Banques-Assurances
L’univers bancaire régional entend apporter de la stabilité
Contexte général teinté d’incertitudes, des investissements toujours présents mais le plus souvent différés du fait d’un attentisme ambiant, l’univers bancaire doit composer avec les éléments du moment tout en renforçant son rôle d’accompagnement de l’écosystème entrepreneurial. Le point avec Frédéric Di Scala, directeur SG Grand Est et président depuis le début de l’année du comité régional des banques Grand Est de la Fédération bancaire française.

Dans le climat général actuel
(ralentissement économique, incertitudes géopolitiques)
comment
se positionnent les banques régionales ?
Nous devons faire face à un climat d’incertitudes ! Dans cet environnement très volatile, les banques continuent à financer les projets, à accompagner les chefs d’entreprise et contribuent toujours au développement de l’économie locale. Les banques ont vocation à apporter de la stabilité aux chefs d’entreprise pour qu’ils continuent à poursuivre leur développement. Dans ce climat d’incertitudes plus fort, notamment depuis les annonces de l’administration Trump aux États-Unis, un de nos rôles est d’être encore plus présent pour comprendre et anticiper avec les chefs d’entreprise leurs besoins et leur apporter nos expertises.
Par exemple ?
Si l’on prend le cas de l’environnement international et du commerce mondial, sujet aujourd’hui de nombreuses interrogations. Nous pouvons apporter aux dirigeants notre expertise dans le développement de nouveaux marchés à l’export. Chaque client et chaque business possèdent ses propres caractéristiques. La volonté de diversifier ses marchés est une des voies mais les banques régionales assurent également un accompagnement poussé au niveau de l’innovation ou encore de la transition énergétique.
La
transition énergétique s’affiche comme une des priorités mise en
avant dans l’enquête annuelle de
la Fédération bancaire
française, cette fameuse décarbonation de l’activité économique
se fait-t-elle réellement ressentir ?
C’est une tendance de fond ! Les banques ont intensifié le financement de cette transition écologique en accompagnant l’adaptation au changement climatique de tous les secteurs économiques en déployant des solutions financières pour tous les types de projets. Au niveau national, les encours de crédits verts et durables ont augmenté de plus de 50 % sur un an pour atteindre les 337 Mds€. Ils ont tout simplement quadruplé par rapport à 2020. La transition énergétique est un enjeu très important en matière d’investissement. Nous ne sommes plus dans le simple effet de mode mais réellement dans une tendance générale de décarbonation de l’économie même si beaucoup reste encore à faire. Les banques régionales sont durablement investies dans cette transition.
Quelles sont les autres dossiers phares de la Fédération bancaire française ?
La fédération mène de nombreuses actions autour de la prévention de la fraude au paiement et de l’importance de la cybersécurité. Cela nous intéresse au plus haut point. L’an passé, la Fédération bancaire française a mené une campagne nationale de sensibilisation, aux côtés des autorités publiques. Il nous faut continuer à avoir ce rôle pédagogique.
Depuis l’année dernière, le nombre de défaillances d’entreprises, notamment dans la région, connaît une augmentation importante, comment les banques appréhendent-elles cette donne ?
Après une période de forte accalmie qui était liée à un contexte de reprise après la crise sanitaire de la Covid-19 et un certain nombre de mesures de soutien à l’activité économique, 2024 a enregistré une hausse assez forte des défaillances d’entreprises. Nous sommes, en fait, revenus au niveau d’avant la Covid-19. Des niveaux de défaillances que nous connaissions avant. Les défaillances sont notamment importantes dans le secteur de l’immobilier. C’est un secteur qui souffre encore même s’il y a une légère reprise qui demeure timide. L’automobile, un secteur que nous connaissons bien dans la région, rencontre également des difficultés importantes.
Comment les banques accompagnent-elles ces entreprises en difficulté ?
