«Nous avons l'audace de nos ambitions»
Terre historique textile et brassicole, la ville d'Armentières a su faire de son patrimoine essentiellement composé de friches, un atout incontestable pour reconstruire «la ville sur la ville». Elu fin septembre 2024 suite au départ de Bernard Haesebroeck, Jean-Michel Monpays, son premier adjoint, a pris le fauteuil de maire, fort de son engagement dans la municipalité depuis une vingtaine d'années.

Dans un premier temps, quelques mots sur vous, Jean-Michel Monpays ?
Je suis un armentiérois pure souche !
J'y ai pratiquement fait toute ma carrière professionnelle en tant
qu'instituteur puis directeur d'école maternelle, à Jean Macé. Je suis élu dans
la commune depuis 2001, d'abord comme conseiller adjoint et depuis un
certain nombre d'années, j'étais le premier adjoint de Bernard
Haesebroeck. Pour être honnête, il n'y a donc pas eu de grande
surprise à ce que je devienne le maire d'Armentières, même si
c'est toujours le fruit d'une réflexion !
Comment comptez-vous inscrire votre mandat ?
Autour de trois points : proximité,
simplicité et travail bien fait. En accord avec mon prédécesseur,
j'ai choisi, en tous cas dans un premier temps, de me consacrer à ma
ville de coeur et de ne pas siéger à la MEL (Métropole Européenne
de Lille). Je veux être le plus proche possible des administrés et
des usagers, du plus petit enfant jusqu'au senior. Je n'ai aucun
destin national, je reste fidèle à Armentières et les gens ont
besoin de cette proximité. L'actualité nous le rappelle assez
souvent, il y a une défiance vis-à-vis du monde politique. Le
maire, c'est celui qui s'occupe de l'intérêt et des soucis de ses
armentiérois et armentiéroises. Avec moi, il n'y a pas de grand
discours et si on dit quelque chose, on le fait bien. Je ne promets
pas monts et merveilles.
Armentières compte 26 000 habitants, quelles sont pour vous les caractéristiques de la ville ?
Historiquement Armentières est une
ville industrielle. A l'époque de la construction de la mairie (dans
les années 1920, ndlr), trois industries étaient à la pointe : le
tissage, la brasserie et la filature. On a pu y compter jusqu'à 12
000 emplois ouvriers.
Armentières est une 'ville centre', à
la limite de la frontière belge, à deux pas du Pas-de-Calais et à
seulement 15 km de Lille. Il faut d'ailleurs savoir que la gare
d'Armentières est la seconde après Lille, avec 1,5 million de
passagers par an ! Par contre, et c'est une caractéristique
importante de la ville, nous avons énormément de friches, et la
ville est dense de part son habitat ouvrier. Mais pour autant, c'est
une des villes les plus vertes de la MEL, historiquement avec la base
des Près du Hem qui couvre un cinquième de la superficie de la
ville.
Les quartiers se transforment depuis plusieurs années et d'importants projets sont menés pour construire de nouveaux logements.
Entre 2020 et 2026, on aura construit 1
500 logements : 1 000 en accession et 500 logements locatifs. C'est
énorme. Surtout avec la difficulté d'avoir beaucoup de friches et
donc, de ne pas pouvoir en faire ce que l'on veut. On peut par
exemple citer le projet emblématique sur le site Motte Cordonnier,
une brasserie historique de la ville, qui aujourd'hui, est en pleine
métamorphose. 600 logements ont été construits – les premiers
logements ont été livrés en 2021, ndlr –, entre l'éco-quartier
et la brasserie requalifiée. La première phase de réhabilitation
est terminée, et la seconde va commencer. À la fois, avec une
volonté de préserver le patrimoine.
On peut aussi citer le projet des «Franges industrielles». Pouvez-vous nous en dire plus ?
C'est
un site au Sud-Est de la ville, niché entre Armentières et
Houplines, constitué d'un ensemble de friches de l'industrie
textile. Nous sommes en partenariat avec la MEL sur ce projet, qui en
est à ses prémices. L'objectif, c'est de construire 843 logements,
dont 231 sur Armentières. Nous avons débuté les travaux de la
salle Jean Zay et ce projet va comporter une grande voie paysagère de 25
mètres, autour du complexe sportif. On a la volonté d'ouvrir les
habitations vers le parc, avec une porte d'entrée vers le complexe
sportif pour les habitations déjà existantes. Une partie des lots a
déjà été attribuée et les travaux de voirie ont commencé. Les
premières maisons et appartements devraient sortir de terre vers
2028. Armentières, de par sa typologie, n'a pas la possibilité de
s'agrandir, nous avons la nécessité d'utiliser l'existant !
