Rouen se prépare à la forte hausse du trafic fluvial de conteneurs

Ce 23 avril à Rouen, se déroulait le sixième sommet de l'Axe Seine. L'occasion de faire le point sur les projets de développement concernant le transport fluvial.

Plus grand port céréalier de France, Rouen a aujourd'hui une place à prendre sur le conteneur pour désengorger Le Havre. © Aletheia Press, Benoit Delabre
Plus grand port céréalier de France, Rouen a aujourd'hui une place à prendre sur le conteneur pour désengorger Le Havre. © Aletheia Press, Benoit Delabre

"Ce qui est bon pour Le Havre est bon pour Rouen. Et inversement…" A l'occasion du sixième sommet de l'axe Seine (organisé par le Journal du Grand Paris) le 23 avril à Rouen, le maire de la ville, Nicolas Mayer-Rossignol, a souhaité d'emblée tordre le cou aux vieilles querelles. Celles-ci ne sont, en effet, pas totalement enterrées.

Les investissements lourds conduits sur port 2000 au Havre ces derniers mois, pourraient frustrer ceux qui, sur la place rouennaise, ont une vision trop court-termiste. Pourtant, "il y a une vraie complémentarité entre les ports", défend Gilles Kindelberger, président de l'Union portuaire rouennaise. "Rouen est la base arrière du Havre. Les porte-conteneurs ne peuvent pas remonter jusqu'à Rouen. Mais nous pouvons désengorger le port du Havre !"

Un trafic conteneur qui explose

Le lancement de la construction de la chatière va évidemment dans ce sens. Et le projet stratégique 2026-2030 de Haropa Port aussi. Car si Benoît Rochet, nouveau directeur général de la structure, rappelle la volonté de conserver à Rouen le statut de leader sur le marché des céréales et du vrac sec, des aménagements sont prévus pour faciliter la gestion des conteneurs sur la place rouennaise. Une action qui va accompagner la volonté grandissante des chargeurs de massifier encore le transport au-delà de la sphère maritime.

"En 2024, un peu plus de 220 000 conteneurs ont été transportés par la voie d'eau, rappelle Benoît Rochet. C'est un record pour l'Axe Seine, que l'on devrait battre de façon assez sensible dès 2025, avant même la réalisation de la chatière. Dans ce contexte de progression très importante du trafic fluvial, les terminaux de Radicatel et de Rouen vont avoir une grande importance."

D'ailleurs, certains acteurs de la ville aux cent clochers l'ont bien compris. Le groupe Sénalia par exemple, spécialiste des vracs agricoles et alimentaires (8 millions de tonnes manutentionnées chaque année), investit dans des entrepôts destinés aux marchandises conteneurisées. Philippe Lestrade, directeur général de Sénalia : "Rouen est finalement située au meilleur, endroit entre un port qui devient très congestionné et Paris qui a un son bassin de consommation gigantesque, mais qui est très chère, avec des accès difficiles. Rouen permet d'offrir une compétitivité de prix et une compétitivité opérationnelle."

Le fluvial doit gagner en compétitivité

Cet avenir "idyllique" du trafic fluvial reste néanmoins à sécuriser. Si l'envie et les capacités sont là, la question économique pourrait jouer les (gros) grains de sable dans son développement. "La route reste, dans bien des cas, bien moins chère que le transport fluvial", rappelle Philippe Lestrade. Et cela reste un facteur déterminant.

En témoigne l'expérience menée par Ferrero pour décarboner son transport vers la région parisienne. Un projet pétri de bonnes intentions, mais qui reste pour le moment cantonné à des volumes presque anecdotiques (100 conteneurs par an environ). "C'est une aventure", résume Laure Flipo, en charge de la supply chain chez Ferrero à Mont-Saint-Aignan. En témoigne aussi, l'échec (peut être temporaire) de la barge à moteur hydrogène lancée il y a quelques semaines par Sogestran. Encensée, cette innovation "sert pour le moment à cultiver les moules", se désole Steve Labeylie, responsable des relations institutionnelles au sein de Sogestran.

Un effort à conduire collectivement

"Il nous faut gagner en compétitivité, insiste Philippe Lestrade, qui note toutefois que la part modale du routier est passée de 80 % à 50 % en 15 ans. Cela passe par des barges plus nombreuses et moins chères, mais aussi un coût de passage portuaire plus faible. On a des efforts à faire dans ce sens." D'autant que, comme le souligne Bertrand Neveux, adjoint au chef de service développement de la voie d'eau chez Voies navigables de France (VNF), "opérer la bascule vers le fluvial n'est pas toujours simple".

L'effort doit évidemment être collectif. Et dans le sillon de ce que Nicolas Mayer Rossignol a appelé "l'épine dorsale qu'est Haropa", les collectivités ont leur rôle à jouer. Accès au foncier, accès aux compétences aussi, aux services… Autant de questions propres au développement économique et à l'attractivité territoriale. "Nous devons continuer à travailler ensemble et être unis, en n'oubliant pas que cela ne repose pas que sur les élus. Les acteurs économiques ont encore des progrès à faire en la matière" a conclu le maire de Rouen.

Pour Aletheia Press, Benoit Delabre

Faire du bassin Saint Gervais une base d'accueil de la batelerie

"Pour développer le transport fluvial, il faut accueillir les bateliers", insiste Gilles Kindelberger, président de l'Union portuaire rouennaise. Un service que l'UPR aimerait voir se développer à Rouen, autour du bassin Saint Gervais. Aujourd'hui peu utilisé, ce bassin pourrait servir de base d'accueil, fournissant un espace d'amarrage, autour duquel des services spécifiques pourraient être déployés. Et ce, à quelques pas seulement du centre-ville et des points de ravitaillement et de loisirs. Une autre forme de tourisme d'affaire qui aurait ses intérêts…