Les notaires en congrès : 15 propositions pour que le droit de la famille évolue
Dans le cadre du 121e congrès des notaires de France, qui se tiendra du 24 au 26 septembre à Montpellier, la profession a choisi d’étudier les évolutions législatives souhaitables pour simplifier et adapter le droit de la famille aux réalités actuelles.

Nous sommes des « notaires bâtisseurs », a déclaré Jean Gasté, notaire à Nantes et président du 121e congrès de la profession lors de la présentation à la presse des propositions et du rapport intitulé « Famille & créativité notariale : accompagner les tribus d’aujourd’hui ». Depuis les années 1960, la profession a ainsi formulé « plus de 1 500 propositions d’évolutions législatives », qui « ont donné lieu à plus de 200 textes », a-t-il rappelé, avant la présentation des propositions émises cette année par les trois commissions (composées de notaires bénévoles) en charge de la préparation du congrès.
La naissance de la famille
La première commission a travaillé sur les différentes étapes de la construction d’une famille. En termes de régime matrimonial, elle préconise de « dynamiser le régime de la communauté » en offrant la possibilité aux époux d’opter pour une « communauté restreinte », par le biais d’une convention permettant d’exclure certains éléments de leur patrimoine, et notamment leurs biens professionnels ou les fruits et revenus de leurs biens propres.
Pour réduire les contentieux liés au logement de la famille lors d’un divorce entre époux séparés de biens, elle propose d’intégrer dans le Code civil un alinéa prévoyant que « sauf clause contraire, toutes les dépenses ayant une affectation familiale et qui sont financées par l’un des époux à l’aide de ses gains et salaires, économisés ou non, sont présumés participer de son obligation de contribuer aux charges du mariage. »
Autre proposition : permettre aux parents de désigner, par anticipation, un tuteur pour un enfant mineur en cas d’empêchement, notamment lorsque le parent est vivant, mais hors d’état de manifester sa volonté. Cette disposition vise « à combler un vide » juridique, dans la mesure où « les dispositifs existants ne concernent que les majeurs », a précisé Stéphane David, notaire à Meudon (Hauts-de-Seine), et rapporteur général du congrès.
La vie de la famille
La deuxième commission a étudié plusieurs facettes de la vie de la famille. Elle préconise tout d’abord de simplifier la procédure de changement de régime matrimonial en supprimant le droit d’opposition des enfants et des tiers (créanciers), dont les intérêts sont protégés par d’autres dispositions du Code civil. Elle propose également de mieux définir les prérogatives de l’usufruitier et du nu-propriétaire sur les droits sociaux, en intégrant un corps de règles dans le Code civil, car ces questions sont la source d’un important contentieux, tant sur le plan juridique que fiscal.
Pour moderniser la liquidation du régime de la participation aux acquêts – « un régime peu prisé car considéré comme trop complexe », a souligné le rapporteur –, la commission suggère d’apporter des ajustements à deux règles qui perturbent la liquidation de la créance de participation : la première concerne la date de valorisation des biens originaires et finaux, et la seconde, la prescription de l’action en liquidation de la créance de participation.
Pour faciliter les financements des opérations immobilières familiales, qui « mêlent souvent partage et acquisition », elle propose de moderniser l’hypothèque légale du prêteur de deniers, en lui conférant la capacité de financer indifféremment les opérations de vente et de partage – et éviter ainsi que les banques ne sollicitent une hypothèque conventionnelle dès qu’une difficulté de qualification juridique apparaît.
Enfin, la commission préconise de modifier les règles de la procédure de partage judiciaire, sources de blocages et de crises familiales, lorsque le couple n’est pas parvenu à un règlement amiable de ses intérêts patrimoniaux, et de difficultés pour le notaire commis pour établir l’état liquidatif. Les différentes propositions concernent la mission du professionnel qualifié, l’obligation de loyauté dans la preuve et le statut du notaire commis. Cette question délicate fait déjà l’objet de travaux au sein d’un groupe de réflexion mis en place par la Chancellerie.
Le décès au sein de la famille
La troisième commission s’est attachée à répondre à différentes difficultés rencontrées lors d’un décès au sein de la famille. Première proposition : supprimer la réserve héréditaire du conjoint survivant, qui tend à freiner les mariages et remariages et à fragiliser la réserve des descendants. La commission rappelle que ce devoir de secours post mortem peut être assuré plus efficacement par le recours alimentaire de l’article 767 du Code civil, en sus de la protection issue de la liquidation du régime matrimonial, et de la réversion de retraite.