Parmi les grands chantiers de la ville, on peut aussi parler de la transition écologique, avec un chantier majeur, celui du passage de l'éclairage public en LED.
Il
y a une vraie volonté politique depuis plusieurs années. La crise
énergétique que nous avons tous connus nous a fait changer de
braquet sur l'éclairage public. On va remplacer progressivement les
3 600 points lumineux publics par des LED, avec une réduction de 72%
de la consommation. Nous avons élaboré un Schéma Directeur
Immobilier et Energétique pour aller plus loin dans la
transformation de nos bâtiments municipaux et nous allons également
créer un réseau de chaleur urbain, au sein de la ville, en
partenariat avec la MEL. J'ai aussi mis en place un «plan
vert» dans les écoles.
En quoi consiste-t-il ?
Il concerne
l'aménagement, les gestes du quotidien et la mobilité.
D'abord, cela passe par la
végétalisation des cours d'école. Déjà, dans une ville très
dense, les enfants n'ont pas forcément de jardin ! Et ensuite, d'un
point de vue écologique, nous en avons besoin pour l'avenir et pour
réduire la température. On a connu des cours d'école immenses avec
uniquement du béton, ce n'est plus possible ! On a donc réalisé
des îlots de fraicheur dans toutes les écoles. La volonté, c'est
aussi de partager avec les enseignants et de mettre aussi à
disposition du compost pour chaque école ainsi que des récupérateurs
d'eau.
Suite à la concertation participative citoyenne en 2023, le Jardin des portes de France s'est métamorphosé. Où en est la transformation de cet écrin de verdure ?
Sur ce site de 8 hectares situé dans
le quartier du Bizet, on a aménagé un arboretum : cet espace
paysager de 20 600 m2 compte un verger de 1 000 m2
avec plusieurs arbres, notamment fruitiers. On a aussi préservé
l'eau pour la biodiversité et les zones humides. On a mis de
l'éco-pâturage, avec des moutons mais aussi des ruches. Et je vais
également citer un autre projet original de la ville : celui du
cimetière, dont on a complétement changé l'image. La moitié a été
transformée en un espace vert, avec l'installation de bancs, la
plantation d'arbres, le tri des déchets... à l'image des cimetières
anglais et allemands. Comme il est situé dans la partie urbaine de
la ville, on a la volonté d'en faire un parc urbain, au-delà du
recueillement.
Parlons maintenant de mobilité. Le chantier de la rue Faidherbe va laisser une place importante aux mobilités douces.
Cela s'inscrit
pleinement dans la volonté métropolitaine : avoir une piste
cyclable en continu jusque Lille, de façon totalement sécurisée.
Sur ce boulevard Faidherbe, qui est une des grosses artères de la
ville, on aura donc d'un côté, du stationnement et de l'autre les
pistes cyclables. Le boulevard sera rétréci pour limiter la vitesse
et les espaces seront généreux pour la piétonnisation. La première
phase est en route et sera terminée cet été. Nous avons aussi
proposé aux propriétaires de végétaliser leurs façades.
On
a également innové avec un PDIES, un Plan de Déplacement Inter
Etablissements Scolaires : près de
certains collèges, on a modifié les sens de voirie pour mettre des
pistes cyclables, en concertation avec la MEL, les établissements
scolaires et les centres sociaux. L'idée, c'est d'inciter les élèves
à se rendre à l'école en vélo, de façon sécurisée.
Un autre projet de transformation des quartiers, c'est celui du pont de l'Attargette. Quel est le calendrier ?
Ce chantier a
commencé en octobre 2024 par la pose du nouveau pont des Canotiers
qui relie les deux rives. L'assemblage du nouveau pont a commencé
mi- janvier et sera installé fin avril. On est à deux pas de la Lys
et des Près du Hem. La fin du chantier (d'un investissement de 14
M€) est prévu pour janvier 2026. C'est un pont tellement lourd
qu'il a été construit sur place !
Un dernier mot ?
Un des slogans
d'Armentières à l'époque c'était "Pauvre mais fier".
Maintenant, ce n'est plus du tout ça. Armentières reste une ville
modeste pour autant mais on est volontariste pour se métamorphoser.
Nous ne sommes plus du tout dans la sinistrose.
CHIFFRES
Budget de fonctionnement : 40 M€
Budget d'investissement : 5 à 6 M€
Superficie : 630
hectares
La petite info en plus
Le saviez-vous ? Les forces spéciales de la Police viennent souvent s'entraîner dans les friches situées à Armentières pour des exercices de simulation de conflits urbains.