Guichet unique, e-facturation et tribunaux des activités économiques : état des lieux pour la profession d’avocat
À l’occasion de la « Grande rentrée des avocats », la commission « Droit et entreprises » du Conseil national des barreaux a fait le point sur l’état d’avancement de ces trois réformes en cours.

Organisée par le Conseil national des barreaux (CNB), le 11 septembre dernier à Paris, la « Grande rentrée des avocats » a notamment été l’occasion pour les différentes commissions de l’institution représentative de la profession d’avocat de présenter certains des sujets sur lesquels elles travaillent. La commission « Droit et entreprises » a ainsi choisi d ‘exposer un état des lieux du déploiement du Guichet unique des entreprises, de la facturation électronique et de l’expérimentation des tribunaux des activités économiques.
Guichet unique des entreprises : «de moins en moins de problèmes »
En ce qui concerne le Guichet unique des formalités des entreprises, confié à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) et qui a rencontré de sérieuses difficultés depuis son entrée en vigueur, « aujourd’hui, on a une situation assez stable et les choses vont dans le bon sens », a déclaré Alexandre Coratella, avocat au barreau de Paris et membre de la commission Droit et entreprises, qui représente le CNB au sein du comité des utilisateurs du Guichet unique mis en place par l’INPI et la commission interministérielle en charge du suivi de ce dossier. « Il y a de moins en moins de problèmes, même s’il y en a toujours », a-t-il poursuivi. « Aujourd’hui, on n’a plus vraiment de remontées de dossiers qui se perdent dans la nature » et, désormais, « l’enjeu c’est la synchronisation entre le Registre national des entreprises et les fichiers des greffes de commerce ». Du côté de la mission interministérielle, « il y a une réelle volonté d’avancer et de faire respecter le calendrier », car « en dépit de ce que l’on peut lire sur les réseaux sociaux, il n’y aura pas de retour en arrière, la porte est fermée, Infogreffe ne reprendra jamais le rôle qu’il a eu. »
Facturation électronique : des solutions pour préserver le secret professionnel
Reportée à plusieurs reprises, la facturation électronique va être déployée en deux étapes : le 1er septembre 2026, pour les grandes entreprises et les entreprises intermédiaires, et le 1er septembre 2027 pour les PME et les micro-entreprises. Le dispositif s’articule en deux volets. Pour les clients assujettis à la TVA, la facture devra leur être envoyée en format électronique et également être transmise à une plateforme agréée chargée d’envoyer les données de facturation à l’administration fiscale. Pour les clients non assujettis à la TVA (tels que les particuliers), c’est le e-reporting qui s’applique : la facture électronique n’est pas obligatoire, mais il faudra transmettre certaines informations à l’administration fiscale, via une plateforme dématérialisée agréée.
« Les avocats vont donc devoir faire le choix d’une plateforme dématérialisée pour la transmission des factures ou des informations à l’administration fiscale », a expliqué Michel Guichard, avocat au barreau des Hauts-de-Seine et vice-président de la commission Droit et entreprises du CNB. Sur ce point, l’institution représentative des avocats est préoccupée par le fait que le dispositif implique de transmettre des éléments couverts par le secret professionnel : l’identité du client et la nature de la prestation de service qui lui a été délivrée.
« Nous avons demandé à l’administration d’exempter les avocats du régime de la facturation électronique au profit du e-reporting, qui permettrait de mieux préserver le secret professionnel. Nous n’avons pas eu de réponse officielle, mais tout laisse penser que nous ne serons pas exemptés de la facturation électronique. » Les avocats devront donc transmettre l’identité de leurs clients à l’administration fiscale. En revanche, les plateformes ont la possibilité de ne pas transmettre la nature de la prestation délivrée. « Nous préconisons donc [aux avocats] de vérifier que la plateforme choisie ne transmettra pas ces informations, ou encore, de ne pas préciser le contenu de la prestation dans la facture. » Le Conseil national des barreaux s’apprête à rédiger et diffuser un mémo sur ce sujet.
Tribunaux des activités économiques : quel avenir pour la contribution financière des entreprises ?
Concernant les tribunaux des activités économiques (TAE), l’expérimentation est en cours dans 12 tribunaux de commerce, et si cette dernière se révèle concluante, la réforme devrait être généralisée à tous les tribunaux de commerce. Elle consiste à étendre la compétence du tribunal de commerce aux procédures collectives de toutes les professions (dont les procédures civiles concernant les agriculteurs et les associations), à l’exception de celles qui visent les professions juridiques réglementées (avocats, notaires, mandataires judiciaires…), ainsi qu’à toutes les actions liées à ces procédures collectives (telle que la résiliation d’un bail commercial, par exemple).
Une autre expérimentation est conduite en parallèle : l’instauration d’une contribution pour la justice économique devant ces 12 tribunaux pour les plus grandes entreprises qui dépassent certains seuils de chiffres d’affaires et d’effectifs. Cette contribution financière, qui peut être incluse dans les dépens, est fixée à 3% ou 5% du montant du litige au-delà 50 000 €, avec un plafond à 100 000 €.
« Tout le monde est globalement d’accord avec l’extension de compétence », a relevé Isabelle Grenier, avocate au barreau de Marseille et présidente de la commission Droit et entreprises du CNB. « Ce qui pose plus de difficultés, c’est l’instauration d’une contribution pour la justice économique » qui présente « un risque en termes d’accès au droit : les gens peuvent renoncer à leurs droits de peur d’y être assujettis ». Le CNB a d’ailleurs introduit un recours – toujours pendant – contre l’instauration de cette contribution financière.
« C’est une usine à gaz », a déclaré Alban Pousset-Bougère, bâtonnier de Lyon et membre du comité de pilotage des tribunaux des activités économiques, où il représente la profession d’avocat. « Cette contribution demande beaucoup de travail aux greffiers » des TAE. « Ils ont tous à peu près réussi à mettre en place un process pour obtenir les justificatifs, vérifier les pièces, calculer les montants », et ce, « pour un résultat qui est assez limité : à Lyon, par exemple, cela a concerné une trentaine de dossiers sur le premier semestre 2025, pour un total d’environ 60 000 euros, dont une partie a dû être restituée aux parties ensuite ». Les contributions sont en effet reversées si les parties trouvent un accord à l’amiable homologué par le juge.
Selon les chiffres récemment fournis par la Chancellerie, « environ 2 millions d’euros ont été récoltés par les12 tribunaux des activités économiques, essentiellement à Paris et Nanterre », a repris Isabelle Grenier. Or, le gouvernement envisage désormais d’instaurer une contribution forfaitaire pour saisir tous les tribunaux – à l’instar de l’ancien « droit de timbre » – pour financer l’aide juridictionnelle. Si cette réforme est adoptée, il est probable que la contribution pour la justice économique soit abandonnée.