Une autre préconisation concerne les droits de retour permettant, lorsqu’une personne décède sans descendant, de récupérer les biens qui lui avaient été donnés de son vivant. Il est proposé de supprimer les droits de retour des père et mère (et de créer en contrepartie une créance alimentaire) et ceux des frères et sœurs, qui suscitent de nombreuses difficultés d’interprétation et d’application. Et pour éviter que les transmissions anticipées ne deviennent sources de difficultés lors du règlement de la succession, la commission suggère de créer un pacte de famille de gel des valeurs (qui existe en matière de donation-partage) pour les donations ordinaires.
Pour éviter qu’une entreprise se retrouve sans dirigeant en cas de décès de ce dernier, il est proposé de sécuriser la pratique dite de la « dévolution de gérance » en lui donnant un fondement légal, afin que les associés puissent désigner, dans les statuts initiaux ou dans une décision ultérieure, un représentant légal appelé à succéder au dirigeant. La commission propose également de consacrer, dans les sociétés civiles, le droit pour les héritiers en attente d’agrément de percevoir les dividendes distribués entre le décès et la date à laquelle il est statué sur leur agrément.
Pour une déclaration de « beau-parent »
Une dernière proposition concerne la reconnaissance juridique du statut du beau-parent – « un serpent de mer », a relevé le rapporteur. Il est proposé de prévoir une déclaration de beau-parent entre l’enfant et le conjoint marié ou le partenaire pacsé « pour leur permettre de prendre leur place », en « respectant les droits des parents biologiques ». Effectuée par acte notarié, facultative, elle produirait des effets distincts selon que l’enfant est majeur ou mineur au moment de la déclaration. « Nous sommes extrêmement fiers de cette proposition», a indiqué Stéphane David.
L’ensemble de ces propositions seront soumises à débat et au vote lors du congrès des notaires de France du 24 au 26 septembre prochains, à Montpellier. Celles qui seront adoptées seront transmises aux pouvoirs publics. Le thème du congrès annuel 2026 de la profession sera « le notaire et l’impôt ».
Nous sommes des « notaires bâtisseurs », a déclaré Jean Gasté, notaire à Nantes et président du 121e congrès de la profession lors de la présentation à la presse des propositions et du rapport intitulé « Famille & créativité notariale : accompagner les tribus d’aujourd’hui ». Depuis les années 1960, la profession a ainsi formulé « plus de 1 500 propositions d’évolutions législatives », qui « ont donné lieu à plus de 200 textes », a-t-il rappelé, avant la présentation des propositions émises cette année par les trois commissions (composées de notaires bénévoles) en charge de la préparation du congrès.
La naissance de la famille
La première commission a travaillé sur les différentes étapes de la construction d’une famille. En termes de régime matrimonial, elle préconise de « dynamiser le régime de la communauté » en offrant la possibilité aux époux d’opter pour une « communauté restreinte », par le biais d’une convention permettant d’exclure certains éléments de leur patrimoine, et notamment leurs biens professionnels ou les fruits et revenus de leurs biens propres.
Pour réduire les contentieux liés au logement de la famille lors d’un divorce entre époux séparés de biens, elle propose d’intégrer dans le Code civil un alinéa prévoyant que « sauf clause contraire, toutes les dépenses ayant une affectation familiale et qui sont financées par l’un des époux à l’aide de ses gains et salaires, économisés ou non, sont présumés participer de son obligation de contribuer aux charges du mariage. »
Autre proposition : permettre aux parents de désigner, par anticipation, un tuteur pour un enfant mineur en cas d’empêchement, notamment lorsque le parent est vivant, mais hors d’état de manifester sa volonté. Cette disposition vise « à combler un vide » juridique, dans la mesure où « les dispositifs existants ne concernent que les majeurs », a précisé Stéphane David, notaire à Meudon (Hauts-de-Seine), et rapporteur général du congrès.
