Congrès des maires de l'Oise
Les maires de l'Oise, inquiets pour l'avenir
Cette année, le thème du congrès de l’Union des maires de l’Oise (UMO), qui se tiendra le 18 octobre à Beauvais, est centré sur les finances locales. Un sujet récurrent qui ne cesse d’impacter le fonctionnement des communes, mais qui se répercute, in fine, sur de nombreux thèmes de la vie quotidienne des élus. De ce sujet, Alain Vasselle, maire depuis 51 ans et président du l’UMO, en tire des réflexions globales sur le fonctionnement de l’État et met en garde sur l’avenir des communes, notamment rurales. Interview.

Pourquoi avoir choisi le thème des finances locales ?
Alain Vaselle : Depuis quelques années, les collectivités sont mises à mal au niveau des dotations de l’État, puisque la DGF a été diminuée d’année en année. Le gouvernement prétend qu’elle se stabilise ou qu’elle progresse mais d’une manière très inégale d’une collectivité à une autre et la grande majorité d’entre elles connaît une diminution, notamment les collectivités rurales. La principale difficulté liée à ces finances c’est le manque de dynamisme des compensations de l’État comparé à la dynamique des dépenses et des charges auxquelles les collectivités sont soumises, notamment par l’évolution de la réglementation. Cela oblige les communes à faire des choix. Ce n’est pas un bon calcul de l’État car 70% des investissements publics viennent des collectivités locales, cequi impacte l’économie générale.
C'est un cercle vicieux ?
Oui. Par exemple, pour les communes qui sont compensées de la taxe d’habitation par le versement de la taxe foncière que percevaient les départements aux collectivités. Si le produit de cette taxe foncière est supérieur à la perte de recette venant de la taxe d’habitation, le delta qui existe entre les deux est reversé à l’État, ce qui est un scandale. Et l’État s’en sert pour alimenter un fonds de péréquation pour compenser les communes qui n’ont pas la compensation intégrale de la perte de la taxe d’habitation. C’est-à-dire que ce sont les petites communes qui paient de la fiscalité au bénéfice de villes qui n’arrivent pas à avoir la compensation intégrale. Et je le dénonce depuis quelque temps, c’est aussi un scandale.
Quel est l’impact de ce gouvernement changeant ?
L’impact est réel. Comment voulez-vous que l’on équilibre un budget en ne sachant pas à quelle sauce nous allons être traités. Et cela est le résultat d’une très mauvaise gestion des finances publiques de l’État au niveau national de tous les gouvernements successifs. Même si Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ont été confrontés à des difficultés d’ordre internationale pour le premier, et le covid pour le second. Il faut aussi regarder de plus près, comme le signale la Cour des comptes, la situation des finances de la Sécurité sociale. Aujourd’hui, la Sécurité sociale supporte des dépenses à caractère social qui devrait être supportées par le budget de l’État. Même si au bout du compte, cela à l’air de ne pas changer grand chose, mais cela permettrait d’éviter quand même que l’on montre du doigt le dérapage des finances de la Sécurité sociale, notamment de la branche maladie, dont elle n’est pas la cause à l’origine. Car l’État a abusé pendant longtemps de certaines recettes qui auraient dû être fléchées en direction de la Sécurité sociale, comme la taxe sur le tabac par exemple. C’est un système dans lequel on ne s’y retrouve plus.
Finalement ce sont les communes qui compensent ?
Au bout du compte, ce sont toujours les communes qui sont le dindon de la farce. Ceci étant, les collectivités ont certainement une part de responsabilité. Mais cette responsabilité n’est que la conséquence de décisions qui ont été prises en 1982 avec le vote des lois de décentralisation. Ainsi, les dépenses que supportaient les départements et les régions ont été transférées aux communes et aux intercommunalités. Et puis, quand les intercommunalités sans fiscalité propre ont été créées,
les dépenses des communes ont été transférées aux intercommunalités. Mais au lieu d'aboutir à une rationalisation de la fiscalité entre les deux, il y a eu une addition de fiscalité. Donc, les communes ont perdu des compétences mais elles ont maintenu, pour un grand nombre d’entre elles, le même niveau de fiscalité. De nombreux projets ont vu le jour grâce aux intercommunalités, mais il faut tout de même les payer. Finalement, l’addition de tout cela explique aussi le niveau des prélèvements qui existent au niveau national.
Les intercommunalités n’effaceront-elles pas les communes ?
Aujourd’hui, les maires ont perdu beaucoup la main sur leur commune, ce qui explique que certains conseillers municipaux ne sont plus très motivés pour continuer à exercer leur mandat car finalement, tout est décidé par l’intercommunalité. Finalement, on se demande sur le devenir des communes. Mon sentiment personnel est que ce serait une erreur magistrale que de faire disparaître les commues au profit des internationalités. Car cela veut dire que l’on va éloigner, une fois de plus, le niveau de proximité entre les habitants et les communes pour ce qui concerne la gestions des services et des équipements. D’ailleurs, la proximité, c’était l’esprit des lois de la décentralisation mais actuellement, nous sommes en train de vivre un mouvement de reconcentration, de remontée vers les niveaux les plus élevés de l’exercice des compétences. C’est une erreur. Et aujourd’hui, les intercommunalités sont trois fois plus grandes, de fait les conseillers sont devenus éloignés des habitants.
Et pourquoi y-a-t-il un mouvement inverse ?
Parce que nous avons au niveau
national, qui pour des raisons que je ne m’explique pas, des
dirigeants qui veulent décider de tout. Et nous avons une majorité
des parlementaires à l’Assemblée nationale, et la plupart des
députés, qui sont hors sol et qui n’ont jamais exercé un mandat
local. Ils sortent de l’ENA, ils ont une tête
bien faite mais ils n’ont aucune connaissance de la réalité du
terrain. Et il y a aussi l’influence des partis politiques qui
perturbent les actions, pour des questions purement idéologiques. Le
pays va très très mal et je suis très inquiet de l’avenir du
pays.
Finalement, quelles sont les conséquences ?
Les conséquences se voient sur la démotivation des élus et des conseillers municipaux, les démissions des maires et sur l’agressivité des habitants envers les maires. Le département de l’Oise est le quatrième département qui enregistre le plus grand nombre de démissions de maires en cours de mandat. Finalement, il y a une accumulation et il n’y a pas de stabilité... et l’instabilité, il n’y a rien de pire.