Un nouveau cadre juridique pour les actions de groupe en France
À l’occasion de la transposition de la directive sur les actions représentatives transfrontières, le cadre juridique des actions de groupe « à la française » a été sensiblement remanié.

La loi du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) vient transposer plusieurs directives et adapter le droit français à des règlements européens dans différents domaines. Elle transpose notamment la directive sur les actions de groupe transfrontières, (avec près de deux ans de retard) et modifie les règles applicables en matière d’action de groupe en France. Cette procédure permet aux personnes victimes d’un même dommage de la part d’un professionnel ou d’une personne publique de se regrouper pour former une action en justice – action en cessation du manquement ou pour demander réparation du préjudice.
Des positions divergentes entre les deux chambres
Alors qu’un rapport parlementaire dresse un bilan très décevant des différentes procédures d’action de groupe existantes en France, le gouvernement ne souhaitait qu’une transposition stricte de la directive et une modification a minima du droit français. Mais les députés à l’origine d’une proposition de loi sur le régime juridique des actions de groupe – dont l’examen a été interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale, l’an passé – ont réussi à réintégrer dans le texte la plupart des réformes qu’ils préconisaient. Plus alignés sur la position du gouvernement, les sénateurs ont supprimé bon nombre des dispositions introduites par les députés. Le texte final est donc issu du compromis élaboré par la commission mixte paritaire entre les deux versions du texte.
Un régime unique pour toutes les actions de groupe
Comme le souhaitaient les députés, la loi instaure un régime unifié des actions de groupe pour tous les domaines (consommation, environnement, lutte contre les discriminations, données personnelles, droit du travail...), excepté la santé publique. Ce nouveau régime harmonisé, qui vient remplacer les sept régimes différents qui existaient jusqu’à présent, s’appliquera à toutes les actions intentées après la publication de la loi.
Ces procédures seront désormais traitées par des tribunaux judiciaires spécialisés. Une action manifestement infondée pourra être rejetée par le juge (par décision motivée) dès l’introduction de l’instance. La mise en demeure préalable ne sera obligatoire que pour les actions de groupe basées sur le Code du travail. Il sera possible au juge de décider la mise en œuvre d’une procédure collective de liquidation des préjudices, excepté pour les préjudices résultant de dommages corporels. Le ministère public pourra exercer, en qualité de partie principale, l’action de groupe en cessation du manquement ou se joindre à toute action de groupe.
Davantage de possibilités de recours à l’action de groupe
La loi étend également les possibilités de recours à l’action de groupe en élargissant la liste des entités autorisées à introduire des actions de groupe. Elles seront surtout portées par les associations agréées, sous réserve de respecter certaines conditions de transparence et d’indépendance, et les associations non agréées justifiant de deux ans d’activité effective pourront désormais introduire des actions en cessation du manquement. Les organisations syndicales représentatives pourront porter des actions en matière de protection des données personnelles, de lutte contre les discriminations et de cessation du manquement et réparation de dommages d’un employeur unique. La liste des associations agréées sera mise à la disposition du public et un registre public des actions de groupe en cours va être créé (il sera tenu par le ministère de la Justice).
Autre disposition susceptible d’élargir les possibilités de recours à cette procédure : l’action de groupe pourra être financée par un tiers, dans des conditions fixées par décret. Dans tous les cas, le tiers financeur ne pourra pas chercher à influer sur les personnes qui ont initié l’action en justice.
Création d’une amende civile
La loi introduit dans le Code civil un nouvel article portant création d’une amende civile, qui viendra alimenter un fonds dédié au financement des actions de groupe. Cette amende civile est destinée à sanctionner les comportements dolosifs qui ont causé des dommages sériels. Si l’auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indue, le juge pourra, à la demande du parquet (au tribunal judiciaire) ou du gouvernement (au tribunal administratif), la condamner à une sanction civile (par une décision spécialement motivée). Son montant sera déterminé en fonction de la gravité de la faute et du profit réalisé. Cette amende civile ne sera applicable qu’aux actions dont le fait générateur de la responsabilité est postérieur à la loi.