Le pèlerinage traditionaliste de Chartres fait le plein
"On est contents d'être visibles": depuis l'église Saint-Sulpice, à Paris, des milliers de personnes ont débuté samedi leur marche vers Chartres pour le grand pèlerinage traditionaliste qui attire un record de 19.000 catholiques...

"On est contents d'être visibles": depuis l'église Saint-Sulpice, à Paris, des milliers de personnes ont débuté samedi leur marche vers Chartres pour le grand pèlerinage traditionaliste qui attire un record de 19.000 catholiques cette année, malgré certaines tensions avec l'épiscopat.
Dès six heures du matin, les pèlerins se pressent, sac au dos et chaussures de marche aux pieds, prêts à affronter trois jours et 100 kilomètres de marche. Il y a là, entre les bannières et les croix brandies pour délimiter les "chapitres", des scouts, des familles, des groupes en short et polaire, avec une moyenne d'âge de 24 ans selon les organisateurs.
"C'est super, cela donne aussi un élan à la jeunesse catholique", affirme à l'AFP Solenn Duchelas, 18 ans, qui transporte dans son sac chapelet, K-way, gourde et nourriture - car "il faut tenir, c'est surtout le premier jour qui est difficile, avec 40 kilomètres".
Certains reviennent chaque année.
"C'est un moment de ressourcement, d'action de grâce pour l'année écoulée, de dépassement de soi aussi, (...) ça fait du bien de mettre un peu le confort de notre vie quotidienne de côté", explique Clotilde, 38 ans.
Parmi les 1.700 pèlerins étrangers, Chris, New-Yorkais de 38 ans, entame son quatrième "pélé de Chartres" et juge "important d'affirmer publiquement le soutien à notre foi, et à son expression traditionnelle".
327 messes et 36.500 hosties, 1.200 bénévoles, 10 hectares de bivouac chaque soir... Avec ce pèlerinage pour lequel les inscriptions ont été closes en cinq jours, "on est contents d'être visibles", affirme Sabine Hadot, 57 ans.
Messe en latin
Comment expliquer ce succès ? Pour Philippe Darantière, président de l'association organisatrice Notre-Dame de Chrétienté, les participants viennent trouver "ce que le monde ne leur offre plus", avec "une foi exprimée d'une façon claire, sans compromis".
La messe en latin est ainsi de rigueur. La première, à Saint-Sulpice, est retransmise sur un écran pour les fidèles priant à genoux sur le macadam.
"Le latin amène un côté plus sacré", affirme Victor, 23 ans. "Tout le monde comprend, c'est universel", ajoute sa voisine Alice, 21 ans.
François-Xavier, 26 ans, estime toutefois que "ce n'est pas le cœur du pèlerinage", vu comme "tradi, alors qu'aujourd'hui ce n'est plus très représentatif".
Certains, ainsi, sont inscrits pour la première fois.
"C'est notre première messe en latin, on va découvrir tout ça avec mon grand frère!" se réjouit Foulques de Gastines, 22 ans.
Alexis Bernard, 24 ans, est lui revenu à la religion "il y a quelques années" seulement: "c'est mon premier pèlerinage, j'ai hâte!"
Cet engouement n'a pas échappé à l'Eglise de France.
"C'est l'une des expressions, mais pas la seule, du catholicisme d'adhésion que nous voyons grandir face à l'effacement du catholicisme sociologique", affirme Matthieu Rougé, évêque du diocèse de Nanterre que les pèlerins traverseront brièvement.
Tensions
D'autres rappellent un contexte plus large, marqué par une hausse des baptêmes de jeunes. "Le pèlerinage du Frat a attiré 13.500 lycéens d'Ile-de-France à Lourdes en avril", affirme un bon connaisseur de l'Eglise.
Mais des tensions demeurent. Pour le président de l'épiscopat français Eric de Moulins-Beaufort, le succès du pèlerinage de Chartres est "en partie" fondé sur une "ambiguïté", car beaucoup de participants "sont en quête d'une ambiance, d'un moment d'exception".
Les organisateurs, eux, "se durcissent" dans "une compréhension de la Tradition qui finit par être fausse", affirmait-il au Pèlerin en mars.
La 43e édition du pèlerinage a ainsi connu des tiraillements autour du rite ancien de la messe.
Une lettre de Rome répercutée aux évêques de France l'a rappelé début mai: une organisation peut mettre sur pied "un pèlerinage, mais n'a aucune autorité en ce qui regarde la liturgie".
Tout en autorisant l'ancien rite sur le pèlerinage, l'évêque de Chartres Philippe Christory a demandé que les prêtres qui le souhaitent puissent célébrer selon le rite actuel dans leurs messes privées.
"Personne n'est obligé de venir" mais "il est demandé à ceux qui le font d'accepter nos spécificités", réplique Philippe Darantière qui prévient: "il n'est pas question qu'on fasse évoluer" les statuts de l'association.
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