexte budgétaire et institutionnel contraint ?
Nous avons choisi ce thème car il traduit une conviction forte que je porte avec Françoise Rossignol, secrétaire générale, et l’ensemble des membres du conseil d’administration : les communes demeurent, plus que jamais, au cœur de l’action publique. Les habitants s’adressent toujours d’abord à leur maire, que ce soit pour une question du quotidien ou pour affronter une crise. La commune est donc ce socle de proximité et de confiance qui permet à la République de rester vivante et concrète. Mais il faut être lucide : les maires et leurs équipes travaillent aujourd’hui avec des marges de manœuvre financières de plus en plus restreintes. Les dotations sont contraintes, les charges augmentent et l’équilibre budgétaire devient un exercice difficile.
De plus, certaines réformes interrogent la place des communes et leur rôle dans l’organisation territoriale. Face à cela, notre message est clair : agir localement, c’est innover, expérimenter, mobiliser toutes les ressources disponibles. Les communes montrent chaque jour qu’elles savent s’adapter ; elles développent des solutions pour accompagner la transition écologique, renforcer la cohésion sociale, soutenir le dynamisme économique local. Elles sont le lieu où les grands enjeux nationaux se traduisent concrètement. Le congrès est l’occasion de rappeler que, malgré les contraintes, la commune reste ce pilier sur lequel repose notre avenir collectif.
Le mandat 2020-2026 touche à sa fin. Comment les maires du Pas-de-Calais ont-ils vécu cette période intense entre crises, transitions et réformes ?
Je crois que nous pouvons dire sans exagérer que ce mandat restera comme l’un des plus éprouvants pour les maires. Dès son début, il a été bouleversé par la pandémie de Covid-19, qui a mis les communes en première ligne : il fallait protéger, rassurer, organiser, parfois même improviser. Les maires ont dû gérer des situations inédites, souvent seuls face aux urgences, mais ils ont tenu bon.
Puis sont venues d’autres crises : la flambée des coûts de l’énergie, l’inflation, les incertitudes budgétaires, un contexte politique national inédit, une situation internationale préoccupante… et, plus récemment, ici dans le Pas-de-Calais, les terribles inondations qui ont frappé notre département. Là encore, les maires se sont retrouvés au premier rang : il fallait secourir les habitants, organiser l’accueil d’urgence, accompagner les sinistrés dans leurs démarches, parfois alors même que leur propre maison ou mairie était touchée. Cet épisode a rappelé que les élus locaux sont bien souvent les premiers acteurs de la protection des habitants et de la solidarité. Dans le même temps, ils ont dû faire face aux transitions écologiques, aux attentes fortes en matière de services publics de proximité, de sécurité et de cohésion sociale, tout en appliquant des réformes institutionnelles et réglementaires nombreuses.
Cela a été une période d’une intensité exceptionnelle, mais elle a aussi révélé la résilience et la créativité des maires. Malgré la fatigue et parfois le découragement, ils ont prouvé qu’ils étaient capables de faire face, d’inventer des solutions locales et de maintenir le lien avec leurs habitants.
À l’approche des élections municipales, quel message adressez-vous aux élus qui s’apprêtent à passer le relais, et à ceux qui envisagent de poursuivre leur engagement ?
Aux maires qui s’apprêtent à passer le relais, je veux adresser un message de gratitude et de reconnaissance. Leur engagement, souvent discret mais toujours total, a marqué la vie de leur commune et le quotidien de leurs habitants. Être maire, ce n’est pas une fonction comme les autres : c’est un engagement de chaque instant, parfois au détriment de sa vie personnelle ou professionnelle. Ceux qui ont choisi de s’investir peuvent être fiers de ce qu’ils ont accompli.
À celles et ceux qui envisagent de poursuivre leur engagement, je veux dire que leur rôle est essentiel. Oui, la fonction est exigeante et parfois difficile. Mais elle reste d’une richesse humaine incomparable. Peu d’expériences permettent d’être aussi proches des citoyens, de voir immédiatement l’impact de ses décisions, de partager autant de moments de solidarité et de fraternité. L’AMF62 sera à vos côtés, pour vous accompagner, vous informer et vous représenter.
Enfin, à celles et ceux qui hésitent à franchir le pas, j’adresse un appel. Nos communes ont besoin de nouveaux visages, de nouvelles énergies, de femmes et d’hommes prêts à servir l’intérêt général. Être maire, c’est participer à une aventure collective, c’est incarner la République au quotidien.
En 2026, je souhaite que nous soyons nombreux à poursuivre cette aventure et à écrire la suite de l’engagement local.