Quand le RN creuse son sillon dans les campagnes, les agriculteurs peuvent se laisser séduire

A l'image de Jordan Bardella le 1er mai à Narbonne, les élus RN sillonnent les campagnes du sud-ouest prônant "la souveraineté" alimentaire en France, un discours séduisant pour nombre de petits agriculteurs qui trouvent dans les idées du parti un...

Le président du Rassemblement national (RN) et député européen Jordan Bardella à Narbonne, le 1er mai 2025 dans l'Aude © Lionel BONAVENTURE
Le président du Rassemblement national (RN) et député européen Jordan Bardella à Narbonne, le 1er mai 2025 dans l'Aude © Lionel BONAVENTURE

A l'image de Jordan Bardella le 1er mai à Narbonne, les élus RN sillonnent les campagnes du sud-ouest prônant "la souveraineté" alimentaire en France, un discours séduisant pour nombre de petits agriculteurs qui trouvent dans les idées du parti un écho à leurs préoccupations, sans toujours oser l'admettre.

Paul Louman, 21 ans, vote Rassemblement National depuis sa majorité. "C'est l'un des seuls programmes qui mettent en place de bonnes choses pour l'agriculture française", argue ce fils et petit-fils de viticulteurs de l'Aude, également électeurs du parti. Lui a renoncé à travailler la vigne, préférant la restauration et jugeant "trop compliqué de s'en sortir dans l'agriculture".

A cause de la sécheresse, du gel, des maladies ovines ou bovines mais aussi de la "mondialisation", des normes européennes, des contrôles des exploitations, de la "concurrence déloyale", énumèrent plusieurs agriculteurs et syndicalistes agricoles interrogés par l'AFP.

Rencontré au meeting narbonnais du 1er mai du parti d'extrême droite, M. Louman juge qu'on impose "trop de contraintes aux agriculteurs français" qui du coup "doivent produire moins ou à perte". Et "après on achète en Espagne, en Turquie, en Tunisie, des fruits et des légumes qui ne mettent pas ces normes en place", déplore-t-il, en écho au discours de M. Bardella.

"Sans agriculteurs (...) il n’y a aucune souveraineté alimentaire possible", a ainsi affirmé le président du RN devant des milliers de partisans. "Il est inacceptable que la France dépende demain de puissances étrangères pour le besoin le plus élémentaire qu’est celui de nourrir sa population", a-t-il martelé dans le chef-lieu du département agricole de l'Aude.

Ce discours souverainiste résonne particulièrement dans le sud-ouest, où la colère agricole a démarré à l'hiver 2024, à travers manifestations et blocages routiers, avant de se propager au reste de l'Hexagone. 

Les préoccupations d'une profession "asphyxiée" y restent intactes aujourd'hui, affirme la Coordination rurale (CR), à l'initiative d'une récente opération coup de poing à Montauban.

"Si on ne se bat pas, on meurt", lance Julien Aurières, coprésident de la CR du Tarn-et-Garonne, devant un amoncellement de paille, de branches et de troncs. 

Dénonçant "le millefeuille administratif qui est en train de tuer l'agriculture", ce producteur de pommes et nectarines, qui se dit apolitique, est venu "défendre notre petit modèle agricole" face à une "classe dirigeante profondément urbaine et qui ne comprend plus la France rurale".

Souverainiste de droite

Pierre-Guillaume Mercadal, éleveur de cochons laineux à Montjoi, "veut que ce pays aille mieux, qu'on mange des produits sains et français", et pas ces fraises "dégueulasses" d'Espagne qu'une boulangerie industrielle du coin utilise pour ses tartes "alors qu'on en produit ici à trois euros le kilo".

"Si une question comme la souveraineté alimentaire, c'est du fachisme alors soit, soyons des fachistes", explique M. Mercadal, porte-parole de la CR Tarn-et-Garonne, dont le syndicat a été "taxé d'extrême droite" pour avoir reçu fin 2024 Eric Zemmour.

Son bulletin de vote ? "Souverainiste de droite", finit par confesser ce paysan provocateur, condamné pour outrage à des élus locaux (appel en cours). Car la gauche "abandonne le monde agricole".

"Nous ne pouvons pas faire confiance à celles et ceux qui nous ont amenés à cette situation-là, c'est-à-dire droit dans le mur", renchérit le vigneron et maire RN de Baixas (Pyrénées-Orientales). En tant que viticulteur, j'ai retrouvé au sein du RN un véritable programme, avec une vision de développement de l’agriculture française", précise Gilles Foxonet, passé de la droite à l'extrême droite.

"Ils vont faire du bien à la France rurale et à son patrimoine", estime aussi Henri Dauriac, chasseur et retraité RN d'un village de montagne de l'Ariège, où "la mondialisation a fait énormément de mal" à l'élevage et aux cultures d'orge et de blé.

On les a tous essayés

D'autres préfèrent garder l'anonymat. "On les a tous essayés, je pense qu'ils feront mieux que tous les autres", confie une retraitée d'une commune rurale de l'Aude.

"Quand on échange avec les agriculteurs, ils ne nous disent pas +on vote pour vous+ mais on le comprend très fortement", affirme Romain Lopez, maire RN de Moissac, connue pour son AOP Chasselas, pour lequel ils se retrouvent dans "l'écologie de proximité, l'amour de la terre, l'enracinement, la cellule familiale" défendues par le RN.

"C'est nous qui portons leur discours", estime la députée RN du Tarn-et-Garonne Marine Hamelet, "les agriculteurs ne sont pas dans un combat politique, ils sont dans un autre combat, pour leur survie".

Mais "les politiques restent des politiques, ils nous utilisent", relativise M. Aurières. "On sait très bien qu'on ne peut pas leur faire confiance, ils ont envie de nous séduire", analyse-t-il. "Mais au final quand ils sont au pouvoir, ça ne bouge pas".

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