Mistral AI, star solitaire ?
Sur le récent salon Viva Tech, à Paris, Mistral AI a annoncé un projet stratégique, en présence d'Emmanuel Macron. Quelques jours auparavant, sa directrice des affaires publiques témoignait de la trajectoire de la jeune entreprise tricolore devant la Délégation aux entreprises du Sénat.

Licorne ou éléphant blanc ? Mistral AI, société valorisée à hauteur de 6 milliards de dollars, appartient bien à la catégorie des licornes (plus d'un milliard de dollars). Mais la start-up qui crée des modèles de langage d'IA générative basée sur une technologie open source fait aussi figure d'éléphant blanc. En Europe, elle est un peu seule de son espèce, alors même que cette technologie questionne la souveraineté des Etats. «Il ne faudrait pas que cette technologie si transformatrice reste dans les mains d'une toute petite poignée d'acteurs, tous situés dans la Silicon valley. L'IA est structurante pour l'avenir de l'Europe. Elle va générer des gains de productivité importants », confirmait Audrey Herblin-Stoop, directrice des affaires publiques de Mistral AI, reçue par la Délégation aux entreprises du Sénat, dans le cadre des rencontres « La parole aux entrepreneurs », le 28 mai. Quinze jours plus tard, le 11 juin, sur le salon technologique VivaTech, à Paris, Arthur Mensch, PDG de Mistral AI, annonçait une nouvelle offre : Mistral Compute, une solution de cloud hébergée en Europe, équipée de puces de Nvidia, leader mondial du secteur. Une infrastructure « souveraine » a souligné Arthur Mensch. « Vous ne voulez pas avoir des entités étrangères qui ont la main sur le bouton permettant de désactiver des infrastructures critiques, notamment dans la défense, dans l’énergie ou dans la sphère publique », a-t-il argué, relaye le quotidien Le Monde du 11 juin.
« Cette industrie évolue à une vitesse folle »
Derrière cette annonce stratégique dont l'importance a été soulignée par la présence du Président de la République, la réalité économique de l'IA en Europe est moins glorieuse. « Cette industrie évolue à une vitesse folle. En matière de création de modèles d'IA, il n'existe que sept ou huit acteurs dont cinq aux USA et un seul en Europe, Mistral AI. Pour favoriser leur développement, il faudrait un écosystème plus dynamique, en particulier sur le plan financier, car ces technologies sont très coûteuses à produire », expliquait Audrey Herblin-Stoop. La comparaison avec les Etats-Unis est sans appel. Mistral AI a levé un milliard de dollars en 18 mois. l'Américain Open IA, lui, a levé plus de 40 milliards de dollars...Mistral AI a été fondé en en 2023 par Arthur Mensch, Timothée Lacroix et Guillaume Lample, ingénieurs français passés par les géants de la tech américaine. Les trois ont conservé le contrôle de l'entreprise qui compte environ 250 salariés, pour l'essentiel basés à Paris.
Parmi les clés du succès qui ont permis à la société de se placer en concurrence directe avec les acteurs majeurs du secteur, figure sa capacité à proposer des modèles personnalisés à leurs clients. Et aussi, « certains clients veulent la garantie que lorsqu'ils intègrent de la data dans leur modèle d'IA, nous n'y accédons pas. Pour des secteurs comme la banque, l'assurance, la santé, ou le service publique, c'est essentiel. Cette caractéristique de notre offre, qui nous différencie de nos concurrents, nous a valu l'intérêt de ces secteurs sensibles ou soumis à une régulation spécifique », ajoute Audrey Herblin-Stoop. La société a également rencontré un immense succès (un million de téléchargements après son lancement, en février dernier) avec son modèle Le Chat (avec une version en partenariat avec l'AFP), conçu pour concurrencer ChatGPT ou DeepSeek sur les smartphones.