La ferme géante Ynsect d'Amiens-Nord, c'est fini
Le tribunal de commerce d’Évry a prononcé ce lundi 1er décembre la liquidation judiciaire de la société Ynsect à Poulainville. Inaugurée en 2021, celle-ci n'est pas parvenue à lever les fonds supplémentaires nécessaires pour poursuivre son activité.
L'usine de production d'aliments pour animaux à base de larves d'insectes avait déjà été placée en procédure de sauvegarde en septembre 2024, avant qu'un appel à repreneurs ne soit lancé en janvier 2025, puis la mise en situation de redressement judiciaire en mars 2025.
En 2021, l'inauguration de «la ferme géante d'insectes» et ses bâtiments de 35 mètres de haut à Poulainville, sur la zone industrielle nord d'Amiens, avait suscité de grands espoirs. Qualifiée de «plus grande ferme d'insectes au monde», elle avait mobilisé plus de 600 millions d'euros de levée de fonds pour sa création auprès de l’État, des experts de Bpifrance, des collectivités territoriales et d'investisseurs privés. Le projet avait convaincu au plus haut niveau : «Ce consensus large témoignait d'une confiance partagée dans le potentiel du projet», réagissent en commun Xavier Bertrand, le président de la Région Hauts-de-France, Alain Gest, président d'Amiens Métropole, Hubert de Jenlis, maire d'Amiens, et Claude Vitry, maire de Poulainville.
Accompagner les salariés
L'usine ayant compté jusqu'à 120 salariés, licenciés par vagues successives depuis un an, ces mêmes élus expriment «leur profonde solidarité envers ces femmes et ces hommes, engagés dans ce projet parfois depuis plusieurs années, et dont l’avenir professionnel doit désormais être protégé». Ils précisent toutefois qu'ils accompagneront toujours «le développement d’entreprises proposant des innovations de rupture comme Ynsect. Soutenir l’émergence d’un tel projet, y compris financièrement, c’était accepter de prendre un risque, motivé par l’espoir d’un progrès à la fois économique, technologique et écologique».
Comment expliquent-ils alors cet échec ? Ils avancent plusieurs facteurs : «Une difficulté persistante à stabiliser le process industriel, un marché moins mature que prévu, ainsi qu'un contexte de forte concurrence internationale, avec des protéines animales traditionnelles moins vertueuses sur le plan environnemental, mais aussi moins coûteuses, conduisant à une véritable contraction des prix». Xavier Bertrand, Alain Gest, Hubert de Jenlis et Claude Vitry affichent maintenant leurs priorités : «Accompagner la reconversion des salariés dans les meilleurs délais, en lien avec France Travail et les partenaires sociaux, veiller à ce que la sous-traitance locale soit le moins impactée possible par le désengagement d’Ynsect, et appeler la Caisse des Dépôts et Consignations, propriétaire de la future friche via la SCI constituée avec Ynsect, à étudier rapidement les conditions de mutabilité et de réindustrialisation du site». Dans le même temps, ils appellent les services de l’État et le gouvernement à apporter leur soutien à ces démarches.
Le potentiel économique amiénois intact
Les collectivités territoriales ne veulent surtout pas voir la faillite d'Ynsect comme prédestinée. Malgré cet échec, elles restent profondément convaincues du potentiel économique et industriel de l’Amiénois : «Depuis 10 ans, 4 000 emplois ont été créés ou consolidés et de nombreux projets industriels s’y sont épanouis». Elles citent en exemple Igol en 2015, Amazon en 2017, Valéo en 2020, Goodyear en 2022, Avril en 2024, ou encore Unither et la Manufacture abbevilloise en 2025. D’autres sont très prometteurs, comme le projet de gigafactory de Tiamat à Boves.