Le président du Relais lance une alerte sur la filière recyclage
Emmanuel Pilloy, président directeur général du Relais Nord Est Ile-de-France et président du Relais France, seul opérateur français à maitrîser toute la chaine de la valorisation textile, est venu visiter le site de L’Étoile dans la Somme. Il entend se faire entendre de l’éco-organisme qui épaule les opérateurs de tri. Collectes voire emplois pourraient être menacés.

Comment fonctionne le Relais ?
Fondé en 1984 à Bruay-la-Bussière dans le Pas-de-Calais, le Relais est un groupement d’entreprises à but socio-économique. Collecte, tri, réemploi, revente, recyclage… Nous sommes le seul opérateur français à maitriser toute la chaîne de la valorisation textile. Nous comptons une trentaine de sites et 25 000 conteneurs. Nous employons 2 000 salariés en France dont 40% en parcours d’insertion pour une durée maximum de deux ans. Nous sommes satisfaits car 50% des personnes en insertion trouvent un travail en CDD en CDI, entament une formation… Avec 120 000 tonnes collectées par an, nous avons développé une véritable filière et nous nous hissons au rang de leader. 15 à 20% vont rester chez vous. Les collectes connaissent une hausse de près de 10% depuis début 2025 car avec la crise, des acteurs de la filière disparaissent.
Quelle crise la filière connaît-elle ?
Sur chaque vêtement neuf vendu, une éco-contribution de 3,1 centimes est versée à Refashion un éco-organisme. Il reverse environ 156 euros par tonne de vêtements collectés et triés aux opérateurs que nous sommes. Cela représente 0,8 centime par article vendu alors que le besoin est de 1,6 centime car nous confions le traitement les matières synthétiques de plus en plus nombreuses dans la composition des vêtements à des opérateurs extérieurs. Les charges et les coûts ont augmenté. Par ailleurs, les prix de vente de certaines matières ont baissé fortement. Il faudrait donc que ce soutien soit presque doublé pour poursuivre notre mission de créer de l’emploi. Le besoin de la filière en France est à hauteur de 287 euros par tonne collectée et triée. Certains pays européens viennent de décider de financer jusque 410 euros la tonne collectée et triée.
Quelles sont les conséquences pour le Relais ?
Nous attendons des réponses rapides d’autant que Refashion affiche des disponibilités financières de plus de 127 millions d’euros. On ne demande juste que 25 millions. Si le soutien financier n’est pas revu à la hausse, nous devrons supprimer des collectes, ce qui risque de déboucher sur des dépôts sauvages, voire des suppressions d’emplois sur nos sites… C’est une situation d’autant plus inadmissible que le gouvernement affiche un objectif national de 440 000 tonnes par an collectées et triées à l’horizon 2028. Autant dire que c’est demain. L’an dernier, 300 000 tonnes ont été collectées, dont 40% par nous. 190 000 tonnes ont été triées en France et en Europe, dont 50% par le Relais en France à travers 17 centres de tri. Aujourd’hui, nous puisons dans nos réserves et cela ne pourra pas durer. Je le dis haut et fort, Refashion asphyxie la filière existante au lieu de l’aider dans son développement et d’assurer sa pérennité. Nous en appelons à Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

La hausse des ventes de vêtements profite-t-elle aux activités du Relais ?
Sur l’année 2024, 3,5 milliards de vêtements ont été vendus. Ce qui rentre, à un moment, il faut que cela sorte. Les gens achètent de plus en plus tout en étant sensibilisés à l’écologie, au gaspillage… Ils jettent moins. Quand ils nous font un don, ils savent que leurs vêtements vont avoir une seconde vie. Nous n’avons rien contre les plateformes de seconde main. Cela reste de main en main, dans le circuit. La qualité des vêtements est en baisse depuis 2007. La fast fashion n’est pour le moment pas un risque pour nous. Elle n’est pas la seule à utiliser des matières synthétiques compliquées à valoriser. On doit payer jusque 100 euros la tonne pour s’en séparer ! Il est certain que si nous n’avions pas de vêtements en bon état, on ne vivrait pas. 58% des dons partent vers le réemploi : 52% vers l’export dont les Relais africains. Là aussi, les coûts de transport ont explosé. 6% sont revendus dans les 80 boutiques Ding Fring.
Combien comptez-vous de boutiques en Picardie ?
Nous possédons environ 1 000 conteneurs et deux centres de tri. Celui de Soissons emploie 180 personnes et trie 7 500 tonnes de vêtements par an. Une partie est dispatchée sur les boutiques Ding Fring de Soissons, Château-Thierry, de Jaux et de Nogent-sur-Oise, qui occupent une quinzaine de salariés. Le site de L’Étoile, ouvert depuis 2005, où nous nous trouvons se développe sur 7500 m². Sa visite impressionne toujours. Ses effectifs sont de 120 personnes. Les trois tapis vont lui permettre d’atteindre en fin d’année une capacité de tri de 9 000 tonnes. Une partie des vêtements sont à retrouver dans les boutiques Ding Fring de Doullens, Albert, Amiens et Abbeville. Pour des raisons de sécurité, nous avons dû fermer celle de L’Etoile. Elle ne rouvrira pas. Là aussi les boutiques sont tenues par une quinzaine de personnes. Les magasins fonctionnent bien. La clientèle est en augmentation. Les gens regardent les prix et la qualité. Elles sont fréquentées par des jeunes et toutes les catégories sociales. La seconde main, c’est une philosophie qui touche tout le monde.

Et le reste de vos activités ?
Quand les vêtements sont trop usagés, comme les jeans, les matières premières peuvent entrer dans la fabrication d’un isolant baptisé Métisse et fabriqué dans un site du Relais dans le Pas-de-Calais. Cela représente 27,5 % notre activité. D’autres sont découpées en chiffons d’essuyage qui sont revendus ensuite à des entreprises. 9% sont utilisés comme combustibles solides de récupération par des entreprises industrielles. Là, les tarifs se maintiennent.
Que répondez-vous aux critiques évoquant des montagnes de vêtements qui polluent des pays africains ?
Nous avons des Relais au Burkina Faso, au Sénégal et à Madagascar qui emploient près de 1 000 personnes. Triés en France, les vêtements sont expédiés en ballots de 500 kg. Sur place, ils sont re-triés pour constituer de plus petits ballots de 45 kg qui seront ensuite achetés par des personnes qui vendront sur les marchés. Les vêtements que nous expédions répondent aux besoins des populations. Le problème qui doit interpeller, c’est celui des déchets au sens large. Ces pays-là ne trient pas, n’ont pas mis en en place de collecte. Nous avons 70 personnes à Madagascar qui s’en chargent. Je peux vous assurer que les textiles ne représentent que 2% des déchets. Le plus gros, ce sont les déchets organiques.