La vie de la famille
La deuxième commission a étudié plusieurs facettes de la vie de la famille. Elle préconise tout d’abord de simplifier la procédure de changement de régime matrimonial en supprimant le droit d’opposition des enfants et des tiers (créanciers), dont les intérêts sont protégés par d’autres dispositions du Code civil. Elle propose également de mieux définir les prérogatives de l’usufruitier et du nu-propriétaire sur les droits sociaux, en intégrant un corps de règles dans le Code civil, car ces questions sont la source d’un important contentieux, tant sur le plan juridique que fiscal.
Pour moderniser la liquidation du régime de la participation aux acquêts – « un régime peu prisé car considéré comme trop complexe », a souligné le rapporteur –, la commission suggère d’apporter des ajustements à deux règles qui perturbent la liquidation de la créance de participation : la première concerne la date de valorisation des biens originaires et finaux, et la seconde, la prescription de l’action en liquidation de la créance de participation.
Pour faciliter les financements des opérations immobilières familiales, qui « mêlent souvent partage et acquisition », elle propose de moderniser l’hypothèque légale du prêteur de deniers, en lui conférant la capacité de financer indifféremment les opérations de vente et de partage – et éviter ainsi que les banques ne sollicitent une hypothèque conventionnelle dès qu’une difficulté de qualification juridique apparaît.
Enfin, la commission préconise de modifier les règles de la procédure de partage judiciaire, sources de blocages et de crises familiales, lorsque le couple n’est pas parvenu à un règlement amiable de ses intérêts patrimoniaux, et de difficultés pour le notaire commis pour établir l’état liquidatif. Les différentes propositions concernent la mission du professionnel qualifié, l’obligation de loyauté dans la preuve et le statut du notaire commis. Cette question délicate fait déjà l’objet de travaux au sein d’un groupe de réflexion mis en place par la Chancellerie.
Le décès au sein de la famille
La troisième commission s’est attachée à répondre à différentes difficultés rencontrées lors d’un décès au sein de la famille. Première proposition : supprimer la réserve héréditaire du conjoint survivant, qui tend à freiner les mariages et remariages et à fragiliser la réserve des descendants. La commission rappelle que ce devoir de secours post mortem peut être assuré plus efficacement par le recours alimentaire de l’article 767 du Code civil, en sus de la protection issue de la liquidation du régime matrimonial, et de la réversion de retraite.
Une autre préconisation concerne les droits de retour permettant, lorsqu’une personne décède sans descendant, de récupérer les biens qui lui avaient été donnés de son vivant. Il est proposé de supprimer les droits de retour des père et mère (et de créer en contrepartie une créance alimentaire) et ceux des frères et sœurs, qui suscitent de nombreuses difficultés d’interprétation et d’application. Et pour éviter que les transmissions anticipées ne deviennent sources de difficultés lors du règlement de la succession, la commission suggère de créer un pacte de famille de gel des valeurs (qui existe en matière de donation-partage) pour les donations ordinaires.
Pour éviter qu’une entreprise se retrouve sans dirigeant en cas de décès de ce dernier, il est proposé de sécuriser la pratique dite de la « dévolution de gérance » en lui donnant un fondement légal, afin que les associés puissent désigner, dans les statuts initiaux ou dans une décision ultérieure, un représentant légal appelé à succéder au dirigeant. La commission propose également de consacrer, dans les sociétés civiles, le droit pour les héritiers en attente d’agrément de percevoir les dividendes distribués entre le décès et la date à laquelle il est statué sur leur agrément.
Pour une déclaration de « beau-parent »
Une dernière proposition concerne la reconnaissance juridique du statut du beau-parent – « un serpent de mer », a relevé le rapporteur. Il est proposé de prévoir une déclaration de beau-parent entre l’enfant et le conjoint marié ou le partenaire pacsé « pour leur permettre de prendre leur place », en « respectant les droits des parents biologiques ». Effectuée par acte notarié, facultative, elle produirait des effets distincts selon que l’enfant est majeur ou mineur au moment de la déclaration. « Nous sommes extrêmement fiers de cette proposition», a indiqué Stéphane David.
L’ensemble de ces propositions seront soumises à débat et au vote lors du congrès des notaires de France du 24 au 26 septembre prochains, à Montpellier. Celles qui seront adoptées seront transmises aux pouvoirs publics. Le thème du congrès annuel 2026 de la profession sera « le notaire et l’impôt ».