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La santé des patrons vacille : 82 % souffrent de maux physiques ou psychologiques
La Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur et Bpifrance Le Lab viennent de publier leur baromètre annuel sur la santé des dirigeants de TPE, PME et ETI. L’enquête révèle une nette dégradation de leur état physique et psychologique. Pour la première fois depuis la crise sanitaire, l’alerte est claire : les patrons vont mal.

La grande majorité des dirigeants interrogés dans le cadre de l’enquête* continuent à se dire « en bonne santé » (85 %), mais dans les faits, 82 % déclarent souffrir d’au moins un trouble physique ou psychologique. Un chiffre en forte hausse : +11 points par rapport à 2024 et +23 points depuis 2021. Les douleurs les plus fréquentes ? Le mal de dos (52 %), les troubles du sommeil (48 %) et les troubles anxieux (48 %), mais également les migraines, les douleurs articulaires et les troubles digestifs. Cette santé en berne concerne les dirigeants de tous les secteurs d’activité. Parmi les plus touchés, l’agriculture (91 %) et la santé/social (88 %), suivis par l’hôtellerie-restauration. À l’inverse, les dirigeants de l’industrie et du secteur public semblent un peu mieux protégés.
Un dirigeant sur trois en souffrance psychologique
Autre signal d’alerte majeur : la baisse de moral, dans un contexte économique dégradé. Si entre 2021 et 2024, 76 à 80 % des dirigeants estimaient avoir une bonne santé mentale, ce taux tombe à 68 % en 2025. Un dirigeant sur trois se déclare en mauvaise forme psychologique. Le niveau de détention du capital joue un rôle : 37 % des dirigeants 100 % actionnaires disent aller mal, contre 22 % des non-actionnaires. L’ancienneté de l’entreprise est aussi un facteur : seuls 17 % des jeunes dirigeants (moins de trois ans) avancent une mauvaise santé mentale, contre 35 % pour ceux à la tête d’une structure depuis 15 à 20 ans.
Un suivi médical largement négligé
Alors que la santé vacille, les dirigeants continuent de négliger leur suivi médical. Un tiers d’entre eux a renoncé à une consultation en 2025, principalement par manque de temps (68 %) ou pour se consacrer à leur activité (34 %). Plus préoccupant encore : 11 % ne voient jamais de médecin. Dans l’hôtellerie-restauration, ce chiffre grimpe même à 18 % et à 16% dans l’industrie.
Addictions et consommations à risque
Cette édition du baromètre aborde un sujet rarement exploré : les consommations d’alcool, de tabac, de stupéfiants et médicaments. Un dirigeant sur quatre reconnaît avoir souffert ou souffrir d’une addiction, mais seule une minorité (40 %) a demandé de l’aide. Les chiffres révèlent une consommation régulière d’alcool (52 % au moins une fois par mois, dont 7 % tous les jours). En revanche, les dirigeants fument un peu moins que la moyenne nationale (21 % contre 23 %), consomment très peu de drogues (2 % contre 3,4 %) et sont nettement moins nombreux à prendre des médicaments contre l’anxiété ou la dépression (5 % contre 21 % chez les Français).
Des pratiques banalisées
Les raisons invoquées pour consommer sont d’abord la détente (42 %), le plaisir (40 %) ou l’habitude (49 %). Seuls 8 % évoquent la recherche de performance. Pourtant, 23 % des dirigeants présentent une consommation dite « à risque » : alcool en excès, usage quotidien de tabac, consommation mensuelle de drogues ou de médicaments. Mais rares sont ceux à percevoir un impact négatif sur leur travail : seulement 8 % évoquent une baisse de productivité ou une fatigue chronique. À l’inverse, certains estiment que cela peut même améliorer leurs relations avec les clients ou les collaborateurs. Une forme de « déni », dénoncent les auteurs de l’étude.
Des signaux à ne pas ignorer
Pour Élise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab, ce baromètre est un électrochoc. « La santé des dirigeants est le premier actif hors bilan de l’entreprise, rappelle-t-elle. Or, elle se dégrade nettement, notamment chez les dirigeants propriétaires, qui portent seuls les risques économiques. » Un point positif cependant : les créateurs d’entreprise semblent mieux armés mentalement. « Entreprendre reste un facteur de vitalité, commente-t-elle. C’est un signal d’espoir à cultiver. » Sylvie Bonello, déléguée générale de la Fondation MMA, appelle de son côté à une vigilance collective : « Les dirigeants font preuve d’une résilience remarquable, mais nous devons prendre soin d’eux. Il faut briser les tabous et intégrer ces données à nos politiques de prévention. »
* Enquête réalisée par l’institut Occurrence auprès de 1 515 chefs d’entreprise, entre avril et mai 2025