Le management de transition, la réponse à un besoin urgent pour des enjeux stratégiques

Olivier Barbry est à la tête du bureau lillois de Delville Management, l’acteur numéro 2 pure player du management de transition en France. Cette activité bien spécifique vise à impliquer sans délai et temporairement dans une entreprise des cadres ultra spécialisés en l'absence d'un dirigeant ou pour gérer des projets complexes, entre autres. Interview.

Olivier Barbry, directeur du bureau lillois de Delville Management. © Lena Heleta
Olivier Barbry, directeur du bureau lillois de Delville Management. © Lena Heleta

Qu'est-ce que le management de transition ?

OB. Notre métier est d'être des urgentistes des ressources humaines. Quand nous sommes appelés par des clients, il faut une solution humaine rapidement activable. Nous pouvons être contactés pour deux types de de missions : le management-relais, qui consiste à remplacer au pied levé un collaborateur clé, un cadre ou un dirigeant, par exemple en cas d’arrêts maladie, de départ rapide, ou lorsque le recrutement via un cabinet de chasse prend plus de temps que prévu. Le management relais représente 50% de nos missions. L'autre moitié des missions consiste à impliquer des cadres dirigeants pour gérer des projets complexes. Nous sommes toujours sur des sujets stratégiques pour l'entreprise. Pour exemple, il peut s’agir d’accompagner le client dans le cadre d’un rachat ou développement d'une activité complémentaire, la mise en place d'un PSE, la restructuration du pool bancaire et de la dette de l'entreprise, la construction d'une usine, la mise en place d'un ERP, etc. Ce sont des missions auxquelles il est souvent essentiel de répondre rapidement en proposant des profils extrêmement experts sur les enjeux à traiter.

Quand le management de transition est-il né ?

Le management de transition est né sous l'appellation Interim Management dans les années 2000, surtout aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. En France, le premier acteur doit dater de 2000-2005. Delville a été créé par Patrick Abadie en 2010 avec un premier bureau à Paris, puis Lyon, puis Lille, Nantes, Lyon, Toulouse et Strasbourg. Aujourd’hui, nous sommes également présents à l'international avec deux bureaux hors France; Milan et Munich.

Quelle est la durée moyenne de la mission ?

La durée de la mission est en moyenne d'environ neuf mois. Nous adressons des profils plutôt cadres dirigeants pour la plupart, membres de comité de direction, ce que l'on appelle le top management. Nous travaillons pour toutes tailles d’entreprises, PME, ETI et grands groupes de la région, tous secteurs confondus. Nos missions portent sur des postes de directeurs généraux, directeurs financiers, DRH et tout autre poste de dirigeant du type supply chain, logistique, direction industrielle, IT, digital etc. Nous sommes également sollicités pour des profils très experts.

Vous disposez donc d'un vivier de managers que vous proposez au client ?

Chez Delville, nous avons un réseau de 15 000 managers de transition au plan national, dont 1700 à Lille. Lorsque nous sommes missionnés par le client, nous prenons le temps de comprendre le plus finement possible le cahier des charges, tout autant l’expertise attendue, que les soft skills, en l’occurrence, quel type de profil est recherché par l’entreprise par rapport à son ADN et sa culture. Ce point est essentiel, surtout s’agissant d’entreprises nordistes.

Quel est leur profil ?

C'est l'expérience qui prime. Ils ont en général une cinquantaine d'années, même si on commence à impliquer des quadras. Les cadres veulent être de plus en plus libres et aiment à relever des challenges. Certains veulent davantage de liberté d'expression, gérer successivement des projets au lieu d'être dans une aventure dans la durée. Ils ont une posture particulière et beaucoup d’agilité. Comme je le dis souvent, quand notre manager arrive, il a la matinée pour serrer des mains, l'après-midi pour écrire sa feuille de route, et le lendemain matin, il commence à exécuter ! Il faut un background solide, et une vraie expertise sur laquelle s’appuyer pour mener sa mission. Souvent, ce sont d’ailleurs des personnes qui ont à leur actif trois ou quatre expériences dans des entreprises différentes.

L'image du management de transition a beaucoup changé. Auparavant, on le voyait comme un outil essentiellement utilisé pour faire de la restructuration, du cost-killing…

C'est en effet mineur dans nos missions. À Lille nous avons deux managers impliqués en ce moment sur des problématiques de restructuration sur un total de 36 managers de transition en mission dans les Hauts-de-France. Nous sommes souvent sur des sujets de transformation, mais ça n'est pas forcément de la restructuration.

Quelle est la valeur ajoutée de Delville Management ?

Nous sommes des pure players du management de transition; c'est-à-dire que nous avons fait le choix délibéré de n’être que sur le sujet du management de transition. Nous jouons la carte de la proximité, en ayant des bureaux en régions pour être au plus près de nos clients et de nos managers de transition, mais aussi pour mieux comprendre l'ADN de nos entreprises clientes et être en adéquation avec elles. Dans la région, nous sommes quatre et avons tous travaillé dans des sociétés de la région, soit dans le monde industriel, soit dans des métiers de service, ou encore dans le retail et nous avons donc une compréhension de la culture de chacune de nos entreprises clientes. Nous avons également des process qui sont extrêmement exigeants qui nous confèrent une dimension premium. Nous nous appuyons au quotidien sur les 50 autres collaborateurs du réseau Delville, parmi lesquels une dizaine d’experts en sourcing. Enfin, nous accompagnons nos managers tout au long de leur mission. Je dis toujours 'mon téléphone est ouvert sept jours sur sept' et nous faisons un point avec les managers a minima une fois par semaine et un point tripartite avec le client et le manager de transition une fois par mois. Au démarrage de la mission, nous formalisons un cadrage de mission et tout au long de celle-ci, nous nous assurons que la feuille de route est respectée et le manager au rendez-vous.

40% des entreprises n'ont pas entendu parler du management de transition, mais 90% de celles qui y ont fait appel en sont satisfaites, selon une récente étude*...

Les premières années, j'ai en effet passé beaucoup de temps à évangéliser ! Mais quand ils ont compris que c'était une solution activable rapidement avec un expert, ils ont testé. Il y a un vrai retour sur investissement. Dans ce métier, tout est basé sur la confiance. Les clients font appel à nous pour notre expertise et notre notoriété et se confient beaucoup sur des sujets confidentiels, et cela crée de vrais liens.

Vous évoquez les grands groupes, mais ce service peut-il également être pertinent et accessible pour les PME ?

Absolument. Et même les startups ! J'ai travaillé avec l'une d'entre elles, spécialisée dans la viande végétale. Ils avaient lancé l'activité sans souhaiter composer immédiatement leur comité de direction mais avaient cinq projets à mener dans l'urgence : en finance pour documenter un dossier de levée de fonds, en direction commerciale pour écrire la stratégie commerciale et marketing, en ingénierie, en direction d'usine et en RH. Nos spécialistes étaient là pour un temps limité, mais pour mettre en place des sujets ultra stratégiques. Une fois que la mission s'est arrêtée, ils ont embauché. Je ne saurai que conseiller le management de transition à toutes les entreprises. C'est obtenir une expertise en trois jours ! Il y a aussi un système de pré-embauche : un de nos managers sur cinq est embauché en CDI dans la société dans laquelle il a a effectué sa mission. C'est comme une période de fiançailles…

*Étude OpinionWay pour le groupe Les Échos/Le Parisien, 2025.