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Les PME françaises hésitent à franchir le pas de l'IA

Sur le salon VivaTech, à Paris, les start-up de l'IA comme Skinmed, qui facilite la détection des cancers de la peau, concentrent toutes les attentions. Mais dans l'ensemble, les PME françaises peinent à franchir ce pas technologique, d'après une étude de Bpifrance Le Lab. La société Alfi Technologies, pionnière, témoigne de son parcours.

(c) adobestock
(c) adobestock

Un euphémisme ? « L'IA dans les PME et ETI françaises, une révolution tranquille ». Ainsi s'intitule l'étude que Bpifrance Le Lab, laboratoire d'études de la banque publique d'investissement, a rendue publique le 4 juin. Les réponses des dirigeants de PME et ETI interrogés témoignent du fait que «la prise de conscience des enjeux de IA pour l'entreprise est faite », pointe Élise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab. En 2017, 85% des dirigeants estimaient que le digital n'était pas stratégique. En 2025, 58% d'entre eux pensent que l'intelligence artificielle constitue un enjeu de survie pour leur entreprise à échéance 3-5 ans. Mais pour le reste, la révolution reste à faire. « Une partie importante de ces dirigeants n'a pas encore d'idée précise sur ce qu'ils peuvent faire de ces outils », poursuit Élise Tissier. 57% d'entre eux n'ont pas de stratégie en matière d'IA. Et ils sont aussi peu nombreux à s'en servir. Un tiers des dirigeants utilisent l'IA générative (dont 18% seulement en test) et 16% l'IA non générative (dont 11% en test). A expliquer cet important décalage entre une perception assez répandue de l'importance de l'IA et son adoption, « les motifs sont multiples et tous d'importance similaire », explique Élise Tissier. Les freins : le coût de ces technologies et des interrogations sur leur rentabilité, le manque de moyens. Mais aussi, les possibles « mauvais usages » de l'IA. « C'est une bonne nouvelle », commente la directrice rappelant qu'aux USA, le directeur de la sécurité de JP Morgan, banque d'affaires, alertait sur les brèches de sécurité que des entreprises ouvraient dans leurs systèmes d'information avec ces « mauvais usages »...

Dans leur étude, les analystes de Bpifrance le Lab ont également dressé quatre profils types de dirigeants d'entreprise en fonction de leur rapport à l'IA. Par ordre décroissant d'appétence pour la technologie : les innovateurs, les expérimentateurs, les bloqués et les septiques (27% du total) . Ces derniers « ne veulent pas, quasiment par idéologie, car il estiment que cela va réduire l'emploi ou pour des peurs diffuses », décrit Élise Tissier. Les femmes, les personnes peu formées et les dirigeants d'entreprises de moins de 20 salariés sont sur-représentés dans cette première catégorie. Les bloqués (26% de l'échantillon) sont conscients des enjeux, désireux d'adopter ces technologies, mais ils rencontrent des freins (manque de compétences, de formation, isolement... ). Les expérimentateurs (28%) encouragent les usages de l'IA dans leur entreprise, mais ne la déploient pas à grande échelle par manque de moyens ou de compétences. Et enfin, les « innovateurs » (19%) à la tête d'entreprises très digitalisées, personnellement compétents, intègrent l'IA au cœur de leur société, l'implémentent dans leurs processus et forment leurs salariés.

« Il faut travailler en écosystème »

Sans conteste, Yann Jaubert, président d'Alfi Technologies, (200 salariés) a sa place parmi les « innovateurs ». Lors de la présentation de l'étude, il est venu témoigner de la manière dont il a intégré l'IA dans la société qu'il a reprise il y a 15 ans, aujourd'hui spécialisée dans la conception et réalisation de lignes de production industrielles, solutions de stockage automatisées et solutions logicielles afférentes (maintenance prédictive des équipements, solutions de formation en réalité virtuelle....). « Lorsque j'ai repris l'entreprise, c'était un moment de turbulence. Beaucoup d'industriels, qui sont mes clients, disaient qu'il fallait fabriquer les machines en Asie. J'avais une conviction un peu différente. Pour moi, l'enjeu n'était pas de fabriquer des machines moins cher. L'enjeu, c'était de faire en sorte que mes clients disposent de meilleures machines, plus connectées pour gagner en compétitivité. J'ai donc pris le parti inverse et j'ai continué à fabriquer mes machines en France », explique Yann Jaubert. A l'époque, l'industriel imagine de fournir des services à ses clients à distance, ce qui implique de connecter les machines. Dans les années 2010, l'augmentation des débits d'Internet associés à une diminution du coût de la bande passante permet à Alfi Technologies, de développer ses projets. « Le premier sujet, cela a été l'Iot [l'internet des objets]. Ce sont des capteurs et des canaux pour remonter les données de ces capteurs vers des unités de stockage ou d'analyse », explique Yann Jaubert. Dans ce cadre, « l'utilisation de l'IA a émergé de manière assez naturelle. Au moment où ces technologies ont été disponibles, nous nous sommes dit que c'était évident, que ces technologies allaient nous aider à apporter une plus-value à nos clients. Nous les avons adoptées assez rapidement et de manière peut-être plus précoce parce que nous étions vraiment sensibilisés à ces sujets », poursuit-il. Les équipes d'ingénieurs de la société conçoivent des algorithmes d'IA prédictive. Par exemple, tel comportement de la machine induit une panne probable quelques heures plus tard. Dans un deuxième temps, ils intégreront l'IA générative dans leurs modèles. « Cela met l'expertise qui était jusque là réservée aux ingénieurs à portée des opérateurs », résume Yann Jaubert. Par exemple, l'opérateur chargé d'une machine qui s'interroge sur un possible dysfonctionnement de celle-ci dicte la question à son smartphone. L'IA va chercher dans le corpus des données ( les notices de la machine), puis reformule la réponse en langage naturel à l'adresse de l'opérateur.


Une trajectoire d'entreprise intimidante ? « Il faut travailler en écosystème. In fine, nous sommes une petite entreprise, de 200 personnes. Ce qui a fait notre capacité, c'est de travailler dans des écosystèmes, avec des entreprises proches de chez nous, qui ont le même ADN », invite Yann Jaubert.