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Les tensions Chine-Japon font tanguer la Bourse de Tokyo, l'impact économique inquiète

Compagnies aériennes, cosmétiques, grands magasins... Les groupes liés au tourisme ont plongé lundi à la Bourse de Tokyo, après que la Chine a recommandé à ses ressortissants d'éviter de voyager au Japon, en pleine passe d'armes au sujet de Taïwan...

Des touristes prennent des photos avec le mont Fuji couvert de nuages en arrière-plan depuis le parc Oishi, dans la ville de Fujikawaguchiko, au Japon, le 18 octobre 2025 © Philip FONG
Des touristes prennent des photos avec le mont Fuji couvert de nuages en arrière-plan depuis le parc Oishi, dans la ville de Fujikawaguchiko, au Japon, le 18 octobre 2025 © Philip FONG

Compagnies aériennes, cosmétiques, grands magasins... Les groupes liés au tourisme ont plongé lundi à la Bourse de Tokyo, après que la Chine a recommandé à ses ressortissants d'éviter de voyager au Japon, en pleine passe d'armes au sujet de Taïwan, au risque de fragiliser ce secteur-clé de l'économie nippone.

A l'origine du regain de tensions: la nouvelle Première ministre japonaise Sanae Takaichi a déclaré le 7 novembre que si "une situation d'urgence" à Taïwan impliquait "le déploiement de navires de guerre et le recours à la force, cela pourrait constituer une menace pour la survie du Japon".

Des propos largement interprétés comme l'indication qu'une attaque contre Taïwan - île dont Pékin revendique la souveraineté - pourrait justifier un soutien militaire de Tokyo à Taipei. Taïwan n'est qu'à 100 km de l'île japonaise la plus proche.

Alors que la crise entre Pékin et Tokyo n'a depuis cessé de s'envenimer, la diplomatie chinoise a recommandé vendredi à ses ressortissants "d'éviter de se rendre au Japon dans un avenir proche", en raison de "risques importants" pour leur sécurité.

De quoi alarmer le secteur du tourisme au Japon: à l'heure où l'archipel enregistre des arrivées record de touristes, la Chine est sa première source de visiteurs étrangers, suivie par la Corée du Sud et Taïwan.

Sur les neuf premiers mois de 2025, l'archipel a accueilli 7,5 millions de visiteurs chinois, selon des chiffres officiels nippons, soit une envolée de 42% sur un an... et un quart du total des touristes étrangers. Attirés par un yen faible, ils ont dépensé l'équivalent de 3,28 milliards d'euros au troisième trimestre.

A la Bourse de Tokyo lundi, le fabricant de cosmétiques Shiseido a dévissé de 9,07%. Parmi les grands magasins prisés des touristes, Mitsukoshi a lâché 11,30%, Takashimaya 6,17%, et Pan Pacific (enseignes Don Quijote) a perdu jusqu'à 9,7% en séance.

Les compagnies aériennes Japan Airlines JAL et ANA ont abandonné environ 3,5%, bien que JAL ait assuré à l'AFP n'avoir pas constaté pour l'heure d'annulations conséquentes sur ses vols.

Annulations sans frais

Le Japon était l'an dernier la quatrième destination favorite des voyageurs de Chine continentale. Et en 2024, plus de 100.000 étudiants chinois étaient inscrits dans des établissements d'enseignement au Japon, selon le gouvernement nippon.

A la suite de l'annonce de Pékin, les principales compagnies aériennes chinoises (Air China, China Southern et China Eastern) ont proposé samedi à leur clientèle le remboursement intégral de leurs vols pour le Japon.

Leurs actions ont cédé un peu de terrain lundi à la Bourse de Hong Kong, tandis que la plateforme chinoise de réservations touristiques Trip.com y chutait de 4,25%.

"Cette dernière annonce (...) est incompatible avec l'orientation générale convenue par nos dirigeants sur la promotion d'une relation mutuellement avantageuse", a réagi lundi le secrétaire général du gouvernement nippon Minoru Kihara.

Selon les médias nippons, le plus haut responsable du ministère japonais des Affaires étrangères chargé des affaires Asie-Pacifique, Masaaki Kanai, est arrivé lundi à Pékin, où il doit s'entretenir avec son homologue chinois, Liu Jinsong.

Risque économique

Dans un message sur X, supprimé depuis, le consul général de Chine à Osaka, Xue Jian, avait menacé de "couper cette sale tête sans la moindre hésitation" en évoquant le discours de Mme Takaichi. 

Dans la foulée, Tokyo et Pékin avaient convoqué la semaine dernière leurs ambassadeurs respectifs.

Autre signe d'intensification des tensions: selon M. Kihara, des navires des garde-côtes chinois ont passé dimanche plusieurs heures dans les eaux territoriales japonaises autour des îles Senkaku, archipel administré par Tokyo mais revendiqué par Pékin sous le nom d'îles Diaoyu.

À Pékin, Daniel Feng, un informaticien interrogé par l'AFP, juge les réactions du gouvernement chinois de "très mesurées" compte tenu des propos "extrêmement déraisonnables" de Sanae Takaichi.

"Si elle se contente de parler, ce n'est pas un problème… Mais s'ils passent à l'action, l'armée de notre pays les vaincra indubitablement", a déclaré le quadragénaire.

Ces tensions avec Pékin interviennent sur fond de conjoncture économique fragile pour le Japon, qui a vu son PIB se contracter de 0,4% au troisième trimestre. 

Pour Marcel Thieliant, analyste de Capital Economics, la crise risque de dégénérer en un conflit commercial de grande ampleur, comparable à celui qu'ont connu les deux pays au début des années 2010. 

"Le principal risque réside dans des restrictions imposées par la Chine sur ses exportations de terres rares ou sur les exportations japonaises", a-t-il déclaré, jugeant par ailleurs "particulièrement vulnérables" les constructeurs automobiles nippons, pour qui le marché chinois reste crucial.

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