Un forum sur la santé mentale en entreprise pour «faire que le sujet ne soit plus tabou»
Organisé par Présoa, service de prévention et de santé au travail interentreprises, et le club «Les entreprise s’engagent» de l’Aisne, le forum sur la santé mentale en entreprise a attiré de nombreux dirigeants et acteurs RH pour qui la thématique est un réel sujet au quotidien. Le témoignage du champion de natation, Camille Lacourt, en clôture de ces échanges, est venu confirmer que la dépression n’épargne personne.

Parce
qu’aujourd’hui encore, santé mentale rime trop souvent avec
fragilité, en parler revient à faire un aveu d’échec et
en particulier pour les entrepreneurs :
«il
n’est pas évident de reconnaître que ça ne va pas».
«La
santé mentale au travail n’est plus une question secondaire. C’est
un levier majeur de performance durable, d’attractivité et de
fidélisation. En parler ouvertement, c’est déjà agir», déclare Luc Baijot, président
de Présoa,
en
ouverture du Forum organisé jeudi 16 octobre au Domaine du Mont
Rouge à Rogécourt.
L’affaire de tous
Le
message a été
distillé
au
fil des interventions, professionnels
et experts du bien-être au travail ont partagé ce constat :
«nous
sommes tous concernés, chacun
peut être touché par
une problématique de santé mentale durant sa carrière».
Concernant
la situation de l’emploi dans
l’Aisne,
médecins
du travail et inspecteurs du travail ont témoigné lors des
différentes tables rondes, de
la forte augmentation du nombre de
salariés axonais en détresse psychique,
conséquence
directe
des
Plans de sauvegarde de l’emploi en
cours. «Le
monde du travail a changé», expose, pour
sa part, Luc
Laratte, chef d’entreprise dans le sud de l’Aisne, co-leader du
Club «Les
entreprises s’engagent», entraînant
un nécessaire changement des
paradigmes
en
matière de recrutement
de
nouveaux collaborateurs.
Certains
entrepreneurs disent «ne
pas être
psy», ces derniers ont pu trouver au
sein des nombreux
ateliers
mis
en place, des réponses à leurs besoins. Pour
le Dr
Lamy-Zaluski, médecin du travail chez Présoa, «la
santé mentale est une responsabilité partagée, entre dirigeants,
salariés et partenaires institutionnels».
Un enjeu stratégique
Les statistiques nationales exposées par les professionnels montrent que «la santé mentale au travail est une problématique dont il faut s’emparer» : elle est la première cause des arrêts maladie de longue durée et responsable de 35 à 40 % de l’absentéisme... Les échanges ont donc porté sur «la construction d’un environnement de travail bienveillant» pour préserver la santé mentale au travail. Le producteur du documentaire en cours de montage «Soyons fous» a été invité à expliquer sa démarche : former quinze personnes isolées par les problématiques de santé mentale dont elles souffrent, aux métiers du cinéma, pour «parler de la santé mentale autrement».
Amaury Pascaud a également fait la promotion de la formation aux «1er secours en santé mentale» qu’il a lui-même suivie et qui selon lui, permet «d’avoir les bons mots pour parler des bonnes choses». Fondateur du Projet 41-21 et auteur du livre «La QVT : en finir avec les conneries», Vincent Baud a tenu son auditoire en haleine autour de la question de «l’écoute au cœur du travail» : «je pense qu’il n’y a pas d’écoute sans autorité, écouter ce n’est pas obéir». D’où sa recommandation : «bien comprendre pour bien agir».
Camille
Lacourt témoigne de sa dépression : «rouvrir son
esprit, se reconnecter au présent»
Camille Lacourt a fait salle comble pour son intervention à Rogécourt. Le champion d’Europe et champion du monde a livré publiquement «sans filtre», ses doutes, lors de deux périodes charnières de sa carrière : son échec aux JO de Londres en 2012 et sa retraite de sportif en 2017. Le nageur a confié ce sentiment de colère puis de tristesse qui l’a envahi au lendemain de sa défaite aux JO, arriver 4e quand on vise la médaille d’or est une épreuve qui force à se remettre en cause, le sportif plonge alors dans la dépression sans vraiment mettre des mots sur son mal-être.
«J’avais oublié de vivre le moment présent», confie Camille Lacourt, habitué des exploits sportifs qui va, au final, se reconstruire par l’accomplissement de gestes simples : se lever tôt le matin et descendre à la boulangerie acheter des pains au chocolat pour ses enfants, faire un footing matinal avec sa compagne… atteindre jour après jour de petits objectifs, avec toujours la peur de la rechute, se «reconnecter au présent» et surtout à lui-même. Camille Lacourt a souhaité par son témoignage «enlever la culpabilité» qui pèse autour de la dépression déjà «assez lourde à porter» : même un athlète de son niveau accompagné par un préparateur mental n’y a pas échappé, alors le quadruple champion du monde et d'Europe avait aussi fait le déplacement jusqu'à Rogécourt pour dire qu’«on peut s’en relever».