Mon principal message de banquier auprès de ces chefs d’entreprise est qu’ils ne doivent pas rester seul face aux difficultés. Il faut en parler le plus tôt possible à toutes celles et ceux qui peuvent leur apporter un appui. L’expert-comptable, naturellement, mais également les banques car elles sont partenaires en pareil cas. Plus tôt, nous identifions les problématiques et les difficultés, plus nous avons d’options pour accompagner au mieux l’entreprise. Face à ces situations, le chef d’entreprise pense toujours qu’il peut s’en sortir mais il est indispensable de passer par le soutien d’un tiers de confiance dont les banques font partie. Dans ces cas, la banque est rarement le problème et c’est souvent une partie de la solution.
Dans la conjoncture que l’on connaît, comment se comporte aujourd’hui l’investissement de la part des entreprises ?
Il est toujours présent mais à moindre échelle ! Les encours de crédits aux entreprises progressent toujours même si ce ne sont pas les niveaux que nous avons pu connaître mais ils continuent à être en progression. Il est certain qu’à l’heure actuelle, il y a beaucoup plus d’attentisme de la part de certains chefs d’entreprise. Ils ont tendance à différer leurs investissements ce qui explique, pour l’heure, le ralentissement dans la progression des encours de crédits.
Acteur majeur, notamment en termes d’emplois de l’économie sur les territoires, les banques sont également sujettes au développement de l’intelligence artificielle. L’IA est-elle une menace ou une opportunité pour le secteur ?
L’innovation a toujours été dans l’ADN des banques, elles ont toujours appris à s’emparer du mieux possible de ces différentes évolutions. C’est le cas avec l’Intelligence artificielle. L’IA générative est avant tout pour nous l’opportunité d’améliorer les services que nous apportons à nos clients. Cette amélioration du parcours client passe par une personnalisation accrue des services et l’IA nous y aide.
Et pour vos collaborateurs, est-ce que cela nécessite des compétences supplémentaires ?
Sur des postes très spécifiques oui mais d’une façon générale, les outils d’Intelligence artificielle sont facilement accessibles. Dans nos recrutements, nous recherchons avant tout de l’intelligence humaine pour comprendre les besoins et les spécificités des entrepreneurs. Je ne suis pas du tout inquiet de la concurrence de l’IA sur le métier de nos conseillers. L’IA nous permet d’avoir des conseillers augmentés pouvant ainsi mieux accompagner les clients notamment pour des opérations complexes et surtout leur permettre d’y consacrer du temps.
Les banques en ligne ont connu un fort développement, comment les banques traditionnelles se sont-elles adaptées à cette nouvelle tendance ?
Les banques en ligne se sont installées dans le paysage bancaire et elles répondent à certains usages et aspirations de certains clients. Elles ont notamment un fort taux de pénétration chez les clients particuliers. Ce qui ne remet pas en cause les banques traditionnelles avec leur réseau d’agences. Tout en conservant leur proximité grâce à leur réseau, les banques traditionnelles ont également développé des parcours et des offres pour que les clients soient plus autonomes. Certains usages se sont installés depuis la période de la crise sanitaire et nous avons tous dû utiliser ces outils avec plus d’intensité. La notion de banque phygital (physique et digital) est une réalité et depuis quelques temps.
Dans le contexte général de mondialisation où l’on parle beaucoup de souveraineté européenne, les banques n’échappent pas à cette règle. Les banques françaises aujourd’hui sont-elles assez solides ?
Il n’y a pas de doute sur la solidité des banques françaises. Les dernières publications financières le confirment. Nos banques sont robustes et capables d’accompagner le développement de l’économie d’une manière durable. D’une façon globale, la véritable autonomie européenne ne pourra pas se faire sans une souveraineté financière. L’enjeu est d’établir un cadre réglementaire pour atteindre cette stabilité financière et également assurer la compétitivité du secteur bancaire européen. Dans les ajustements que l’on peut promouvoir il y a celui d’une meilleure mobilisation de l’épargne européenne pour soutenir le financement des entreprises et accroître les capacités d’intervention des banques.