Logement

L'immobilier neuf s'enfonce dans la crise

Ce premier trimestre 2025, les ventes de logements neufs aux investisseurs particuliers ont chuté de 41%, avec l'extinction du dispositif fiscal Pinel. Mais c'est la totalité du marché qui est en train de sombrer, alerte la FPI, Fédération des Promoteurs Immobiliers.

(c) Adobe stock
(c) Adobe stock

Un faible espoir, vite balayé. Le 15 mai, lors d'une conférence de presse en ligne, la FPI, Fédération des Promoteurs Immobiliers, présentait les résultats du premier trimestre (T1) 2025 de la profession. Avec un constat général très sombre. « Les trimestres se suivent, se ressemblent, empirent », commente Pascal Boulanger, président de la FPI. « En début d'année, certains adhérents ont signalé un début de frémissement des ventes. Il a été stoppé net par deux faits : la posture guerrière du président de la République qui a fait peur aux Français et la posture erratique du président des Etats-Unis, Donald Trump. (…) La confiance a disparu au profit de l'angoisse », ajoute Didier Bellier-Ganière, délégué général de la FPI. Cet état d'esprit s'est concrétisé dans la baisse de l'investissement des ménages (consacré aux achats de logements neufs) qui a diminué de 0,3% ce premier trimestre. « Pourtant les établissements bancaires ont une vraie volonté de prêter car ils ont un besoin vital d'accorder des crédits immobiliers. Mais rien ne se passe », constate Didier Bellier-Ganière.

Du côté de l'offre, la situation n'est guère meilleure. Le nombre d'autorisations de construire a certes connu une « petite remontée » pour les logements dans leur ensemble, passant de 80 645 au T1 2024 à 84 600 au T1 2025, soit une hausse de 4,9%. Mais le niveau reste extrêmement bas, souligne la FPI. Entre 2015 et 2018, le volume trimestriel d'autorisations tournait autour de 113 000. La tendance est la même pour les autorisations de construction de logements collectifs. Leur nombre est passé de 40 455 au T1 2024 à 42 000 au T1 2025 (contre une moyenne de 59 600 entre 2015 et 2018). On assiste à un « assèchement continu de l'offre neuve collective », commente Didier Bellier-Ganière. Durant la période du précédent mandat municipal (entre 2014 et 2020) la moyenne annuelle d'autorisations s'élevait à 19 335. Depuis les élections de 2020, elle est passée à 16 426. Et dans les derniers douze mois, à 13 987.

Des promoteurs jettent l'éponge

Inscrite dans ce contexte morose, l'activité de la profession suit la tendance. Les mises en vente ont baissé de 16,5% au 1er trimestre 2025, par rapport à la même période de 2024 ( 12 339 contre 14 773). Cela poursuit la baisse initiée depuis 2019. Pour Didier Bellier-Ganière, les mauvaises performances de 2025 tiennent au faible nombre d'autorisations de construire, mais aussi à « un phénomène nouveau qui s'est installé depuis deux ans, le retrait d'opérations ». Depuis 2022, il a fortement augmenté pour atteindre 26%, alors qu'un taux « technique » normal, tournerait autour de 5%. En clair, « le promoteur préfère jeter l'éponge car il n'obtient pas le niveau de commercialisation nécessaire », commente Pascal Boulanger.

Logiquement, les ventes subissent la même tendance baissière. Au T1 2025, elles ont atteint 19 621 contre 21 879 au T1 2024 , soit une baisse de 10,3%. Dans le détail, les ventes n'ont pas suivi la même évolution selon qu'elles s'adressent aux particuliers ou en bloc. Cette dernière catégorie a subi une très forte baisse (- 18,2%), conséquence de la fin des plans de rachat de CDC Habitat et Action logement. Les ventes sont passées de 7 088 au T1 2024 à 5 801 au T1 2025 . Les ventes aux particuliers, elles, ont subi une baisse de 5,6% à 12 920 ce premier trimestre (contre 13 691 au T1 2024). Mais au sein de cette catégorie, les ventes aux investisseurs et aux propriétaires occupants ont connu des évolutions inverses. Celles aux propriétaires occupants ont augmenté de 9,8% ( 10 477 vs 9 537 au T1 2024). « Il y a un effet PTZ [ prêt à taux zéro] et les Français ont besoin de se loger, mais cela reste très bas », analyse Didier Bellier-Ganière. Côté ventes aux investisseurs, c'est une véritable dégringolade : le marché a chuté de 41,1%, passant de

4 154 au T1 2024 à 2 448 ces trois premiers mois de 2025, à comparer aux 14 445 de la même période de 2019. L'extinction du dispositif fiscal Pinel est en cause pour la FPI qui dénonce l'aveuglement de Bercy.

Selon la Fédération, la durée de l'écoulement de l'offre commerciale a un peu diminué pour retomber à 17,3 mois. Une bonne nouvelle? L'indicateur doit être interprété avec précaution, met en garde Pascal Boulanger : « Il renseigne sur l'équilibre entre l'offre et la demande. La demande a baissé, et donc, on a mis moins de produits à la vente. Résultat, comme il n'y avait plus grand choix, les acheteurs se sont reportés sur ce qu'il y avait. Un marché équilibré (…) cela peut être aussi qu'il n'y a pas de marché ».

Au final, le seul chiffre à ne pas baisser est celui des prix de vente. Depuis plusieurs années, ils tournent autour de 5 000 euros le m2. Une stabilité qui confirme le caractère « technique » des prix du neuf, dus aux exigences des normes et aux coûts des matériaux, explique Didier Bellier-Ganière. Pour la FPI, il y a là un sujet de politique publique crucial. « C'est le fond du problème », estime Pascal Boulanger pour qui, depuis le début de la présidence d'Emmanuel Macron, les gouvernements se sont trompés dans leur analyse, estimant que le coût du logement neuf en France, jugé trop élevé, serait dû à l'importance des marges des promoteurs immobiliers.

« Il n'y a pas eu de baisse des prix (..) Mais le marché s'est cassé la figure de plus de 50%, donc on a détruit de l'emploi, on a détruit des entreprises et on ne saura pas loger les Français », dénonce le président de la PFI. En 2019, année de référence pour la FPI, le nombre de ventes atteignait 38 744 contre 19 621 aujourd'hui (au T1). Avec les gouvernements de Michel Barnier, puis François Bayrou, la FPI estime être davantage entendue, ce dont témoignent deux mesures (extension du PTZ, donations exemptées d'impôts, dans le cas d'un achat immobilier neuf ) prises dans le budget 2025. Pour la mi-juin, un projet de statut de bailleur privé- très attendu par la FPI- devrait être prêt.

Anne DAUBREE