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Economie

L'agence bio est à l'os

Quasi-arrêt de l'aide au déploiement de projets, réduction drastique de la campagne de promotion en faveur du bio... Les responsables de l'Agence Bio alertent les sénateurs sur les conséquences de la réduction brutale de leur budget, annoncée par le ministère de l'Agriculture.


© Adobe Stock.
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Pour une fois que la Cour des comptes préconisait une hausse des dépenses, le gouvernement a sabré dans le budget de manière drastique. Le 22 mai, des représentants de l'Agence Bio, Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, étaient auditionnés par la commission d'enquête sénatoriale sur les agences d’État. Deux jours avant l'audition, le ministère de l'Agriculture a annoncé une baisse de 15 millions d'euros du budget de l'Agence. Dans le détail, le fonds Avenir bio a perdu 10 millions d'euros, passant de 18 millions en 2024 à 8,6 millions en 2025. Le budget communication, 5 millions d'euros. « C'est une baisse significative de 64%. Cela signifie un désengagement de l’Etat sur le bio », regrette Jean Verdier, président de l'agence Bio qui avoue son « incompréhension totale ». En effet, décrit-il, l'Agence constitue le « bras armé » de l’État pour sa politique de déploiement de l'agriculture bio. L'entité réalise les études indispensables à appréhender la réalité du terrain et fonder la décision publique, accompagne et finance la structuration de la filière, assure sa promotion. « Nous sommes en train de parler de grandes transitions agricoles et alimentaires, dont le bio est le fer de lance. Toute transition nécessite d'être accompagnée par une politique publique », rappelle Jean Verdier, soulignant les impacts positifs du bio sur le plan environnemental, de la santé publique et de la souveraineté alimentaire. Or, la France est loin d'avoir atteint les objectifs qu'elle s'était fixée. Elle n'a pas atteint ceux de loi EGAlim, qui prévoyait 20% de produits biologiques dans la restauration collective. Et ceux de la stratégie bas carbone qui vise 21% de la SAU, surface agricole utilisée, en bio en 2030 semblent hors d'atteinte. En 2023, le bio ne représente que 10,4% de la SAU. Pis, depuis 2022, ce chiffre a légèrement baissé. Et la consommation de bio a diminué, victime de l'inflation de ces dernières années.



Pas de légumes bio pour les cantines

Devant les sénateurs, les représentants de l'Agence ont déroulé les différentes conséquences de la baisse drastique du budget. Concernant le Fond Avenir Bio, « une fois payés les projets que nous avons engagés en toute fin d'année dernière, il nous restera 3 millions d’euros à distribuer alors même que les dossiers affluent. Plus de 28 entrepreneurs qui nous ont déposé des dossiers sont en attente. (…) Très concrètement, nous allons prendre notre téléphone et nous allons, par exemple, appeler Delphine Vandermeersch qui est à la tête de l'entreprise Les Petites l'Ouches à Bernay [Eure] et qui s'apprêtait à construire une légumerie pour pouvoir fournir les cantines des mairies de Normandie », pointe Laure Verdeau, directrice de l'Agence Bio, qui alerte sur un effet de bord de la baisse des budgets : les projets soutenus par l'Agence obtiennent en général d'autres financements complémentaires, avec un effet multiplicateur de trois environ. En raison de mécanismes voisins, Laure Verdeau redoute une baisse accrue des ressources de l'Agence. Le financement de certains projets - par l'Union Européenne, par exemple - est conditionné à un co-financement que l'Agence n'est plus certaine de pouvoir assurer.

Autre conséquence encore de la baisse des budgets : une réduction drastique des ambitions de la campagne de promotion du bio (à la télévision « C'est bio la France »), qui a débuté le 22 mai. Elle était planifiée sur trois ans, mais ne se tiendra finalement que cette année. Or, « il est important de parler aux consommateurs.(...) A chaque fois que nous avons développé des campagnes avec les fonds que nous a alloués le ministère, nous avons eu un effet sur les ventes et sur la compréhension et la confiance dans le bio », explique Laure Verdeau. Par exemple, « la première fois, nous avons eu une dotation de 500 000 euros, nous sommes allés chercher 1,2 million de financements d'interprofession. Nous avons eu un effet immédiat sur les ventes de 5% de chiffre d'affaires en plus là où la campagne était déployée », argumente la directrice de l'Agence.

Autre action encore de l'Agence qui risque de pâtir de la baisse de ses budgets : la sensibilisation et l'information des acteurs de la commande publique en matière de restauration collective, dont les collectives locales. « On sait que les cantines qui mettent 60%, 70%, 80%, même 100% de bio peuvent le faire à un budget équivalent. Mais cela demande un accompagnement, ça demande un savoir-faire, notamment des formations. Actuellement, le manuel du CAP Cuisine, ne mentionne même pas le mot bio », pointe Laure Verdeau. Pour faire passer le message, parmi les actions de l'Agence, « il est vital d'être présents au Salon des Maires. Cette participation est compromise », explique la directrice