Recyclage des textiles : un terrain de conquête

Prémisses. Le 25 juin, à Paris, l'Ademe, Agence de la Transition écologique, organisait une matinée d'échanges consacrée au « Textile et environnement : du fabricant au consommateur, agissons sur l'ensemble de la chaîne de valeur ». Parmi les thèmes abordés, celui de la potentielle deuxième vie des textiles n'est pas le moins complexe. Au terme de la « première vie du vêtement », plusieurs options sont possibles, a rappelé Raphaël Guastavi, directeur adjoint économie circulaire à l'Ademe. Les vêtements peuvent être revendus sur une plateforme dédiée ou bien donnés. Ou alors, ils peuvent -théoriquement- être recyclés pour que le matériau soit réutilisé. « Aujourd'hui, 1% seulement des vêtements sont recyclés », rappelle Raphaël Guastavi. Ni la collecte, ni le recyclage ne sont au point. En outre, pour que le dispositif fonctionne, « il est nécessaire que les metteurs sur le marché incorporent ces matières recyclées dans leurs produits. Autrement, la filière aval ne dispose pas de clients », poursuit Raphaël Guastavi qui pointe la nécessité d'« accompagner » la transition.

C'est l'enjeu de l'appel à projets d'économie circulaire de l'Ademe, ORMAT (Objectif recyclage MATières) reconduit en 2025 et qui concerne aussi le textile. Il apporte un soutien aux projets tout au long de la chaîne du tri, de la production de matières premières de recyclage (MPR) à leur incorporation dans de nouveaux produits. Selon le rapport de l'Ademe, en 2023 et 2024, 32 projets concernant le textile ont été soutenus pour un montant de 5,8 millions d'euros. Par exemple, les Filatures éco des Hauts-de-France ont été soutenues à hauteur de 600 000 euros pour leur investissement dans une ligne de réincorporation de 480 tonnes de fibres recyclées. En Île-de-France, Tissium a obtenu 225 000 euros pour une unité pilote pour la production de panneaux en textile recyclé.

Sur le plan environnemental, l'incorporation d'une tonne de textile recyclé représente 7 527 kWt/t économisés et 7 545 kg eq CO2/t évités, par rapport à l'incorporation de matières premières vierges.

Nouvelles vies

Parmi les projets novateurs figure aussi Firex, une usine qui a ouvert ses portes à Amplepuis, dans le Rhône en 2023. Elle est en mesure de réaliser un tri fin automatisé entre tous les différents types de textiles, jusqu'alors difficiles à recycler. « Aujourd'hui, nous sommes capables de les trier et de les orienter vers différents secteurs », explique Eric Boel, président de Nouvelles fibres textiles. Ce regroupement d’entreprises du secteur aux compétences complémentaires a été accompagné par l'Ademe à hauteur de 14,6 millions d'euros (sur un total de 30 millions d'euros d'investissements ), dans le cadre du programme des Investissements d'Avenir. « On tape souvent sur les éco-organismes, mais on ne peut pas financer des outils aussi innovants sans cela », souligne Eric Boel. En 2024, le dispositif a permis de recycler 1 000 tonnes de textile et Nouvelles fibres textiles vise les 25 000 tonnes en 2025 (avec trois usines supplémentaires). Une partie des textiles a été recyclée en boucle ouverte (pour d'autres usages) et une autre partie en boucle fermée, pour refaire de nouveaux textiles. Dix millions de sacs de caisse pour des supermarchés (Super U et Auchan ont été confectionnés (en France, avec un robot), en 2024. Les textiles recyclés ont aussi servi à réaliser des vêtements. « Il ne faut pas caricaturer le recyclage en disant que l'on va réaliser uniquement des produits pour l'isolation et des serpillières », défend Eric Boel. Pour lui, le système est véritablement vertueux, créateurs d'emplois non délocalisables (70 en 2023) et écologique. Le coût de la tonne de textile recyclé, pour l'instant plus élevé que celle de la matière vierge, rend l'accompagnement de la transition par l’État indispensable. Au vu des désastres écologiques engendrés par l'économie linéaire, « l'économie circulaire n'est pas une option », rappelle Eric Boel.

La « spirale consumériste » sans fin

Les consommateurs sont apparemment très loin de cette réalité. Selon l'étude ObSoCo (Observatoire société et consommation) sur les pratiques liées aux achats de textile des Français, diffusée par l'Ademe le 25 juin, en moyenne, les Français achètent 13 pièces d'habillement chaque année. Au fil du temps, ces achats finissent par constituer une garde-robe moyenne qui tourne autour de 175 pièces par personne, composé pour partie d'un « stock dormant » jamais utilisé. Autre constat, 45% des Français s’approvisionnent dans une enseigne de la fast fashion dite de « première génération » ( H&M, Zara...). L'ultra fast fashion ( Shein, Temu, Asos... ) touche une part plus réduite de consommateurs (24%), pour l'essentiel, des femmes (70%) aux revenus souvent modestes. Parmi leurs principaux critères de choix : le fait de pouvoir « acheter beaucoup de vêtements, les renouveler souvent ».

Autre constat de l'étude, le recours au marché de la seconde main pour les produits d'habillement concerne 42% des Français, et il se déroule quasi exclusivement en ligne, sur Vinted. Les acheteurs recherchent une « source supplémentaire d'approvisionnement en vêtements peu onéreux » , l'essentiel de leur budget demeurant consacré au marché du neuf. Et ils disposent de garde-robes particulièrement volumineuses. Au final, « les achats et reventes de vêtements de seconde main ont fréquemment pour effet rebond un accroissement de la consommation des ménages. Dans 51% des cas, les consommateurs de vêtements de seconde main réutilisent les économies réalisées pour acheter davantage de vêtements (11%) ou les consacrent à d'autres postes de dépenses (40%) », d'après l'étude. Bref, les plateformes ne font qu'alimenter la « spirale consumériste ». Et avec un autre effet : une diminution des dons de vêtements...