Territoires
Logement des travailleurs saisonniers : les recommandations de la Cour des comptes pour améliorer la situation
Un récent rapport de la Cour des comptes dresse un état des lieux alarmant de l’insuffisance de l’offre de logements pour les travailleurs saisonniers en France. Il pointe l’absence de pilotage et le manque de suivi des actions menées sur ce terrain. Et émet plusieurs recommandations, sur lesquelles le gouvernement s’appuiera pour son nouveau plan « saisonniers 2026-2028 », acté par le Comité interministériel du tourisme en juillet.

Le manque de solution d’hébergement pour les travailleurs saisonniers constitue « un frein au recrutement » et « un handicap majeur pour le développement des activités touristiques ou agricoles ». Tel est le constat que dresse la Cour des comptes à l’issue de son enquête sur logement des travailleurs saisonniers en France, qui a fait l’objet d’un rapport publié au début de l’été.
Un phénomène difficile à mesurer précisément
Première difficulté à laquelle se sont retrouvé confrontés les magistrats financiers : l’absence de définition officielle du statut de « travailleur saisonnier » qui « conduit à des situations hétérogènes qui ne permettent pas de les décompter de manière fiable ». Faute de statistique vraiment consolidée, les juridictions financières estiment à 400 000 le nombre des saisonniers qui ont besoin d’un logement à proximité de leur lieu de travail. Cette difficulté à mesurer précisément ces besoins en hébergement tient également à un autre phénomène : cette demande évolue car « la saisonnalité des activités change, les saisons d’hiver sont plus courtes, les saisons d’été s’allongent et l’inter-saison est confortée ».
Pas de véritable politique publique pour soutenir les secteurs concernés
Deuxième constat : sans solution d’hébergement sur place, le recrutement des travailleurs saisonniers non sédentaires est beaucoup plus difficile. Or, si cette question est « clairement identifiée » par les pouvoirs publics, elle est « insuffisamment » prise en compte pour soutenir les secteurs confrontés à cette difficulté - le tourisme et l’agriculture, en premier lieu.
Surtout, « les divers leviers utilisés pour favoriser les solutions d’hébergement des travailleurs saisonniers sont souvent inopérants, car ils ne répondent pas aux besoins spécifiques de ces derniers », relève la Cour. C’est le cas, notamment, du plan national visant à améliorer l’emploi des travailleurs saisonniers lancé en 2023, afin d’améliorer l’attractivité de ces métiers : ce dernier « s’intéresse peu à leur hébergement et est mal connu ou peu pris en compte dans les territoires ». La loi de Finances pour 2024 a créé, à titre expérimental, une disposition de dégrèvement fiscal pour les propriétaires particuliers proposant des logements aux saisonniers, mais « elle est encore mal connue et peu utilisée ».
Au titre de leurs compétences en matière de tourisme ou de mobilité, des régions tentent de promouvoir certaines solutions « sans qu’il s’agisse d’une politique déterminée », et sans véritable pilotage. Et lorsque l’intermédiation entre la demande (les saisonniers) et l’offre (les bailleurs potentiels) est gérée par plusieurs acteurs (les collectivités locales, France Travail, Action Logement, la maison des saisonniers…), son efficacité « est limitée par le décalage important entre une demande forte et une offre très insuffisante ».
Les collectivités locales et les employeurs en première ligne
Faute de soutien public, les employeurs de travailleurs saisonniers et les collectivités locales concernées ont tendance à « se renvoyer mutuellement la responsabilité de trouver des solutions ». D’un côté, les collectivités estiment que c’est aux employeurs qu’il revient de trouver des solutions d’hébergement, et de l’autre, les employeurs et les organisations syndicales refusent que le logement soit obligatoirement associé au contrat de travail.
Sur le terrain, les collectivités territoriales et leurs établissements publics qui souhaitent produire des logements pour les saisonniers manquent « d’opportunité foncière » en zones tendues, sont confrontés à « des contraintes environnementales et urbanistiques » et à « la contraction des budgets locaux ». Sauf exception, les internats et les résidences universitaires sont « peu adaptés » à l’hébergement des saisonniers, et les places disponibles dans les résidences sociales ou les foyers de jeunes travailleurs « ne sont jamais prioritairement attribuées aux travailleurs saisonniers ».
Des initiatives locales intéressantes à développer
Pour mener leur enquête, les magistrats financiers se sont appuyés sur des travaux des chambres régionales des comptes d’Auvergne Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nouvelle Aquitaine, ainsi que sur des entretiens conduits sur tout le territoire. Au-delà du constat général, ce travail leur a également permis d’identifier des initiatives locales qu’ils jugent intéressantes à développer.
Ainsi, certaines collectivités n’hésitent pas « à soutenir les particuliers qui accueillent des saisonniers sur plusieurs saisons, considérant que cet accueil est plus efficace, et moins onéreux que la construction des logements spécialement destinés aux saisonniers ». Et du côté des employeurs qui s’efforcent de trouver des logements pour leurs propres travailleurs saisonniers, certains ont conçu des solutions d’habitat « léger » provisoire, implantées sur des campings ou des zones aménagées pour une période transitoire, dans certaines communes du littoral.
Mobiliser davantage et mieux coordonner les différents leviers d’action
La Cour des comptes émet plusieurs recommandations pour améliorer rapidement la situation. Elle préconise tout d’abord d’introduire, d’ici 2026, une sous-fonction destinée à l’hébergement des travailleurs saisonniers dans les nomenclatures budgétaires et comptables fonctionnelles du bloc communal, et de finaliser, cette année, l’évaluation de la mise en œuvre des conventions relatives à leur logement, afin de formuler les orientations à suivre par les préfets de département. Elle juge également nécessaire de renforcer la solvabilité financière des travailleurs saisonniers avec, outre le système de caution publique (Visale), une garantie effective de l’accès aux aides au logement. Surtout, elle juge indispensable de clarifier la gouvernance et la coordination de l’action publique et privée et, notamment, d’inclure le logement des travailleurs saisonniers dans la compétence « habitat » des communes, d’activer la capacité de pilotage de l’État et de promouvoir certaines actions de coopération entre les employeurs et les territoires concernés, ou le réseau des maisons des saisonniers, par exemple.