RH

Marque employeur vs réalité sociale : le grand écart de l’inclusion

Si 75 % des salariés estiment aujourd’hui travailler dans une entreprise inclusive, le dernier baromètre OpinionWay Les Français et l’inclusion»* pour le groupe de protection sociale et patrimoniale en France Apicil révèle un écart significatif entre les attentes des Français et les politiques d’inclusion réellement mises en œuvre. Les dirigeants RH ont un rôle clé à jouer pour combler ce fossé. Parmi les 25 critères de discrimination interdits par la loi, l’apparence physique et vestimentaire fait l’objet d’un focus particulier dans ce baromètre.

Les Français placent en tête le maintien dans l’emploi des seniors (27%) et la sensibilisation de l’ensemble des salariés (26%). (c) Adobe stock
Les Français placent en tête le maintien dans l’emploi des seniors (27%) et la sensibilisation de l’ensemble des salariés (26%). (c) Adobe stock

Pour 96% des Français, les discriminations restent une réalité bien ancrée, notamment celles liées à l’origine, au handicap ou à l’apparence physique. Cette perception s’applique également au monde de l’entreprise : plus d’un salarié sur deux estime que l’apparence physique influe sur les recrutements, les opportunités professionnelles, voire les augmentations salariales. Et près de 25 % des actifs déclarent avoir été témoins de discriminations liées à la tenue vestimentaire ou au physique, voire en avoir été eux-mêmes victimes. Poids, style vestimentaire, couleur ou coupe de cheveux, maquillage jugé trop prononcé, les discriminations liées à l’apparence physique sont souvent sous-estimées en entreprise.

Ce que confirme Philippe Barret, directeur général du groupe Apicil : «dans le monde professionnel, les discriminations liées à l’apparence physique et à la tenue vestimentaire sont souvent ignorées. Or, l’aspect extérieur de chacun joue un rôle déterminant dans le parcours professionnel, influençant le recrutement, l’onboarding et l’évolution de carrière». Ainsi, sept salariés sur dix considèrent que leur entreprise n’agit pas suffisamment sur ce sujet des discriminations liées à l’apparence physique et vestimentaire. Pour Philippe Barret, «les organisations doivent donc s’emparer de ce sujet et sensibiliser leurs collaborateurs. En montrant l’exemple, elles ouvriront la voie à une société plus inclusive».

Des efforts visibles… mais pas toujours suffisants

Pour l’heure, 63% des salariés estiment que leur structure est engagée contre les discriminations. Si ce chiffre est encourageant, il reste inférieur à la légitimité accordée à l’entreprise sur le sujet : 87% des Français considèrent qu’elle a un rôle important à jouer en matière d’inclusion, mais seulement 51% jugent qu’elle agit réellement à la hauteur de cette mission. En outre, seulement 43% des salariés affirment que leur entreprise sensibilise aux préjugés liés à l’apparence physique, pourtant source fréquente de discriminations.

Et moins de la moitié disent se sentir «pleinement eux-mêmes» au travail. «Les discriminations liées à l’apparence physique et vestimentaire sont bien présentes dans les entreprises, au point que de nombreux salariés seraient prêts à la modifier pour les éviter», signale Sofiene Chaabani, responsable domaine RH : Inclusion, emplois & carrières au sein du groupe Apicil. Ainsi, 31% des salariés ont déjà adapté leur apparence à la suite d’une remarque dans leur entreprise sur leur apparence ou leur tenue et 57% des Français seraient prêts à réaliser au moins un ajustement physique pour des raisons professionnelles. Les concessions les plus fréquentes ? Un changement du style vestimentaire et la coupe de cheveux. Parmi les attitudes ou apparences jugées non professionnelles, l’attitude corporelle (posture ou gestuelle), pour 52% des Français, les cheveux colorés, les piercings et les tatouages visibles.

Et des leviers de progression

Interrogés sur les actions prioritaires à mener, les Français placent en tête le maintien dans l’emploi des seniors (27 %) et la sensibilisation de l’ensemble des salariés (26%). Viennent ensuite l’anonymisation des CV, le soutien spécifique aux travailleurs handicapés ou encore l’instauration de congés adaptés pour les aidants.

Au-delà d’être un enjeu éthique ou social, l’inclusion est aujourd’hui perçue comme un levier d’engagement, de performance collective et de marque employeur. Devenu un critère de plus en plus décisif pour les candidats avec 51% des actifs qui prennent en compte les politiques inclusives dans le choix de leur employeur, l’inclusion permet aux entreprises de se différencier. Un chiffre qui grimpe à 64 % chez les moins de 35 ans. Pour les entreprises en quête de talents, cela devrait être un signal d’alarme. Car si «tous les acteurs de la société sont appelés à agir contre ces inégalités », souligne Philippe Barret, les jeunes, « qui restent les plus concernés par les questions d’inclusion, perçoivent davantage les discriminations, et réclament un engagement fort de la part des entreprises».

Pour une culture inclusive sincère et incarnée

Enfin, l’étude rappelle que l’engagement ne peut reposer uniquement sur des chartes ou des déclarations de principe. Il doit s’incarner dans les actes, les pratiques de management, les processus RH et l’exemplarité des dirigeants.

La tentation du diversity washing, que dénoncent certaines critiques venues des États-Unis, est bien identifiée : 37% des salariés français disent que l’abandon des politiques DEI (diversité, équité, inclusion) dans certaines entreprises américaines, largement médiatisé, pourrait les faire douter de l’utilité de telles démarches. L’entreprise inclusive de demain ne pourra donc pas faire l’économie d’un travail de fond, à la fois structurel et culturel.

* Étude menée en ligne auprès de 1 043 personnes du 19 au 21 février 2025