Incendie mortel dans une résidence de Courchevel: le propriétaire nie être "un voyou"
Le propriétaire d'une résidence de Courchevel, où deux saisonniers sont morts dans un incendie criminel en 2019, a nié avoir eu conscience des failles sécuritaires du bâtiment malgré les témoignages accablants de locataires...

Le propriétaire d'une résidence de Courchevel, où deux saisonniers sont morts dans un incendie criminel en 2019, a nié avoir eu conscience des failles sécuritaires du bâtiment malgré les témoignages accablants de locataires, jeudi au premier jour de son procès.
"Si j'avais été informé pour réaliser des travaux, je l'aurais fait immédiatement", a assuré Eric Claret-Tournier, 59 ans, jugé pour homicide et blessures involontaires par le tribunal correctionnel d'Albertville.
"Je suis tout sauf un voyou", a ajouté ce chef d'entreprises, à la tête de onze hôtels, restaurants et boîtes de nuit dans la station de ski huppée de Savoie, affirmant dépenser jusqu'à 150.000 euros chaque année dans l'entretien de ses propriétés.
Se présentant comme bouleversé par cette "tragédie", il a reconnu quelques manquements dans la résidence Isba, qui avait pris feu le 20 janvier 2019. "Si je pouvais refaire l'histoire, je le ferais différemment..."
Bien que l'incendie ait été d'origine criminelle - son auteur vient d'être condamné à la perpétuité - l'enquête a mis en évidence de nombreuses carences dans la résidence, construite dans les années 50 et dont l'état vétuste contrastait avec les hôtels de luxe voisins.
"Extincteurs défectueux", lances à eau "à faible débit", "trous dans un mur "rebouchés avec du sopalin", les témoignages de saisonniers, lus à l'audience, se sont enchaînés pour décrire un immeuble qualifié de "local à poubelles" voire de "ruine".
Interrogé comme témoin, un responsable de la maintenance travaillant pour le groupe de M. Claret-Tournier a reconnu "n'avoir pas eu connaissance de registre de sécurité" à l'Isba et qu'aucun état des lieux des chambres n'avait été réalisé.
Mal logement
Le jour de l'incendie, les détecteurs de fumée "n'ont pas fonctionné correctement", des portes palières comme le système de désenfumage de l'escalier étaient non-conformes et des portes coupe-feu absentes, avaient déjà relevé les enquêteurs.
Ces défaillances ont "permis une propagation plus rapide du feu" et n'ont "pas permis une évacuation optimale des occupants", 57 saisonniers répartis sur trois étages, ont-ils estimé.
Conséquence: une femme de 32 ans et un homme de 50 ans ont succombé asphyxiés, et une vingtaine de locataires ont été blessés en se défenestrant pour échapper aux flammes.
Alicia, la nièce du défunt, a regretté que son oncle se soit retrouvé coincé dans "une petite pièce". "Il ne devrait pas y avoir tout ça...", a témoigné la jeune fille, 17 ans, en sanglotant.
Parmi les blessés, Ambre Corci, une jeune saisonnière garde de lourdes séquelles. "J'espère une justice équitable et proportionnelle", pour "servir d'exemple et éviter que ce genre de situation ne se reproduise", a déclaré son père à l'AFP en arrivant au tribunal. "Les conditions d'hébergement, c'est ça le pire", a-t-il ajouté.
"Ce procès est vraiment le symbole du mal logement en montagne" car "il y a des tas de saisonniers qui sont mal logés", a renchéri Antoine Fatiga, responsable national CGT des domaines skiables de France.
Courchevel est la station la plus chère des Alpes françaises avec des prix au mètre carré qui démarrent à 19.100 euros mais grimpent à 31.900 euros pour les logements de luxe, ce qui rend la problématique du logement encore plus aiguë que dans d'autres stations.
Les audiences doivent durer deux ou trois jours. Le jugement sera mis en délibéré.
Le 27 mai, un ressortissant algérien de 28 ans été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d'assises de Savoie dans ce dossier. Malgré ses dénégations, les jurés ont reconnu Hicham Abderraouf coupable d'avoir déclenché l'incendie de l'Isba, où vivait une ancienne compagne.
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